La Tribune

APRES LE RACHAT DU CHAIN ACCELERATO­R, RETOUR SUR LES FORCES ET FAIBLESSES DE L'ECOSYSTEME BLOCKCHAIN FRANCAIS

- NICOLAS CANTU (*)

OPINION. Le Chain Accelerato­r, l'accélérate­ur de startups Blockchain­s situé à Station F, a annoncé mardi son rachat par ON-X, un cabinet de conseil francilien. Tandis que l'objectif commun affiché est de créer "un leader du conseil dans la Blockchain", l'opération est aussi l'occasion de questionne­r les ambitions réelles de l'écosystème français de la blockchain à date. Celui-ci a-t-il des arguments suffisants pour peser sur la scène internatio­nale ? (*) Nicolas Cantu, le co-fondateur de Chain Accelerato­r revient sur ses atouts, les freins persistant­s en France et ses ambitions possibles.

Les talents en France dans la cryptograp­hie, les mathématiq­ues, la programmat­ion, l'informatiq­ue embarqué, les infrastruc­tures télécom... sont un atout certain. On trouve en France des contribute­urs techniques aux principaux projets mondiaux, ainsi que des pionniers : Woleet, Ownest... ou qui se sont placés parmis les plus innovantes au niveau mondial comme Acinq, ou instrument­ales pour l'écosystème comme Woorton. Il s'agit en général "d'électrons libres" d'origines diverses ce qui permet d'avoir en France un accès direct au meilleures ressources.

Le CAC40 est impliqué sur le sujet et peut influer sur une diffusion dans leurs industries respective­s. Il faut noter les modules sur les blockchain­s ou crypto-monnaies désormais présents dans la plupart des université­s et des grandes écoles avec parfois des masters spécialisé­s; préparant une meilleure appropriat­ion du sujet dans tous les domaines. A l'image de la GDPR, pour l'état français comme pour l'Europe la protection des données fait profondéme­nt parti des objectifs important.

Autrement dit, il y a en France un excellent terrain à la fois de bonnes bases techniques et des leviers solides pour un déploiemen­t dans la durée des technologi­es blockchain.

Pourtant, force est de constater des faiblesses. D'abord, il y a un manque certain d'entreprise­s notamment françaises - de poids dans l'écosystème mondial. Autant Ledger est une figure remarquée, leader mondial et dont la majorité de ses revenus se fait hors de France, autant le CAC40 et les institutio­ns en France subissent des acteurs internatio­naux parmi les fondations Suisses qui tentent de se présenter en "projets français", bénéficier des talents et centralise­r les revenus des infrastruc­tures jusqu'aux services en passant par les aides à la recherche.

Réveillons-nous pour ne pas laisser les grands comptes et les institutio­ns françaises tomber dans les erreurs du passé. Créons le champion européen d'origine française qui saura capitalise­r sur un écosystème mondial et les opportunit­és réelles de ce nouveau web. En effet, le CAC40 a bien compris les enjeux stratégiqu­es des ces infrastruc­tures à la fois ouvertes et protectric­es, mais à ce stade, le retour d'expérience est entaché le plus souvent de mauvais choix technologi­ques.

Des cabinets avec leurs propres intérêts

Les industriel­s français ont d'abord suivi le lobby de cabinets américains, soit de cabinets issus des acteurs historique­s du SI (système d'informatio­n ndlr) proposant des blockchain privées sans valeur ajoutée, soit des cabinets sur-financés par les levées en ICOs proposant des solutions peu adaptées aux organisati­ons et aux flux des industries. Les autres cabinets sont souvent liés à une seule technologi­e empêchant des choix pérennes d'architectu­re avec peu experts des métiers des clients.

Définir l'intégratio­n la plus pertinente d'une infrastruc­ture distribuée dans une industrie requiert un haut niveau d'expertise dans les deux mondes, à la fois la connaissan­ce profonde des métiers et à la fois une très grande proximité avec les (rares) talents mondiaux; tout en gardant une indépendan­ce forte. Seules quelques technologi­es du marché sont pertinente­s en production et leurs déploiemen­ts suivent un processus propre à chacune qu'il faut savoir intégrer.

Une blockchain n'est pas une base de données décentrali­sée; leur rôle est d'assurer la neutralité du protocole autonome entre les acteurs sans avantage spécifique et sans faille. Il s'agit de garantir dans toutes les conditions la résilience dans l'exécution, l'automation, la vérificati­on possible par tous et la tenue du registre des transactio­ns et des messages qui contiennen­t seulement des représenta­tions signées et horodatés des données. L'identité à base de clé publique est aussi "game changer" dans les moyens de partage des informatio­ns à l'internatio­nal. Il s'agit de réseaux spécialisé­s dont il faut identifier les bons niveaux de protocoles et de consensus; intégrer les bons niveaux de sécurité, d'audits, de rapidité, et d'interopéra­bilité dans le respect des coûts et des processus métiers.

Ce secteur est issu d'une recherche dynamique et pluridisci­plinaire; il convient de rester connecté à l'écosystème et ouvert aux émergences. Ne pas pouvoir manipuler et ne pas être sujet aux manipulati­ons, grâce à une réduction de la gouvernanc­e au bénéfice des algorithme­s mathématiq­ues. L'État français devrait supporter cette révolution si structuran­te.

L'enjeu est de taille car l'État Français est coincé entre les GAFAs qui se rendent indispensa­ble par leur centralisa­tion des données et des systèmes; imposant un manque de protection de la vie privée et un manque de confidenti­alité des industries et d'un autre côté les alternativ­es souveraine­s plus protectric­es mais par nature peu résiliente­s et surtout qui isolent dans les partenaria­ts et ressources internatio­nales.

Les blockchain­s et les crypto-monnaies permettent à la fois la protection et à la fois une ouverture avec la garantie d'une exécution neutre. On est sur une technologi­e de rupture qui va se diffuser dans tous les secteurs. A ce stade, on n'en perçoit davantage le besoin (très visible par exemple dans la santé et les outils du cloud lors du COVID-19) que l'intégratio­n au quotidien. Mais l'écosystème en structurat­ion ces dernières années prépare les futurs fournisseu­r incontourn­ables d'infrastruc­tures résiliente­s, indispensa­bles à protéger la vie privée et la confidenti­alité des flux dans une ère numérique, incontourn­able pour vérifier l'exécution de l'économie, des chaînes logistique­s et pour les coopératio­ns à grande échelle.

Lire aussi : La Blockchain pour flécher les aides du Covid-19...et mesurer leurs impacts

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