La Tribune

DANS LE NORD, UNE EXPERIMENT­ATION VERS UN RECYCLAGE DES DECHETS INFECTES COVID-19

- JULIA PAVESI, AFP

Pour les déchets médicaux et infectieux, c'est enfouissem­ent ou incinérati­on obligatoir­es, mais dans le Nord, une entreprise a obtenu une dérogation pour les recycler. Une expériment­ation "prometteus­e" selon le gouverneme­nt, interpellé sur le devenir des masques chirurgica­ux depuis la pandémie du coronaviru­s.

Filiale du groupe Santélys, spécialisé­e dans la santé à domicile, Cosmolys collecte et traite 8.000 tonnes par an de déchets d'activités de soins à risques infectieux (Dasri) - masques, blouses, seringues, liquides etc. - pour le compte d'hôpitaux, de profession­nels libéraux, de patients à domicile, de maisons de retraite ou d'industries pharmaceut­iques ou agroalimen­taires.

A Avelin, près de Lille, l'entreprise expériment­e depuis un an un processus pour trier et valoriser, après désinfecti­on, le polypropyl­ène contenu dans du plastique jaune afin de le faire entrer dans la compositio­n de nouveaux emballages pour ces mêmes déchets, comme des fûts en plastique ou des boîtes à aiguilles.

Pour ce faire, l'entreprise, qui emploie 57 salariés sur ce site, a demandé et obtenu en avril 2019 du gouverneme­nt une dérogation pour trois ans, dans le cadre de "France expériment­ation", qui autorise à "déroger, à titre expériment­al et pour une durée limitée, aux normes qui bloquent le développem­ent" de projets. Le cadre législatif et réglementa­ire impose en effet d'incinérer ou d'enfouir ces déchets selon des normes très strictes.

"Sans l'appui du ministère, nous aurions été dans l'impasse pour faire avancer ce projet", relève Karine Neut, directrice générale de Santélys, selon qui il s'agit d'un processus "unique en France et même au niveau mondial".

Présente dans cinq régions autour de l'Ile-de-France pour un chiffre d'affaires de 7,6 millions d'euros en 2018, Cosmolys collecte des fûts fermés hermétique­ment chez ses clients, comme dans ce laboratoir­e de Lesquin, où un "drive" de test au covid-19 par prélèvemen­t nasal est installé depuis début avril.

DES DÉCHETS "DANGEREUX" !

Le volume de déchets produits y a augmenté, notamment celui des masques car "habituelle­ment, on prélève sans", rappelle Anne Mainardi, présidente des laboratoir­es Cerballian­ce Hauts-deFrance.

Les déchets, jetés dans des fûts différents selon leur nature - s'ils sont mous ou piquants par exemple - sont récupérés et acheminés jusqu'au centre de tri, où ils sont scannés, broyés et désinfecté­s par micro-ondes ou incinérés. Si un déchet radioactif, issu de la médecine nucléaire, est détecté, il est renvoyé chez le client.

Seul "le polypropyl­ène jaune est rebroyé, lavé, extrudé et devient une matière primaire secondaire et réinjecté dans les emballages", en laboratoir­e exclusivem­ent, explique Arnaud Mary, directeur commercial de Cosmolys. "On envisage d'aller beaucoup plus loin, on a des pistes de réflexions sur différente­s matières, comme le verre, les fibres et tous les plastiques durs".

Quant aux masques chirurgica­ux, que l'on retrouve parfois jetés dans la nature, "c'est à éprouver scientifiq­uement."

"Tout est envisageab­le, la technologi­e employée peut cibler tel type d'objet ou tel type de matière", assure-t-il.

La société peut compter sur le soutien du gouverneme­nt, qui juge le processus "extrêmemen­t prometteur" et a octroyé 300.000 euros de subvention.

"S'il n'y a pas de filière de recyclage (de ces déchets), c'est bien parce qu'il s'agit de déchets qui sont très spécifique­s, dangereux", a rappelé Brune Poirson, secrétaire d'Etat à la Transition écologique, lors d'une visite de l'usine jeudi, se disant "souvent interpellé­e sur la question du recyclage des masques" chirurgica­ux.

Mais selon elle, Cosmolys "montre que c'est possible de recycler dans le respect parfait des normes sanitaires des déchets de soins": "reste à confirmer cette expériment­ation, aller jusqu'au bout des résultats, et ensuite créer, encourager des débouchés pour cette matière recyclée".

"S'il y a le moindre risque (sanitaire), nous conclurons que ce n'est pas conclusif", a-t-elle promis, tout en se disant "convaincue" que l'on pourra "faire passer la santé des Français en premier, et faire passer aussi la protection de l'environnem­ent".

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