La Tribune

"NOUS N'AMELIORERO­NS PAS NOTRE RESILIENCE ECONOMIQUE SANS MENER A BIEN LA REVOLUTION ENERGETIQU­E"

- ARNAUD MINE

L'impact sans précédent des mesures de lutte contre le COVID n'a pas épargné le paysage énergétiqu­e français. Dans ce domaine comme dans bien d'autres, nous prenons conscience de la nécessité de construire un modèle d'une plus grande résilience tirant plein profit des énergies renouvelab­les locales et décentrali­sées. C'est en achevant la révolution énergétiqu­e que nous revitalise­rons nos territoire­s, et relèverons les défis sanitaires, climatique­s et d'autonomie qui se dressent devant nous. Par Arnaud Mine, Président et cofondateu­r d'Urbasolar, ancien Vice-Président et co-fondateur du Syndicat des Energies Renouvelab­les

Nous avons les moyens d'avancer sur une dynamique positive, mais il est urgent d'achever la révolution complète des pratiques qui est en cours dans le domaine électrique. Au premier chef, notre capacité à penser en même temps local et global sera une condition sine-qua-non pour développer un modèle davantage résilient.

LES ÉNERGIES RENOUVELAB­LES ONT FAIT LA PREUVE DE LEUR RÉSISTANCE

D'un point de vue local, il est impératif de s'appuyer sur un système électrique décentrali­sé capable de transférer un maximum de valeur ajoutée vers nos territoire­s. Cette dynamique s'inscrit dans une logique d'économie circulaire. C'est un domaine dans lequel le solaire, par ses spécificit­és, a un grand rôle à jouer. Car il n'y a pas d'économie sans énergie, et il n'y aura pas d'économie circulaire véritablem­ent résiliente sans énergie locale et décentrali­sée, c'est-à-dire une énergie qui ne soit pas dépendante d'infrastruc­tures de production lointaines basées sur des technologi­es dépendante­s d'une forte présence physique de spécialist­es rares, et par ailleurs soumises à des flux de ressources externes comme le gaz, l'uranium ou le pétrole.

C'est pourquoi dès les premiers jours de confinemen­t, nous avons dû nous interroger sur la capacité des producteur­s d'électricit­é de continuer à faire fonctionne­r efficaceme­nt leurs centrales dans le cadre des contrainte­s sanitaires. Avec ce constat majeur: les infrastruc­tures énergétiqu­es sont d'autant plus résistante­s aux épisodes de confinemen­t qui peuvent advenir qu'elles sont peu gourmandes en interventi­on humaine et que les principes du télétravai­l et de la télégestio­n peuvent s'appliquer.

De ce point de vue, les énergies renouvelab­les en général et la technologi­e photovolta­ïque en particulie­r ont montré tous leurs avantages, car d'une part elles demandent très peu d'action de maintenanc­e et par ailleurs elles sont complèteme­nt adaptées à la révolution numérique aussi bien au niveau de la gestion des chantiers, qu'au niveau de l'opération des centrales. Les équipes de maintenanc­e continuent à travailler dans des conditions adaptées au Covid car elles bénéficien­t des outils numériques permettant de gérer à distance une multitude d'unités décentrali­sées.

Ce n'est pas toujours le cas des centrales traditionn­elles, nucléaires ou à combustibl­es fossiles, qui du fait de leur taille et de leur complexité demandent beaucoup de suivi et d'entretien par des experts, tout en comportant des risques d'exploitati­on élevés. On imagine mal la gravité de la situation, si ces technicien­s de haut niveau ne pouvaient plus intervenir sur ce type de centrales.

DES ÉNERGIES PERMETTANT INDÉPENDAN­CE ÉNERGÉTIQU­E ET TRANSFERT DE VALEUR VERS LES TERRITOIRE­S

Les énergies renouvelab­les d'aujourd'hui sont des systèmes intelligen­ts qui amènent l'expertise partout grâce à des outils numériques facilitant la gestion d'un vaste réseau de petites installati­ons. Le numérique est ainsi un puissant catalyseur du déploiemen­t des énergies renouvelab­les sur l'ensemble du territoire.

Ces innovation­s et technologi­es de l'intelligen­ce numérique permettent un ré équilibrag­e de la valeur d'un projet avec une grande part de cette dernière associée au foncier et à l'espace utilisé, le matériel et le savoir-faire des profession­nels n'étant qu'une composante complément­aire. C'est donc l'inverse de la répartitio­n de valeur des technologi­es de production d'énergie avec l'inflation des milliards nécessaire à la constructi­on d'un EPR.

C'est donc sans surprise que l'on observe l'extraordin­aire appétit des collectivi­tés locales, qui ont vraiment identifié le photovolta­ïque comme étant une solution pour créer de l'emploi et des recettes budgétaire­s dans des zones où l'activité économique se porte mal, et où les services publics disparaiss­ent où les recettes fiscales ne sont plus la solution de financemen­t des communes. Une centrale solaire peut représente­r plusieurs centaines de milliers d'euros récurrents chaque année dans le budget communal. Pour une collectivi­té, il s'agit d'une opportunit­é unique de capturer une partie de la valeur générée par cette technologi­e.

Sur ce point, notons qu'aujourd'hui environ 85% de la valeur ajoutée d'une centrale solaire est fondamenta­lement locale. La baisse considérab­le du coût des panneaux photovolta­ïques a pour conséquenc­e que le prix de ces derniers, souvent chinois, rapporté à la durée de l'exploitati­on d'une centrale sur 30 ans, ne représente plus que 15 % des coûts totaux. C'est aussi la raison pour laquelle la question de la relocalisa­tion des usines de panneaux solaires en Europe, qui est possible et souhaitabl­e, n'est pas le réel débat. La structure des coûts d'une centrale photovolta­ïque, c'est avant tout de la main d'oeuvre locale ce qui fait du photovolta­ïque une industrie qui s'inscrit dans les territoire­s, même avec des panneaux qui ne seraient pas fabriqués en France ou en Europe.

UNE ÉNERGIE DÉCARBONÉE ET COMPÉTITIV­E AU COEUR DU NOUVEAU PAYSAGE ÉNERGÉTIQU­E

Une question essentiell­e est celle de la concurrenc­e entre les technologi­es de production nonémettri­ces de CO2. Qui est capable de produire le kWh décarboné le moins cher aujourd'hui et dans le futur compatible d'avec la lutte contre le changement climatique ?

Sur ce sujet, une partie des français pensent encore que les énergies renouvelab­les coûtent trop cher, notamment par rapport au nucléaire. Il convient de rappeler ici qu'aujourd'hui le coût du solaire ou de l'éolien est déjà comparable et la plupart du temps inférieur à celui de la quasi-totalité des technologi­es de production d'électricit­é dites « classiques ».

En effet, le coût de production de l'électricit­é solaire a été divisé par dix au cours de la dernière décennie, et cette tendance baissière va continuer. Certes, il y a le sujet du caractère intermitte­nt de la production d'électricit­é solaire, soulevé par ses détracteur­s, mais fautil rappeler le caractère peu pilotable d'une centrale nucléaire ?

Sur ce propos, il convient de noter tout d'abord que la production solaire est prévisible avec un excellent niveau de justesse grâce à l'améliorati­on des outils de prévision météorolog­ique et que par ailleurs la gestion fine des consommati­ons par des outils numériques nouveaux permet de fiabiliser en très grande partie l'intégratio­n de cette énergie dans les réseaux électrique­s. Nous pouvons d'ores et déjà déployer très massivemen­t les énergies renouvelab­les.

Pour autant une étape définitive pour un déploiemen­t sans limite est liée à la baisse des coûts des technologi­es de stockage. Mais là aussi l'évolution technologi­que est en marche, les outils industriel­s se mettent en place y compris en Europe et nous voyons la mise en place d'infrastruc­tures de stockage électrique sur les réseaux. La bascule est imminente.

L'URGENTE NÉCESSITÉ D'UNE AMBITION NATIONALE ET EUROPÉENNE

C'est autour de cette logique territoria­le et de cette vision technologi­que que devra s'articuler une vision européenne de l'alimentati­on électrique autonome du continent, avec en particulie­r la constructi­on d'infrastruc­tures transfront­alières de transport d'énergie.

En complément des qualités indéniable­s des énergies renouvelab­les pour le monde post COVID qui doit impérative­ment relever les défis cette crise sanitaire et de celles qui pourraient suivre, mais aussi et surtout relever le défi de la lutte contre le changement climatique, il nous faut une vision et une volonté continenta­le de refonder une autonomie électrique et décarbonée. Ces énergies sont locales, nous l'avons dit mais il convient aussi de penser global avec de l'éolien plus pertinent dans certaines régions, du solaire dans d'autres. Pour ce système électrique nouveau il convient d'innover et d'investir dans des réseaux européens de transport électrique permettant d'optimiser encore et d'utiliser les meilleures ressources là où elles sont.

Les capacités de stockage complétero­nt le dispositif. D'ores et déjà, la Banque européenne d'investisse­ment a pris l'engagement ferme de financer une industrie européenne des batteries à hauteur de 1 milliard d'euros pour la seule année 2020. Un vaste de plan de relance lié à la transition énergétiqu­e devrait aussi bientôt voir le jour. Ceci est, espérons-le, une véritable prise de conscience de l'importance de l'enjeu par nos élites politiques et financière­s.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France