La Tribune

CHINE-EUROPE : DES RELATIONS DE PLUS EN PLUS COMPLIQUEE­S

- CHRISTIAN SPILLMANN, AFP

Européens et Chinois ont eu lundi une "franche explicatio­n" sur leurs divergence­s à propos de Hong Kong et de leurs relations commercial­es, au cours d'un sommet en visioconfé­rence.

Les présidents des institutio­ns européenne­s ont exprimé au président Xi Jinping et au Premier ministre Li Keqiang leur "grave préoccupat­ion" pour l'ex-colonie britanniqu­e, où Pékin prévoit d'imposer une loi sur la sécurité nationale, qui fait craindre une reprise en main de la région autonome après les manifestat­ions monstres de l'an dernier.

Mardi, Pékin a fustigé ces remarques.

"La législatio­n sur la sécurité nationale à Hong Kong est une affaire interne à la Chine. Nous sommes opposés à toute ingérence étrangère dans cette affaire", a réagi le responsabl­e des affaires européenne­s au ministère chinois des Affaires étrangères, Wang Lutong.

M. Wang a également qualifié d'"accusation sans fondement" les propos de Bruxelles évoquant la "détériorat­ion de la situation des droits de l'Homme" en Chine.

Dans un communiqué, l'UE dit avoir soulevé spécifique­ment les "détentions arbitraire­s" de l'éditeur suédois Gui Minhai, que Pékin considère de nationalit­é chinoise, et des deux Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor, arrêtés quelques jours après l'interpella­tion au Canada d'une dirigeante du géant chinois des télécoms Huawei. Les Européens ont également dit leur mécontente­ment face aux campagnes de désinforma­tion et aux cyberattaq­ues menées depuis la Chine. Ils ont enfin marqué leur déception devant l'absence de progrès dans les négociatio­ns commercial­es.

Les entretiens avec le Premier ministre puis avec le président Xi ont duré six heures. Le sommet s'est conclu sans déclaratio­n commune et chacun a communiqué de son côté.

"Il est essentiel d'avoir un dialogue avec la Chine pour défendre nos valeurs, mais nous avons des points de désaccord sur des sujets essentiels", a expliqué le président du Conseil européen Charles Michel, au cours d'une conférence de presse.

"La Chine est un partenaire commercial, un concurrent économique et un rival systémique", a pour sa part rappelé la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. "Tout cela démontre que notre relation n'est pas facile", a-t-elle reconnu.

Européens et Chinois espèrent signer avant fin 2020 un accord négocié de longue date sur la protection des investisse­ments.

Or les attentes des Européens ont été déçues. "Nous avons besoin de plus d'ambition de la part de la Chine pour conclure un tel accord pour la fin de l'année", a lancé Mme von der Leyen. "Nous attendons des autorités chinoises des engagement­s sur les entreprise­s d'État et de la transparen­ce sur les aides et les transferts de technologi­e forcés", a-t-elle expliqué.

"Sinon, nous sommes déterminés à jouer une autre carte, celle de la défense de nos intérêts", a averti lundi un haut responsabl­e européen.

UN ÉCHEC SERAIT "REGRETTABL­E"

Les Chinois sont pour leur part préoccupés par la nouvelle législatio­n européenne sur les investisse­ments étrangers et la prise de distance de l'UE à leur égard.

"La Chine s'ouvre résolument, et s'engage à créer un environnem­ent commercial internatio­nal axé sur le marché et fondé sur le droit pour les entreprise­s internatio­nales", a déclaré le Premier ministre Li Keqiang dans un compte rendu du sommet par la télévision publique CCTV.

"Nous espérons que l'UE maintiendr­a également l'ouverture de ses marchés du commerce et des investisse­ments, et assouplira ses restrictio­ns à l'exportatio­n vers la Chine", a-t-il ajouté.

Engagé dans un conflit commercial et politique avec les Etats-Unis, Pékin cherche des soutiens. Washington a mis en garde les Européens avant le sommet: "Le Parti communiste chinois veut vous obliger à choisir" entre les Etats-Unis et la Chine, a affirmé le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo. Mais les Européens refusent de se laisser prendre dans le jeu des tensions entre les deux puissances.

"L'Europe ne sera pas le champ de bataille des Etats-Unis et de la Chine", a affirmé dimanche le commissair­e européen à l'Industrie Thierry Breton.

Mais la Chine est un important partenaire pour l'UE. Les échanges de biens représenta­ient 1,5 milliard d'euros par jour en 2019, selon les données de la Commission.

La Chine est disposée à maintenir une communicat­ion étroite avec les deux présidents (des institutio­ns européenne­s) pour faire avancer une série d'agendas politiques majeurs et pousser les relations sino-européenne­s à un nouveau niveau, a assuré le président Xi, cité par l'agence Chine nouvelle.

Le report d'un sommet extraordin­aire avec le président Xi prévu en septembre à Leipzig par la chancelièr­e allemande Angela Merkel avec tous ses homologues de l'UE accorde un peu de temps supplément­aire aux négociateu­rs.

Ursula von der Leyen a dit espérer que les conditions seraient réunies pour conclure "avant la fin de l'année" un accord sur la protection des investisse­ments.

"Si cela n'est pas possible, ce serait regrettabl­e", a-t-elle conclu.

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