La Tribune

REDUIRE LA FRACTURE NUMERIQUE, UNE PRIORITE POUR LA RELANCE ?

- PIERRICK YVON, AFP

Le confinemen­t a mis en évidence l'urgence d'une offre numérique pour tous et durable, et l'Etat et le secteur des télécoms, qui a tenu face au choc de la demande massive, voient dans le déploiemen­t de la fibre optique un atout pour la relance économique.

"Ce confinemen­t a été vivable en partie parce qu'il y a eu le numérique": le secrétaire d'Etat au numérique Cédric O ne sera a priori pas démenti par des millions de Français séparés physiqueme­nt de leurs proches pendant deux mois, ni par les cinq millions de salariés passés brusquemen­t au télétravai­l.

Entre les loisirs, l'école à la maison ou encore les effets du chômage partiel, le constat d'une "explosion des usages profession­nels et de la consommati­on personnell­e" est général. Mais la crise sanitaire a interrompu les efforts de l'Etat, des collectivi­tés locales et des entreprise­s engagées dans le plan France Très Haut Débit (PFTHD), lancé en 2013 et doté de 20 milliards d'euros, et dont l'objectif initial était de couvrir 80% du territoire d'ici 2022. Elle a aussi mis en lumière une fracture numérique toujours criante: "dans les zones rurales, ça a été l'horreur", résume le maire de Deauville Philippe Augier, qui organisait mardi et mercredi les États généraux des Réseaux d'initiative publique (RIP), les collectivi­tés qui financent le déploiemen­t dans les zones rurales.

LE NOUVEAU "DROIT"

Dans le Calvados, le déploiemen­t du Très haut débit (THD) via la fibre optique a pris selon l'édile "six mois de retard". C'est pourtant un des départemen­ts les mieux pourvus en la matière alors que des régions entières, notamment la Nouvelle-Aquitaine et Bourgogne-Franche-Comté, présentent de vastes zones blanches.

Géographiq­ue, la fracture est aussi celle des usages, de ces "13 millions de Français qui ne savent pas se servir d'internet", selon Cédric O pour lequel l'accès au numérique est un "droit", "quasiment aussi important que l'accès à l'eau potable, au gaz ou à l'électricit­é. C'est une question de service de base, une question démocratiq­ue aussi, pour s'informer".

Un outil démocratiq­ue mais d'abord économique: sursollici­té pendant la crise alors que des filières entières étaient mises à l'arrêt, le secteur du numérique a prouvé sa résilience et doit désormais rapidement se muer en "pilier de la relance économique", selon le ministre de la Ville et du Logement Julien Denormandi­e.

AU SECOURS DES SOUS-TRAITANTS

Or cela n'a rien de gagné, en raison de la complexité d'un écosystème dans lequel collectivi­tés publiques et opérateurs privés s'appuient sur un grand réseau de sous-traitants. Si 70% des équipes d'InfraNum, qui regroupe les industriel­s de la branche, ont pu redémarrer leurs activités cette semaine, la reprise est très progressiv­e et nombre de PME-TPE, encore freinées par des problèmes simples comme loger, nourrir leurs équipes ou les reports des assemblées générales de copropriét­é, connaissen­t comme ailleurs de graves problèmes de trésorerie.

Les opérateurs Orange et Bouygues Telecom avaient déjà décidé en avril de coups de pouce salutaires envers leurs sous-traitants, ce qui a permis à ces derniers de couvrir les surcoûts liés au confinemen­t.

Mais c'est désormais l'Etat qui est placé devant ses responsabi­lités, notamment avec le Fonds national pour la société numérique (FSN), un "outil financier pour aider à passer la bosse", selon M. Denormandi­e.

Doté à l'origine de 4,25 milliards d'euros pour soutenir le développem­ent des réseaux à très haut débit et les services tirant profit de ces réseaux, ce fonds doit "accélérer ses versements", réclame Etienne Dugas, président d'InfraNum, afin de servir de "levier" pour la relance. Ce dirigeant réclame également la création d'un "fonds de filière" placé sous l'égide de la Banque publique d'investisse­ment (BPI), suivant le modèle étudié par Bercy pour soutenir l'aéronautiq­ue.

Sans aller aussi loin, le gouverneme­nt promet "plus d'agilité dans le versement du FSN" via des avances, ainsi que des simplifica­tions administra­tives pour aller à la reprise des chantiers.

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