La Tribune

IL FAUT DES METRIQUES FIABLES POUR INVERSER LA COURBE DE LA PERTE DE BIODIVERSI­TE

- CLUB DES ENTREPRISE­S POUR UNE BIODIVERSI­TE POSITIVE

OPINION. Nous, membres et partenaire­s du Club des entreprise­s pour une biodiversi­té positive (Club B4B+), appelons à la mise en place de métriques quantitati­ves de la biodiversi­té, d’outils d’évaluation de l’empreinte biodiversi­té et d’objectifs scientifiq­ues mesurables à tous niveaux pour faire face au déclin alarmant de la biodiversi­té.

La décennie qui s'achève se sera malheureus­ement soldée par l'échec tragique de la plupart des Objectifs d'Aichi pour la période 2011-2020 [adoptés par les parties à la Convention sur la diversité biologique en octobre 2010, Ndlr] et le constat sans appel de l'Evaluation mondiale de la

Plateforme intergouve­rnementale scientifiq­ue et politique sur la biodiversi­té et les services écosystémi­ques (IPBES), qui révélait en mai 2019 que le déclin de la nature se poursuit à un rythme sans précédent dans l'histoire de l'humanité. Le Congrès mondial de la Nature, organisé par l'Union internatio­nale pour la conservati­on de la nature (UICN) à Marseille, puis la COP15 de la Convention sur la diversité biologique (CDB) en Chine -tous deux reportés au premier trimestre 2021-doivent nous permettre d'entrer dans le temps de la biodiversi­té.

Nous sommes persuadés que le secteur privé peut et doit jouer un rôle clé dans la concrétisa­tion à la fois de la vision 2050 de la CBD pour « vivre en harmonie avec la nature », et des Objectifs de développem­ent durable (ODD) - en particulie­r des ODD 14 et 15 concernant la biodiversi­té. Pour ce faire, et afin qu'advienne le « New Deal » pour la nature et les hommes, il est essentiel que nous mesurions notre impact sur la biodiversi­té et que nos objectifs en matière de biodiversi­té soient en capacité de rejoindre les scénarios proposés par la communauté scientifiq­ue et retenus par la communauté internatio­nale.

LA NÉCESSITÉ D'OBJECTIFS SOLIDES ET DE MÉTRIQUES PERTINENTE­S

La tonne équivalent CO2 a joué un rôle déterminan­t dans la prise de conscience des enjeux liés au changement climatique. Cette métrique a constitué un levier incontesta­ble dans la mise en oeuvre d'actions d'atténuatio­n du changement climatique. Des métriques comparable­s, autrement dit des métriques quantitati­ves décrivant l'état de la biodiversi­té, largement utilisées et accessible­s à tous, consensuel­les sur le plan scientifiq­ue et pouvant être agrégées ou désagrégée­s à de multiples niveaux de granularit­é, sont nécessaire­s pour répondre efficaceme­nt à l'enjeu de la perte de biodiversi­té. Associées à des analyses qualitativ­es, de telles métriques sont indispensa­bles aux États, aux entreprise­s et aux institutio­ns financière­s désirant évaluer leurs impacts, démontrer des gains de biodiversi­té et piloter leur action opérationn­elle.

Pour répondre à ce besoin, nous soutenons la recommanda­tion de Mace et al. (2018) d'évaluer les progrès dans la restaurati­on de la biodiversi­té à l'aide de trois indicateur­s complément­aires, et des métriques reconnues scientifiq­uement y étant associées, à savoir :

- l'état de conservati­on des espèces (l'indice Liste rouge) ; - l'évolution des population­s (l'indice Planète vivante) ;

- et l'intégrité biotique ou intégrité de la biodiversi­té (Abondance moyenne spécifique, Mean Species Abundance (MSA), ou équivalent comme le Biodiversi­ty Intactness Index, BII).

Engager les entreprise­s, les institutio­ns financière­s, les États, les autorités locales et les organismes publics dans un changement transforma­teur requiert également l'établissem­ent d'objectifs internatio­naux clairs et mesurables, qui seront les pendants de l'objectif de limitation du réchauffem­ent climatique à +1,5 ou +2°C et du budget carbone qui y est associé. Plus spécifique­ment, nous appelons à la définition de cibles mesurables relatives à chaque facteur de perte de biodiversi­té identifié dans la récente Evaluation mondiale de l'IPBES : changement d'utilisatio­n des terres/de la mer, exploitati­on directe des ressources naturelles, changement climatique, espèces exotiques envahissan­tes, pollution et autres.

Ces objectifs seraient ensuite ventilés à des échelles géographiq­ues et sectoriell­es plus fines, permettant ainsi aux acteurs économique­s et aux États d'adapter et répartir les efforts en matière de biodiversi­té entre les différents secteurs de l'économie, les plaçant par-là dans une dynamique de performanc­e biodiversi­té positive pour la prochaine décennie.

Nous saluons l'avant-projet zéro du Cadre mondial de la biodiversi­té pour l'après-2020, qui fixe des objectifs quantifiés sur les espèces, les écosystème­s et les gènes tout en distinguan­t chaque facteur de perte de biodiversi­té. Nous encourageo­ns les parties siégeant à la Convention de la diversité biologique à conserver le cadre de cet avant-projet zéro et à établir des objectifs et des cibles réalistes et ambitieux.

DES OUTILS EXISTENT ET CONVERGENT

L'avènement de ces ambitions passe par notre capacité technique à mesurer et suivre tous les facteurs d'impacts sur la biodiversi­té. Par conséquent, nous soulignons que le développem­ent d'outils d'évaluation d'empreinte biodiversi­té à destinatio­n de tous les acteurs est crucial pour faire respecter les futurs engagement­s de la COP15 et le Cadre mondial de la biodiversi­té pour l'après-2020. Plusieurs outils capables de mesurer l'empreinte biodiversi­té des entreprise­s en évaluant leur contributi­on à chaque facteur de perte de biodiversi­té à l'aide de métriques quantitati­ves, tels que la MSA.m², existent déjà.

De surcroît, des initiative­s telles que Aligning Biodiversi­ty Measures for Business, le Natural Capital Protocol Biodiversi­ty Supplement, le Biological Diversity Protocol ou la Plateforme EU Business@Biodiversi­ty travaillen­t à approfondi­r la cohérence et la compatibil­ité des différente­s approches de mesure d'empreinte biodiversi­té, constituan­t des bases communes pour le déploiemen­t des stratégies des acteurs économique­s.

Nous insistons sur le fait que la compatibil­ité entre les outils d'évaluation doit être favorisée, afin que les métriques et indicateur­s utilisés pour suivre les performanc­es biodiversi­té au niveau site ou projet puissent être connectés. Disposer d'une définition consensuel­le de l'empreinte biodiversi­té et de concepts partagés pour son évaluation dissipera les risques de dissonance et de malentendu­s alimentant la perplexité et l'inaction parmi les parties prenantes.

Enfin, nous estimons essentiel que les impacts soient mesurés tout au long de la chaîne de valeur là où ils sont matériels, comprenant donc les impacts en amont et en aval des opérations directes.

De nombreuses entreprise­s, gestionnai­res d'actifs, banques publiques et privées souhaitent évaluer et réduire leurs impacts sur la nature. Afin que ces évaluation­s et réductions d'impact se diffusent largement, les signataire­s de la tribune appellent toutes les parties prenantes à établir les conditions propices à la mesure de l'impact des entreprise­s sur la biodiversi­té.

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LES SIGNATAIRE­S

3F, Anne-Sophie Grave, Directrice Générale

AFD, Rémy Rioux, Directeur Général

B&L évolution SCOP EC, Sylvain Boucherand, CEO

BNP Paribas Asset Management, Jane Ambachtshe­er, Global Head of Sustainabi­lity

BPI France, Nicolas Dufourcq, Directeur général

Caisse des Dépôts et Consignati­ons (CDC), Éric Lombard, Directeur Général du Groupe CDC CDC Biodiversi­té, Marc Abadie, Président

CDC Habitat, Yves Chazelle, Directeur Général du Groupe CDC Habitat

Egis, Nicolas Jachiet, Président-Directeur général

Generali Global Infrastruc­ture, Gilles Lengaigne, Directeur Général

Greenflex, Frédéric Rodriguez, Président

GRTgaz, Thierry Trouvé, Directeur général

Icade, Olivier Wigniolle, Directeur Général

Ingérop, Yves Metz, Président

La Banque Postale Asset Management, Emmanuelle Mouray, Présidente du Directoire

LVMH - Moët Hennessy, Hélène Valade, Directrice Développem­ent Environnem­ent Groupe Mirova, Philippe Zaouati, CEO

Noé, Arnaud Greth, Président

Schneider Electric, Xavier Houot, Global Head of Environmen­tal Sustainabi­lity

Solvay, Pascal Chalvon-Demersay, Chief Sustainabi­lity Officer

Suez, Bertrand Camus, Directeur Général.

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