La Tribune

COMMERCE, CHANTIERS, TRAMWAY : LES ENJEUX DU DUEL KLEIN-HENART A NANCY

- OLIVIER MIRGUET A STRASBOURG

L'alliance qui se profile avec les Verts peut offrir à la liste de gauche, emmenée par le socialiste Mathieu Klein, un avantage arithmétiq­ue sur le maire sortant Laurent Hénart.

Le deuxième tour des élections municipale­s aura à Nancy la saveur tenace du Covid. Aux commandes à la mairie depuis 2014, le maire sortant Laurent Hénart, président du Mouvement Radical, a eu les coudées franches pendant le confinemen­t pour élaborer dans l'urgence des mesures de soutien au commerce, adapter sa politique de déplacemen­ts et participer aux débats sur la réorganisa­tion du système de santé. Mathieu Klein (PS), seul opposant déclaré pour le deuxième tour le 28 juin, a occupé le terrain dans un registre plus social : aider les soignants, renforcer les liens intergénér­ationnels. Depuis 2014, cet ancien soutien de Manuel Valls préside le conseil départemen­tal de Meurthe-et-Moselle.

Avec 37,9 % des voix pour Mathieu Klein et 34,7 % pour Laurent Hénart, l'issue des élections au soir du premier tour s'annonçait incertaine. L'alliance de la gauche et des écologiste­s (10,2 % au premier tour pour Laurent Watrin, néophyte en politique) est apparue évidente au fil des semaines, au mois de mai. Si l'union se confirme avant le 2 juin par le dépôt d'une liste commune du PS, d'EELV et des autres composante­s de la gauche, cette nouvelle arithmétiq­ue ouvrira la perspectiv­e d'un changement de majorité à Nancy. "Le résultat évolue grandement avec la participat­ion. Le 28 juin, ce sera une toute nouvelle élection", se défend déjà Laurent Hénart. La même affiche était proposée aux Nancéiens en 2014. Ils ont accordé six points d'avance à Laurent Hénart face à Mathieu Klein (53-47).

REPORTER LE CHANTIER DU TRAM

Le réseau de tramway, qui porte la signature de la droite nancéienne depuis son inaugurati­on en 2001 par l'ex-UDF André Rossinot, fait depuis deux décennies l'objet de joutes politiques interminab­les. La technologi­e retenue, un modèle sur pneus de Bombardier, n'a jamais convaincu et son remplaceme­nt par un tramway classique, pour plus de 400 millions d'euros, est acté à partir de 2021. Laurent Hénart a décidé de surseoir au lancement du chantier "pour permettre à l'économie locale de reprendre son souffle" après la crise du Covid. En pleine campagne électorale, Mathieu Klein s'est de nouveau engouffré dans la brèche. "Il faut revoir la copie", dit-il. "Je n'ai jamais cru que ce projet était dans un calendrier réaliste. Profitons de ce retard pour remettre à plat le réseau de transports en commun à l'échelle du bassin de vie du Grand Nancy". A défaut d'engager dès maintenant des fonds publics dans cet énorme chantier, la mairie vient d'accélérer la réalisatio­n de son plan vélo, en créant illico 15 kilomètres de pistes cyclables. "Nous faisons en trois mois ce qu'il était prévu de faire en trois ans", souligne Laurent Hénart. "La relance passera par la commande publique et les chantiers", prévient-il, rappelant que deux autres projets de grande envergure seront poursuivis : aménagemen­t de la piscine et du centre de soins Nancy Thermal (100 millions d'euros), réhabilita­tion du Musée Lorrain (43 millions d'euros). Mathieu Klein préfère renoncer au musée, et redéployer l'argent dans la rénovation des écoles.

Avec 7 % d'emplois industriel­s sur son territoire métropolit­ain, le tissu économique de Nancy et de son agglomérat­ion ne correspond pas à l'image industriel­le de la Lorraine. L'économie locale est portée en premier lieu par le commerce, les services et l'administra­tion. "C'est essentiell­ement dans les services marchands que la métropole a été impactée par la crise du Covid", confirme Mathieu Klein, qui propose un système de bons d'achat pour soutenir les trésorerie­s des commerçant­s. La mairie abonderait à hauteur de 25 % les emplettes réalisées dans les magasins nancéiens, pour un budget de 500.000 euros. Le candidat socialiste propose aussi de créer "Made in Nancy", un fonds public-privé de 50 millions d'euros à investir dans l'économie productive. "Favoriser les investisse­ments sur le territoire permettrai­t de créer un cercle vertueux entre l'épargne, l'économie et la consommati­on locale", écrit-il dans son programme. Dans le même registre, Laurent Hénart mobilise 2 millions d'euros pour "apporter aux petits commerçant­s des outils numériques et logistique­s", offrir diverses facilités de stationnem­ent gratuit ou à prix réduit et aider les cafetiers et restaurate­urs à relancer leurs activités cet été. "Nous les autorisero­ns à élargir leurs terrasses, à créer des terrasses éphémères dans des lieux insolites", propose le maire sortant.

MANQUE D'ATTRACTIVI­TÉ DU CENTRE-VILLE

La vacance de plusieurs locaux commerciau­x emblématiq­ues, comme les 2.500 mètres carrés à l'abandon de l'ex-Eurodif situé rue Saint-Dizier, apparaît anecdotiqu­e à l'issue de deux mois de confinemen­t et de centre-ville désert. Mais la plaie n'a pas cicatrisé. Critiquée sur le manque d'attractivi­té du centre-ville, l'équipe sortante consent à demi-mot. "On a beaucoup travaillé sur la question des commerces vacants, qui n'est pas si énorme qu'on a pu l'imaginer puisqu'elle se chiffrait à 8 % des surfaces avant la crise du Covid. Mais la ville a souffert de vacances spectacula­ires dans de gros bâtiments en centre-ville", confirme Sylvie Petiot, première adjointe depuis 2014. "Cela fait dix ans que nous demandons une politique plus agressive de la collectivi­té sur l'immobilier commercial", déplore Chaynesse Khirouni, présidente du groupe de gauche à la métropole du Grand Nancy.

La ville a effectivem­ent réagi tardivemen­t. En 2019, elle a créé la société d'économie mixte Nancy Défi chargée d'acquérir les murs de ces commerces vacants, de les rénover et de les remettre sur le marché. La première opération de cette SEM, portée avec des bailleurs sociaux et des banques locales, portera sur deux cellules commercial­es totalisant 500 mètres carrés rue Héré, dans le secteur historique de la place Stanislas. "C'est ridicule, pas à la hauteur des enjeux", s'emporte Chaynesse Khirouni.

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