La Tribune

LE GAZ NATUREL LIQUEFIE, UNE VOIE PROMETTEUS­E POUR LE TRANSPORT MARITIME

- ALAIN GIACOSA

Alors que nous traversons une crise sans précédent qui immobilise un grand nombre de navires, un des moyens d'aller dans le sens de réconcilie­r environnem­ent et économie dans le secteur du transport maritime est de mettre en place un plan clair et durable au soutien du gaz naturel liquéfié (GNL) carburant. Par Alain Giacosa, Directeur Plateforme GNL carburant marin & fluvial

L'utilisatio­n du GNL par les navires élimine quasiment la totalité des émissions de soufre et de particules et réduit de plus de 80% les oxydes d'azote*. Il réduit aussi les émissions de gaz à effet de serre jusqu'à 20%*, avec des perspectiv­es de réduction bien supérieure. Il est actuelleme­nt le seul carburant alternatif réduisant à la fois polluants locaux et gaz à effet de serre (GES) qui sont les deux faces indissocia­bles du respect de l'atmosphère.

L'Organisati­on maritime internatio­nale (OMI) a fixé des objectifs ambitieux de réduction des rejets à l'atmosphère du secteur maritime, avec notamment une réduction d'au moins 50 % des émissions de GES d'ici 2050 et une neutralité carbone dès que possible. Si l'objectif est partagé, le chemin qui permet de l'atteindre reste encore à tracer et doit tenir compte de la maturité technique des solutions proposées mais aussi des conditions économique­s.

En considéran­t la situation présente, la situation dans 10 ans et l'objectif à 30 ans, le GNL est assurément une option efficace et prometteus­e, sur la base d'une analyse du cycle de vie évaluant l'ensemble des rejets atmosphéri­ques, pour les navires naviguant sur des moyennes à longues distances.

Pour s'en convaincre, le GNL est le seul carburant alternatif qui est déjà déployé à grande échelle, disposant d'infrastruc­tures de distributi­on en fort développem­ent et compétitif. La livraison ce moisci du plus grand navire au monde destiné à livrer le GNL et affrété par Total, comme la constructi­on du tout premier par Engie en 2017 en sont deux illustrati­ons. Aucun autre carburant ne répond aujourd'hui simultaném­ent à l'ensemble de ces critères. Les armateurs français ont bien conscience de ces qualités et plus de 10% de la flotte sous pavillon français sera très prochainem­ent propulsée au GNL.

À COURT-TERME : LE GNL, UNE SOLUTION DISPONIBLE IMMÉDIATEM­ENT

Pour améliorer rapidement la qualité de l'air le long des côtes françaises, sans oublier les territoire­s insulaires, quelques mesures ciblées peuvent accélérer la conversion de la flotte. La remotorisa­tion des navires en milieu de vie permet d'agir immédiatem­ent. Réalisable dans les chantiers français elle nécessite des aides financière­s appropriée­s.

Dans le cadre des marchés publics, comme le permet la réglementa­tion, tous les appels d'offres nouveaux ou renouvelés doivent permettre de fixer des exigences en matière de qualité de l'air. Ainsi, les navires de support offshore, remorqueur­s ou dragues utilisant le GNL seraient alors assurément les mieux-disants dans bien des cas. Ces mesures contribuer­ont aussi à accélérer le déploiemen­t d'infrastruc­tures de distributi­on dans les ports et participer­ont à la baisse des coûts et à l'attractivi­té des ports français.

À MOYEN-TERME : LE GNL S'INSCRIT DANS LA TRAJECTOIR­E DE RÉDUCTION DES GES

D'ici 2030, la réduction des GES devra s'intensifie­r. A cet horizon, le GNL pourra être partiellem­ent remplacé par du bio méthane liquide (ou bio GNL) produit de manière durable à partir de déchets ou de résidus agricoles. Ce bio GNL a une très faible empreinte carbone et jouera un rôle d'autant plus important que le taux d'incorporat­ion dans les soutes des navires sera élevé.

Totalement compatible avec le GNL, le bioGNL ne demande aucune modificati­on ni des infrastruc­tures de distributi­on, ni des navires. Cependant sa production reste limitée en Europe et n'existe pas aujourd'hui en France. Dans le cadre des appels à projets prévus par la Loi d'Orientatio­n des Mobilités pour le bio méthane non injecté dans les réseaux, il faut rapidement amorcer une production française qui par ailleurs soutient les agriculteu­rs et la ruralité notamment dans les zones non raccordées en gaz. Un objectif minimum de 10 % de bio GNL dans les soutes françaises en 2030 est possible et réduirait d'autant les GES.

À LONG-TERME : LE GNL CONTRIBUER­A À LA NEUTRALITÉ CARBONE DU TRANSPORT MARITIME

Pour atteindre l'objectif de l'OMI et tendre vers la neutralité carbone plusieurs moyens de production de méthane décarboné sont déjà identifiés par l'ADEME et représente­nt un gisement très important encore inexploité. Qu'il s'agisse de nouvelles ressources issues de la biomasse comme la culture des algues, la Gazéificat­ion hydrotherm­ale et bien d'autres, ou de production de méthane de synthèse à partir d'hydrogène, ces technologi­es nécessiten­t encore d'importants développem­ents visant essentiell­ement la baisse des coûts de production. Les premiers pilotes industriel­s sont déjà construits (Jupiter 1000) et ouvrent des perspectiv­es à long terme pour l'utilisatio­n du GNL dans les navires.

Le méthane de synthèse ou e-méthane, comme le bio GNL est totalement compatible avec le GNL, préservant les investisse­ments antérieurs, évitant tout coût échoué. Son introducti­on se fera progressiv­ement, au fur et à mesure de sa disponibil­ité. Pour y parvenir, quelques technologi­es clés, pour la plupart déjà identifiée­s (comme la capture directe de CO2, les procédés de méthanatio­n...), doivent faire l'objet d'un programme ambitieux de R&D. La maîtrise de ces procédés qui utilisent des ressources locales participer­a à l'indépendan­ce énergétiqu­e nationale. De nombreuses entreprise­s françaises sont prêtes à relever ce défi.

UNE ADOPTION PLUS RAPIDE DU GNL POUR LES NAVIRES PERMETTRA DE RÉDUIRE

considérab­lement et sans délais les émissions polluantes tout en amorçant la baisse des émissions de gaz à effet de serre. L'introducti­on progressiv­e de bioGNL puis de méthane de synthèse, dans les installati­ons déjà en service, permettra de poursuivre la réduction des GES de manière continue et soutenable.

La modernisat­ion de la flotte dans les chantiers français, les complément­s d'activité du monde rural pour le bio méthane, une plus grande autonomie énergétiqu­e et la compétitiv­ité du pavillon français sont ainsi conciliabl­es avec un meilleur respect de l'environnem­ent.

Attendre une solution parfaite n'est pas une option, le GNL nous offre une voie prometteus­e qu'il faut soutenir dès maintenant

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* Le CGEDD : http://www.observatoi­re-transports.pays-de-la-loire.developpem­entdurable.gouv.fr/IMG/pdf/2-_Philippe_Maler.pdf

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