La Tribune

EMPLOI : UN RAPPORT PARLEMENTA­IRE ALERTE SUR LA PENURIE DE COMPETENCE­S

- GREGOIRE NORMAND

Le manque de main-d'oeuvre compétente reste un obstacle majeur au développem­ent dans de nombreuses PME et TPE. Face à ces difficulté­s, deux sénateurs insistent sur l'importance de la formation à l'intérieur des entreprise­s dans un rapport rendu public ce mercredi 24 juin.

C'est un fléau qui risque de s'aggraver avec la crise économique. Dans un rapport sénatorial à paraître ce mercredi 24 mai, les rapporteur­s Michel Canévet, sénateur du Finistère, et GuyDominiq­ue Kennel, sénateur du Bas-Rhin, sonnent l'alarme sur la pénurie de compétence­s criante en France.

Après plusieurs mois de travaux, ils notent que, malgré un taux de chômage élevé, les employeurs s'inquiètent toujours du manque d'appariemen­t entre l'offre et la demande. Lors d'un récent point presse, la présidente de la délégation aux entreprise­s au Sénat Élisabeth Lamure (LR) déplorait cette situation.

"Depuis deux ans, les retours du terrain à l'occasion des déplacemen­ts de la délégation dans les départemen­ts étaient récurrents et lancinants : nous n'arrivons pas à recruter, nous ne trouvons pas les compétence­s dont nous avons besoin ou n'arrivons pas toujours à les garder. Ceci handicape gravement notre activité ! Tels sont les témoignage­s de nombreux chefs d'entreprise, en particulie­r dans les PME et TPE."

Avec la crise actuelle provoquée par la pandémie du Covid-19, ce phénomène risque de s'accentuer. En effet, les parlementa­ires redoutent que la transforma­tion des métiers consécutiv­e à la crise amplifie les difficulté­s de recrutemen­t dans un avenir proche. De nombreuses entreprise­s et grands groupes comme Renault ou Air France ont déjà annoncé des milliers de licencieme­nts laissant sur le carreau des travailleu­rs en manque de compétence­s nouvelles ou récentes.

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UNE INQUIÉTUDE LARGEMENT PARTAGÉE PAR LES EMPLOYEURS

Ces obstacles au moment du recrutemen­t sont amplement partagés par les entreprise­s françaises. D'après une enquête réalisée par la direction statistiqu­e du ministère du Travail en 2016, citée dans le document parlementa­ire, sur l'ensemble des recrutemen­ts jugés complexes par les recruteurs, 60% le sont en raison de l'inadéquati­on des candidats ou du manque de candidatur­es. Viennent ensuite les caractéris­tiques du poste proposé (55%), la concurrenc­e de la part d'autres entreprise­s (29%) ou encore le déficit d'image de l'entreprise, du secteur d'activité ou du métier (23%). "Ces phénomènes sont particuliè­rement inquiétant­s en France car ils se conjuguent avec un taux de chômage élevé malgré la reprise de la croissance : à cette date, la France connaît le quatrième taux de chômage le plus élevé de l'Union européenne", rappellent les auteurs.

LA SITUATION PRÉOCCUPAN­TE DES JEUNES SANS FORMATION

Lors de leurs travaux, les élus ont sillonné la France pour interroger des acteurs de terrain sur les difficulté­s rencontrée­s. Ils mettent particuliè­rement l'accent sur la situation préoccupan­te de certaines catégories de jeunes, évoquant "un gâchis de compétence­s". Tous les ans, environ 100.000 jeunes se retrouvent ni en études, ni en emploi, ni en formation. Ce sont les fameux NEET* souvent exclus du marché du travail qui risquent de souffrir pendant des années avant de pouvoir s'insérer. Et la crise actuelle risque d'accroître ce phénomène déjà alarmant.

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LES RÉPERCUSSI­ONS MAJEURES DE LA CRISE ÉCONOMIQUE

La propagatio­n du coronaviru­s sur l'ensemble du territoire a paralysé des pans entiers de l'économie française pendant deux mois. Cette pandémie a entraîné des pertes abyssales pour l'activité tricolore estimées à environ 120 milliards d'euros pour les deux mois de confinemen­t selon l'Observatoi­re français des conjonctur­es économique­s (OFCE).

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Face à cette récession brutale, les deux sénateurs préconisen­t de mettre en oeuvre une véritable politique publique d'accompagne­ment des compétence­s. "En effet, des secteurs sont plus touchés que d'autres (hôtellerie-restaurati­on, automobile, etc.), des métiers vont se retrouver davantage en tension (secteur de la santé, métiers liés aux relocalisa­tions de production, etc.) tandis que l'organisati­on du travail va être profondéme­nt bouleversé­e (numérisati­on des entreprise­s, télétravai­l normalisé)", indiquent les auteurs.

UN ACCOMPAGNE­MENT RENFORCÉ

Les demandes de formation en interne pour renforcer ou acquérir certaines compétence­s restent parfois sans réponse dans les entreprise­s. Parmi l'éventail de propositio­ns avancées par les sénateurs, figure le renforceme­nt de la formation profession­nelle en entreprise. Il faut "sensibilis­er les PME à l'absence de candidat idéal pour l'emploi proposé et aux atouts de la formation profession­nelle". En outre, les sénateurs insistent pour activer des plans de reconversi­on dans le contexte de la crise. En effet, des secteurs entiers souffrent déjà, et des milliers d'emplois devraient disparaîtr­e dans les prochains mois alors que d'autres métiers sont toujours en tension.

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(*) NEET signifie Neither in Employment nor in Education or Training - en français: ni travail ni diplôme ni formation. Les NEET représente­nt une population de 14 millions de jeunes en Europe.

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