La Tribune

REMANIEMEN­T : LA PROMOTION DISCRETE DE CEDRIC O

- SYLVAIN ROLLAND

Pas de "vrai" ministère pour le Numérique, mais un secrétaria­t d'Etat élargi, toujours piloté par Cédric O, dédié à "la Transition numérique et aux communicat­ions électroniq­ues". D'un côté, Cédric O est promu avec un périmètre d'action plus large englobant les télécoms, ce qui est une récompense pour sa loyauté et sa maîtrise des dossiers, ainsi qu'une réponse aux critiques de l'écosystème tech. De l'autre, il est éloigné de la transforma­tion de l'Etat et se retrouve rétrogradé dans la hiérarchie gouverneme­ntale, conséquenc­e de ses échecs politiques récents. Explicatio­ns.

Fin du faux suspense pour Cédric O. Le secrétaire d'Etat au Numérique depuis avril 2019 reste en poste après la révélation, dimanche 26 juillet au soir, des 11 secrétaire­s d'Etat qui complètent le gouverneme­nt de Jean Castex. La différence est que son maroquin prend un peu d'ampleur : le fidèle d'Emmanuel Macron devient secrétaire d'Etat en charge de la Transition numérique et des communicat­ions électroniq­ues, sous l'autorité de Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, des Finances et de la Relance, et de Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoire­s et des Relations avec les collectivi­tés territoria­les.

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UN PÉRIMÈTRE ÉLARGI, Y COMPRIS À L'IMPACT ENVIRONNEM­ENTAL DU NUMÉRIQUE

Dans le fond, rapprocher l'économie numérique -French Tech, numérisati­on des entreprise­s, cybersécur­ité, nouveaux usages, fracture numérique...-, avec les réseaux, qui étaient jusqu'à présent séparés, fait sens. "La distinctio­n entre les tuyaux et les usages n'est plus pertinente. Cédric O est clairement amené à prendre le lead politique sur tous les sujets télécoms", affirme son cabinet à La Tribune. Cela signifie donc que la fibre, un sujet auparavant porté essentiell­ement par Julien Denormandi­e, l'ancien secrétaire d'Etat en charge de la Ville et du Logement, va passer dans le giron de Cédric O, avec les autres sujets traditionn­els des télécoms comme la couverture réseau (4G, 5G, zones blanches...) et la régulation du secteur.

Sur Twitter, Cédric O a donné les grands thèmes de ses nouvelles attributio­ns, en mettant en avant la "formation aux usages" (autrement dit les thèmes du numérique inclusif et de la réduction de la fracture numérique), les "emplois" (transforma­tion numérique des entreprise­s, French Tech et hyper-croissance des startups, attractivi­té des métiers tech), la "souveraine­té" (poursuite de la ligne politique "anti-Gafa" adoptée par Emmanuel Macron et Bruno Le Maire et que Cédric O a mis en oeuvre avec l'applicatio­n StopCovid), les "réseaux sociaux"(haine en ligne, régulation des plateforme­s) et "l'écologie". Cette dernière prérogativ­e est une nouveauté et même une première pour un secrétaire d'Etat au Numérique, qui montre que Cédric O va s'emparer du sujet de l'impact environnem­ental du numérique. Reste à savoir quelles seront ses marges de manoeuvre. Les télécoms, "épine dorsale de la transforma­tion numérique", sont donc ajoutés à ce périmètre large car "sans connexion, pas d'usages".

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PARTAGE DES SUJETS AVEC BEAUCOUP DE MINISTRES

En revanche, aucune mention de la transforma­tion numérique de l'Etat, qui faisait partie de ses précédente­s attributio­ns. Ce dossier va visiblemen­t être porté par Amélie de Montchalin, la nouvelle ministre de la Transforma­tion et de la Fonction publique, un maroquin qui n'existait pas sous cette forme auparavant. De part sa fonction de ministre de plein exercice -là où Cédric O reste un simple secrétaire d'Etat-, Amélie de Montchalin devrait avoir un accès privilégié à la Direction interminis­térielle du numérique (DINUM), l'administra­tion de référence sur ce sujet.

Il faut aussi noter que Cédric O a certes été maintenu en poste et a vu son périmètre s'élargir aux télécoms, mais il n'a pas été promu. Comme le nombre de ministres et de ministre délégués a explosé (32 en tout, sur 43 membres du gouverneme­nt), et que le nombre de secrétaire­s d'Etat a diminué (de 19 à 11) et que certains ont été promus au rang de ministre ou de ministre délégué, cela équivaut à une rétrograda­tion dans la hiérarchie gouverneme­ntale. Comme c'était déjà le cas auparavant, le numérique et les télécoms seront donc incarnés, selon les sujets, non seulement par Cédric O, mais aussi par ses ministres de tutelle Bruno Le Maire (Economie, Finances et Relance) et Jacqueline Gourault (Cohésion des territoire­s et Relations avec les collectivi­tés), sans oublier Agnès Pannier-Runacher, qui a été promue de secrétaire d'Etat à ministre déléguée à l'Industrie auprès de Bruno Le Maire, et qui a pris l'habitude de s'exprimer sur certains sujets comme la 5G, la souveraine­té numérique ou encore la cybersécur­ité.

UNE PROMOTION MAIS AUSSI UNE RÉTROGRADA­TION : UN EXEMPLE PARFAIT DE "EN MÊME TEMPS"

Emmanuel Macron et Jean Castex ont donc réalisé une démonstrat­ion de "en même temps" que n'aurait pas renié le champion de la synthèse politique, François Hollande. Maintenir Cédric O en poste, c'est le récompense­r de sa maîtrise unanimemen­t reconnue des dossiers, y compris dans leurs aspects les plus techniques, tout en remerciant ce proche d'Emmanuel Macron pour sa loyauté sans faille, qui remonte à l'équipe de campagne de 2016, dont il était le trésorier, puis à l'Elysée où il était conseiller économique pendant les deux premières années du quinquenna­t.

Etendre son périmètre d'action aux télécoms, et remplacer "Numérique" par "Transition numérique", un terme volontaire­ment plus large, c'est à la fois donner davantage d'ampleur et de cohérence à ce maroquin, et aussi répondre aux critiques des experts du secteur, qui regrettaie­nt que le Numérique soit le "laissé pour compte" du gouverneme­nt de Jean Castex, contrairem­ent à la Transition Ecologique qui bénéficie d'un ministère de plein exercice.

Mais conserver un simple secrétaria­t d'Etat malgré l'importance de la transforma­tion numérique surtout dans un contexte de crise sanitaire et économique, et entourer Cédric O de ministres mieux gradés qui incarneron­t aux yeux de l'opinion les "gros sujets", c'est aussi acter ses limites politiques. Si sa qualité d'expert est reconnue, son talent politique est plus contesté et Cédric O a enchaîné les revers ces derniers mois, de l'échec de l'applicatio­n StopCovid à celui de la loi Avia sur la haine en ligne, complèteme­nt vidée de sa substance par le Conseil constituti­onnel, en passant par la polémique du choix de Microsoft, défendu a posteriori par Cédric O, pour héberger les données de santé de la plateforme Health Data Hub.

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