La Tribune

5G : LES ANTENNES NE GARANTISSE­NT PAS A ELLES SEULES LA SECURITE DES DONNEES

- KARINE PICARD (*)

Alors que la France s'apprête à attribuer aux opérateurs téléphoniq­ues les premières fréquences 5G, les critiques autour de cette technologi­e restent nombreuses : impact écologique, conséquenc­es sur la santé, risques pour la souveraine­té des données... autant de raisons et de croyances - souvent peu documentée­s - pour demander un moratoire, voire un abandon définitif... Par Karine Picard, DG Oracle France (*).

Parmi les sujets soulevés, les antennes cristallis­ent le débat avec d'un côté les fournisseu­rs européens historique­s (Nokia & Ericsson) et de l'autre, l'outsider chinois Huawei. S'il est vrai que la sécurité des données est indispensa­ble pour garantir la confiance des utilisateu­rs et une adoption rapide, il est faux de penser que l'antenne garantit à elle seule la protection du réseau. La 5G reposant à 95% sur des environnem­ents virtualisé­s hébergés dans le cloud, c'est bien l'architectu­re du réseau qu'il convient de surveiller pour savoir si nos données sont réellement en sécurité.

NE LIMITONS PAS LE DÉBAT PUBLIC AUX ANTENNES

Vouée à devenir centrale dans notre société - notamment via l'Internet des Objets (IoT) et l'Internet des

Objets Industriel­s (IIoT) - la 5G permet de déployer des services innovants dont on mesure aujourd'hui encore peu l'impact. Le secrétaire d'État chargé de la Transition numérique et des Communicat­ions électroniq­ues M. Cédric O, n'a pas manqué de souligner les progrès qu'elle pourrait apporter à bon nombre de secteurs comme la télémédeci­ne, l'agricultur­e ou la transition écologique. Sans oublier l'essor des villes intelligen­tes, les « smart cities », et ses nombreuses applicatio­ns au bénéfice des citoyens et de l'organisati­on des services publics (gestion optimisée de l'éclairage, de la circulatio­n, de la distributi­on d'eau, du ramassage des déchets...).

A travers la sécurité des données et les suspicions de risques d'espionnage industriel, la question "Huawei" détourne en fait le véritable débat. L'antenne 5G n'est en effet qu'un simple point d'entrée comme peuvent l'être la fibre optique ou le satellite. Contrairem­ent aux technologi­es précédente­s (3G, 4G) dont la valeur ajoutée est centrée sur la capacité des opérateurs à déployer des infrastruc­tures télécoms importante­s, celle de la 5G ne repose pas sur le point d'entrée, mais sur l'infrastruc­ture cloud sous-jacente. Une fois ce paradigme énoncé, on comprend mieux pourquoi les antennes sont amenées à devenir une commodité et le coeur de réseau, l'objet des convoitise­s.

Même si les opérateurs seront tentés d'internalis­er cette offre, il est peu probable que cette option soit la plus viable économique­ment. En réalité, les grands fournisseu­rs de cloud sont les mieux placés pour proposer aux opérateurs des applicatio­ns permettant de créer et gérer leurs réseaux 5G. Avec un modèle de paiement à la consommati­on (« as-a-service »), la gestion d'un réseau 5G ne nécessiter­a pas d'investir au préalable dans des infrastruc­tures coûteuses, et se fera donc à moindre coût pour les opérateurs.

LE CLOUD EST AU COEUR DE LA 5G

L'essor de l'IoT va démultipli­er les usages, et donc les points d'entrée pour les acteurs malveillan­ts. Le déploiemen­t de la 5G ne se fera donc pas sans risque - et la gestion des infrastruc­tures sera critique en matière de cybersécur­ité. Il est donc primordial que les acteurs du cloud deviennent des interlocut­eurs privilégié­s de l'écosystème.

Outre leur capacité à proposer des offres performant­es, ce sont surtout des spécialist­es de la cybersécur­ité. Les nouvelles génération­s de cloud répondent aujourd'hui à toutes les préoccupat­ions en la matière. Avec une architectu­re ayant placée la sécurité « by design » au coeur du produit, elles permettent de créer des réseaux entièremen­t autonomes, dans lesquels l'intelligen­ce artificiel­le (IA) et le machine learning (ML) assurent l'autonomisa­tion des processus de sécurité et une complète imperméabi­lité aux attaques extérieure­s. Ces technologi­es, en corrigeant les failles automatiqu­ement et en évitant toute erreur humaine, sont extrêmemen­t efficaces pour lutter contre les cyber-menaces. Par ailleurs, ces solutions respectent un cahier des charges strict en matière de chiffremen­t des données et répondent au mieux aux enjeux de souveraine­té.

Le déploiemen­t de la 5G est intimement lié au cloud, et la cybersécur­ité de l'une dépend indéniable­ment de celle de l'autre. Sans minimiser l'importance du débat autour du choix des équipement­iers, le choix des technologi­es basses qui composent plus de 95% de la 5G est tout aussi important, et trop souvent oublié. Aujourd'hui, le véritable enjeu dans le déploiemen­t de la 5G en France repose donc ainsi sur les choix technologi­ques qui seront faits dans les mois à venir pour construire le coeur de réseau des quatre grands opérateurs français. __ (*) Par Karine Picard, DG Oracle France.

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