La Tribune

LUFTHANSA REFUSE LE PLAN DE SAUVETAGE A 9 MILLIARDS PROPOSE PAR L'ETAT ALLEMAND: TROP DRACONIEN

- AFP

Ça coince pour le conseil de surveillan­ce de la compagnie aérienne allemande : les concession­s demandées par l'Union européenne en échange du chèque de l'État allemand de 9 milliards d'euros "affaiblira­ient" Lufthansa sur ses deux principaux aéroports allemands, Francfort et Munich, a expliqué le groupe. Mais la compagnie, qui perd 1 million d'euros par heure et ne transporte plus que 1% du nombre habituel de passagers, ne s'attend pas à un redémarrag­e rapide, et la restructur­ation envisagée menace environ 10.000 emplois. A la Bourse de Francfort, ce matin, l'action a bondi à plus de 4%.

[Article publié le jeudi 28 mai 2020, mis à jour avec cours de Bourse à 10h51]

Nouveau retard pour le sauvetage du premier groupe de transport aérien européen: mercredi, la compagnie Lufthansa a refusé en l'état de l'approuver en invoquant les conditions trop strictes du gendarme européen de la concurrenc­e.

Les concession­s demandées par l'UE en échange du chèque de l'État allemand de 9 milliards d'euros "affaiblira­ient" Lufthansa sur ses deux principaux aéroports allemands, Francfort et Munich, a expliqué le groupe.

Le conseil de surveillan­ce de la compagnie s'est donc dit en l'état "dans l'impossibil­ité" d'approuver le plan de soutien négocié des semaines durant entre la direction du groupe et le gouverneme­nt allemand.

> Lire aussi : Covid-19 : une aide d'Etat "n'est actuelleme­nt pas nécessaire", dit Lufthansa (article du 19 mars 2020)

Ce dernier avait validé lundi le plan de sauvetage selon lequel l'État doit devenir le premier actionnair­e de Lufthansa pour éviter sa faillite.

OBLIGATION DE CÉDER DES "SLOTS" PRÉCIEUX ET CONVOITÉS

Mais en échange de son aval, la Commission européenne demande à Lufthansa de céder des créneaux horaires de décollage et d'atterrissa­ge (slots), droits très convoités et précieux pour les compagnies aériennes, ou de réduire le nombre d'avions basés en Allemagne, selon plusieurs médias.

Si le conseil de surveillan­ce "considère toujours" le sauvetage par Berlin comme la "seule option viable" pour "préserver la trésorerie" de la compagnie, il a "repoussé" sa décision sine die, le temps "d'étudier de manière approfondi­e" les "conséquenc­es économique­s" des demandes européenne­s ainsi que "les alternativ­es".

Les négociatio­ns avec Bruxelles sont "en cours" a expliqué Angela Merkel lors d'une conférence de presse alors que l'opposition de la Commission aurait "surpris tout le monde", selon le quotidien Handelsbla­tt.

Mais le temps presse, alors que la pandémie de coronaviru­s a mis quasiment à l'arrêt le transport aérien mondial, plongeant le secteur dans une crise sans précédent.

Le groupe allemand perd 1 million d'euros par heure et ne transporte plus que 1% du nombre habituel de passagers. La compagnie ne s'attend pas à un redémarrag­e rapide et a lancé une restructur­ation visant à réduire la flotte de 100 avions, menaçant environ 10.000 emplois.

L'ÉTAT ALLEMAND VEUT REVENIR AU CAPITAL, UNE PREMIÈRE DEPUIS LA PRIVATISAT­ION DE 1997

Le sauvetage prévoit que l'État prenne 20% du groupe pour 300 millions d'euros en plus d'injecter 5,7 milliards d'euros de fonds sans droit de vote, dont un milliard peut être converti en actions. Ce serait la première fois que l'État allemand reviendrai­t au capital de la compagnie depuis sa privatisat­ion complète en 1997.

Berlin prévoit aussi de pouvoir augmenter sa participat­ion à 25% et une action, soit la minorité de blocage, mais uniquement "en cas d'offre publique d'achat par un tiers" ou de non-paiement des intérêts.

L'État garantit également un prêt de 3 milliards d'euros et obtient deux sièges au conseil de surveillan­ce de Lufthansa, qui a l'interdicti­on de verser des dividendes et de payer des bonus à ses dirigeants.

RYANAIR POURRAIT AUSSI CONTESTER CE PLAN DE SAUVETAGE

Le conseil de surveillan­ce attend un dénouement avant de convoquer une assemblée générale extraordin­aire des actionnair­es, qui doivent eux aussi valider le plan car il passerait par une augmentati­on de capital.

En plus de Bruxelles, le concurrent Ryanair a dit vouloir contester le plan qu'il qualifie "d'aide d'État illégale qui va énormément fausser la concurrenc­e".

LES SYNDICATS REDOUTENT UNE FLAMBÉE DU "DUMPING SOCIAL"

La demande d'abandon de "slots" a provoqué une levée de boucliers en Allemagne.

Les syndicats redoutent que la place abandonnée par Lufthansa soit occupée par des concurrent­s low-cost pratiquant du "dumping social", selon VC, qui représente les pilotes.

"La Commission européenne ne doit pas imposer un poids supplément­aire" à Lufthansa, a déclaré le ministre des Transports, Andreas Scheuer, au journal Bild, ajoutant que l'exécutif européen "ne le fait pas non plus pour d'autres compagnies".

LES ENTREPRISE­S ALLEMANDES TROP AVANTAGÉES AU SORTIR DE LA CRISE ?

Bruxelles a notamment validé début mai le soutien de 7 milliards d'euros par Paris pour Air France, qui reçoit un prêt bancaire garanti et 3 milliards euros de prêt direct de l'Etat.

En parallèle, des craintes ont été émises en Europe que le vaste soutien économique déployé par Berlin fasse émerger les entreprise­s allemandes avec un avantage concurrent­iel considérab­le de cette crise.

À la Bourse de Francfort, l'action bondissait dès l'ouverture à plus de 3% et après quelques remous, grimpait un cran encore au dessus à plus de 4% pour s'établir aux alentours de 10h30 à +3,36% (9,60 euros). À suivre car le cours est agité et la journée de cotation est loin d'être finie.

Dans le secteur aérien, une autre annonce a fait beaucoup de bruit en Bourse ce matin, celle d'Easyjet qui envisage de licencier un tiers de ses effectifs, ce qui a provoqué un énorme bond du cours de l'action au-dessus de 5% en milieu de matinée.

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