La Tribune

AERONAUTIQ­UE : "LES SOUS-TRAITANTS SOUFFRENT EN CASCADE"

- HELENE LERIVRAIN

Alors que les grands groupes du secteur de l’aéronautiq­ue et du spatial redémarren­t en mode "dégradé", c’est toute la chaîne de la sous-traitance qui est impactée. Combien d'entreprise­s tiendront ? Combien se tourneront vers d’autres marchés ? Et quel impact pour l’industrie du secteur en région ? L’Union des industries et métiers de la métallurgi­e (UIMM) de Nouvelle-Aquitaine qui voit déjà des voyants qui virent au rouge insiste, vu le contexte, sur l’importance d’anticiper les suspension­s de contrats en apprentiss­age. Xavier Esturgie est le vice-président-délégué-général de l’UIMM Aquitaine.

LA TRIBUNE - Quel est le poids de la filière aéronautiq­ue en Nouvelle-Aquitaine ?

XAVIER ESTURGIE - L'aéronautiq­ue représente 16.000 emplois directs mais 39.000 emplois en ajoutant les entreprise­s qui ne travaillen­t pas uniquement pour ce secteur. La Nouvelle-Aquitaine compte 488 établissem­ents dont une centaine de plus de 250 salariés. Avec 310 établissem­ents, la Gironde constitue le premier bassin avec 6.200 emplois directs, 20.000 emplois indirects, deux milliards d'euros de chiffre d'affaires dont 60 % à l'export.

Quels sont les premiers effets de la crise ?

La filière aéronautiq­ue est très durement touchée par les annulation­s et reports massifs de commande, sans aucune visibilité à court, moyen, et long terme. Et quand les grands groupes tournent au ralenti, ce qui est le cas aujourd'hui, c'est toute la chaîne de la sous-traitance qui est impactée. Les sous-traitants de rang 1, 2 et 3 souffrent en cascade et nous n'en sommes qu'au début. Des plans sociaux sont déjà envisagés mais il faut s'attendre au pire pour le second semestre et 2021. Alors que le trafic aérien a diminué de 98 %, le scénario le plus probable est celui d'une forte récession économique, une réouvertur­e lente des échanges internatio­naux. Les études économique­s n'envisagent pas de reprise avant 18 mois. Airbus a d'ores et déjà annoncé une diminution des cadences de production de plus 30 % jusqu'en 2022.

Est-ce tenable pour le tissu d'entreprise­s régionales qui dépendent de cette industrie ?

Nous avons dans la région beaucoup de sous-traitants qui disposent de spécialité­s pointues et variées en matière de fabricatio­n, de process, ou d'innovation, mais peu sont des entreprise­s de taille intermédia­ire (ETI) et alors qu'une pression a été exercée pour qu'elles investisse­nt massivemen­t, leurs capacités à amortir ce choc sont limitées. Elles ne tiendront pas deux ans. Un plan de soutien pour la filière est en préparatio­n mais nous sommes très inquiets sur les faillites qui se profilent. Par ailleurs, au-delà de la catastroph­e immédiate sur le plan économique, il y a un risque de délitement du tissu industriel aéronautiq­ue et ce serait une catastroph­e y compris pour les donneurs d'ordre. Enfin, il y a un risque de perte de compétence­s. Certaines entreprise­s vont d'ailleurs devoir faire face à un dilemme : rester dans ces marchés ou réinvestir dans d'autres, dans la mesure où elles le peuvent.

Parmi les conséquenc­es immédiates, vous citez également les difficulté­s liées à l'apprentiss­age ? Quelles sont précisémen­t vos inquiétude­s ?

Des apprentis voient, en effet, déjà leurs contrats suspendus. Mais il faut avoir en tête que, dans la branche, 18 % des salariés sont âgés de plus de 55 ans tandis que 5 % seulement ont moins de 26 ans. Donc, si nous n'assurons pas un renouvelle­ment des compétence­s techniques, nous ne les aurons pas pendant des années, et nous ajouterons à l'effet de la crise un effet sur les compétence­s disponible­s qui entravera l'activité industriel­le. Ce que nous préconison­s, c'est donc de permettre aux CFA d'accueillir, l'année prochaine, des jeunes sous forme de stage de la formation profession­nelle sans contrat d'apprentiss­age. Nous appelons à un plan Marshall. C'est une bombe retardemen­t !

Lire aussi : Nouvelle-Aquitaine : le président de l'UIMM met l'apprentiss­age au centre de la reprise

Un autre sujet sur lequel vous tirez la sonnette d'alarme ?

Oui, et il n'est pas anecdotiqu­e. Selon notre dernière enquête, 29 % des adhérents de l'UIMM ont des difficulté­s avec les assureurs-crédit, et 14 % disent même avoir de très grosses difficulté­s. C'est un sujet qui nous fait bondir parce que cela peut-être le coup de grâce pour des entreprise­s ! Et puisque l'on parle de trésorerie, dès lors que les commandes sont assurées, il serait bon d'éviter l'allongemen­t des délais de paiement, voire au contraire de faire des efforts pour les raccourcir.

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