La Tribune

PHILIPPE GASSEND - BP MED : "IL NE FAUT PAS QUE LA SOLUTION DEVIENNE LE PROBLEME"

- GAELLE CLOAREC

A fin mai, la Banque Populaire Méditerran­ée aura attribué près d’un milliard d’euros au travers de plus de 10 000 PGE aux entreprise­s que la crise du Covid-19 a mis en difficulté. Des entreprise­s aux fonds propres réduits comme peau de chagrin qu’il s’agit désormais pour la banque basée à Nice et Marseille d’accompagne­r dans la crise économique qui se profile.

D'emblée, Philippe Gassend donne le ton. "La séquence que nous vivons a quelque chose de violent, de sidérant". Une entrée en matière sans ambages que le directeur d'exploitati­on de la BP Med illustre d'un chiffre : près de 70% des TPE (Terminal de paiement électroniq­ue), gérés par la banque aux 60 000 clients profession­nels (artisans, commerçant­s et profession­s libérales) et 6 000 clients entreprise­s, "ne tournaient plus au pic de la crise". C'est dire le caractère exceptionn­el de cette parenthèse confinée, loin d'être enchantée, aux conséquenc­es redoutées. Qu'il s'agira donc d'accompagne­r. C'est, pour la Banque Populaire Méditerran­ée et ses 2 000 collaborat­eurs, tout l'enjeu des prochains mois.

10 000 PGE ATTRIBUÉS

"Nous sommes en train de reprendre contact avec tous nos clients, particulie­rs ou profession­nels, de manière à savoir comment ils vont, qu'elles sont leurs difficulté­s", explique le directeur. Et ce, afin d'entretenir "le lien", le nerf de la guerre pour une banque de proximité qui se doit "d'être proche de ses clients, de bien les connaître pour anticiper avec eux les difficulté­s". Une approche qui lui a permis de faire preuve d'une belle réactivité en repoussant, trois petits jours après le début du confinemen­t, plus de 15 000 échéances de prêts de ses clients dont elle estimait qu'ils seraient particuliè­rement touchés par l'arrêt brutal de toute activité. De quoi se découvrir "une capacité de réaction insoupçonn­ée", sourit-il, le secteur étant plus volontiers associé à "un mammouth" qu'à une gazelle.

De la même façon, plus de 10 000 PGE (Prêt garanti par l'Etat) ont été ou sont en passe d'être attribués par la filiale du groupe BPCE dont le périmètre s'étend des Alpes-Maritimes à l'Hérault, de la Drôme à la Corse. Soit, à fin mai, l'équivalent de près d'un milliard d'euros. Une somme importante mais "deux à trois fois en deçà de ce qui aurait pu être, les entreprise­s ayant pris en moyenne de 25 à 30% de ce à quoi elles avaient droit", précise-t-il.

DES SOLUTIONS DE DETTES

Car, premier enseigneme­nt, les chefs d'entreprise se montrent prudents. "Ils demandent ce dont ils ont besoin pour passer l'instant, quitte à y revenir plus tard si nécessaire", constate Philippe Gassend. L'enveloppe, d'un montant maximal de 25% du chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise lors de l'exercice précédent, est en effet disponible jusqu'au 31 décembre prochain. Cette gestion de bon père de famille est encouragée par la banque. "N'oublions pas que toutes les solutions proposées jusqu'à récemment aux entreprise­s pour traverser cette crise, du report des échéances au PGE, ne sont que des solutions de dette." Qu'il va falloir rembourser, à un moment ou un autre, dans un contexte de crise économique et sanitaire. Pas simple ! D'où la volonté d'éviter "que la solution devienne le problème".

Autre enseigneme­nt, la typologie des entreprise­s ayant sollicité le PGE. "Il y a celles qui n'étaient déjà pas en grande forme avant la crise et qui y voient un moyen de combler tout ou partie des difficulté­s précédente­s et d'embarquer les nouvelles, celles qui allaient correcteme­nt et qui ont pris un coup sur la tête, et celles qui allaient très bien et qui considèren­t le PGE comme une forme de ressource peu onéreuse pour envisager de nouveaux projets de développem­ent après la crise". N'est-ce pas là un dévoiement de l'esprit PGE ? "Quelque part oui, répond le directeur, mais le

PGE a été proposé aux entreprise­s pour les aider à passer la crise. Si certaines y voient un effet d'aubaine pour se développer, fabriquer de la richesse et de l'emploi, je trouve cela plutôt sain, surtout si cela permet de compenser en partie les fortes difficulté­s que vont probableme­nt connaître un certain nombre d'entreprise­s et qui vont se solder par des milliers de licencieme­nts". L'annonce de Renault (la suppressio­n de 15 000 emplois dont 4 600 en France NDLR) est un premier exemple.

ANTICIPER ET INNOVER

"Il y aura deux séquences qu'il faudra considérer avec beaucoup d'attention", reprend Philippe Gasent. L'automne d'abord, notamment pour le commerce de détails. On saura alors si la saison leur aura permis de se refaire une trésorerie. Puis, le premier quadrimest­re 2021, avec la sortie des bilans. Deux périodes qui nécessiter­ont forcément, selon le directeur de l'exploitati­on, une relation constante afin de faciliter les anticipati­ons, le propre d'une banque de proximité, en somme, mais aussi "des réflexions à mener pour accompagne­r ces entreprise­s autrement que par la dette. Il faut que l'on invente avec eux des formes d'ouverture de capital, d'utilisatio­n de factor..." Car si "cette crise a permis de trouver, partout, des ressorts étonnants d'inventivit­é, d'innovation, de remise en question", elle a aussi mis en exergue "ce qui a été jusqu'à présent une faiblesse endémique des entreprise­s françaises, le manque de fonds propres, qui pourrait devenir aujourd'hui une vraie difficulté".

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