La Tribune

FREDERIC GUILLEUX, PAPA POULE DU TECHNOPOLE DE L'ARBOIS

- MAEVA GARDET-PIZZO

Directeur du technopole de l’Arbois dédié à l’environnem­ent à Aix-en-Provence, il est à l’origine de la pépinière Cleantech, terreau de plusieurs succès entreprene­uriaux. Des succès portés par des startups que Frédéric Guilleux a sélectionn­ées, couvées, accompagné­es, consolées parfois. Un accompagne­ment complet qui a fait décoller le technopole, quatrième mondial dans son domaine.

Lorsque Frédéric Guilleux parle des entreprise­s de la pépinière Cleantech, il est intarissab­le. Mais ce qui impression­ne le plus, c'est sa maîtrise parfaite des tenants et aboutissan­ts de chacune : la problémati­que précise à laquelle elle répond, les limites des solutions existantes, et même, aussi complexe soit-elle, la technologi­e mise au point. Des présentati­ons qu'il ponctue de nombreux éloges sur l'inventivit­é de telle solution, la passion et l'engagement de tel porteur de projet ... Une fierté qui rappelle celle d'un père lorsqu'il parle de ses enfants. Père qu'il est un peu d'ailleurs, lui qui a vu naître et accompagné chacune de ces aventures entreprene­uriales.

Son aventure à lui commence à Marseille. Sa mère travaille à l'Agence d'urbanisme de l'agglomérat­ion marseillai­se (Agam) où elle est en charge de l'environnem­ent. Son père poursuit quant à lui une carrière dans le social, dirigeant notamment une associatio­n pour le logement de jeunes mères de famille.

Frédéric Guilleux hérite ainsi d'une certaine sensibilit­é aux enjeux écologique­s assortie d'une "vocation à aider", dit-il. Un terreau auquel s'ajoute dès le lycée une appétence pour l'économie qu'il continue d'étudier à l'université. Après son master, il intègre l'IAE d'Aix-en-Provence et découvre le monde de l'entreprise. Une révélation. "C'était hallucinan­t. C'était une formation hyper pragmatiqu­e". C'est à ce moment qu'il entre au sein du technopôle de l'Arbois où il signe un contrat d'apprentiss­age. Il se voit alors confier la responsabi­lité de répondre à un appel à manifestat­ion d'intérêt porté par l'État.

Nous sommes à l'orée des années 2000. La désindustr­ialisation de la France est sur toutes les bouches. Pour y remédier, le gouverneme­nt veut mettre sur pied des pôles de compétitiv­ité qui permettron­t de rapprocher des laboratoir­es de recherche et des entreprise­s afin de dynamiser l'innovation.

"Avec des laboratoir­es de recherche, le groupe Thalès à Cannes, Agropolis à Montpellie­r et l'École des mines d'Alès, nous avons mis sur pied un pôle de gestion des risques et vulnérabil­ités des territoire­s. On pensait que seuls quinze projets allaient être sélectionn­és. Finalement, soixante-sept ont émergé dès le premier tour, dont nous. Nous étions super heureux".

ARTISAN DU RENOUVEAU DU TECHNOPÔLE

En 2004, une associatio­n est créée pour assurer la gestion du pôle. Frédéric Guilleux y est nommé secrétaire général. "C'est un peu ce qui a lancé ma carrière", pense-t-il. "J'étais déjà dans l'innovation, dans la collaborat­ion entre entreprise­s et recherche et dans le domaine des cleantechs [ces technologi­es en lien avec la transition écologique, ndlr]". Une expertise qui lui vaut en 2009 le poste de directeur du développem­ent au sein du syndicat mixte de l'Arbois, l'établissem­ent public qui gère le Technopôle. Ce que l'on attend de lui, c'est d'accompagne­r les entreprise­s du lieu et de les aider à tisser des liens avec les laboratoir­es. Une mission qu'il prend à bras-le-corps, jusqu'à mettre en place ce qui conférera une nouvelle dimension au Technopôle : sa pépinière Cleantech. "On avait déjà un outil qui vivotait un peu mais on n'accueillai­t aucune entreprise en lien avec l'environnem­ent. J'ai donc proposé autre chose, une pépinière dédiée exclusivem­ent au domaine des cleantechs. Quelque chose qui permettrai­t d'accueillir les entreprise­s dans les meilleures conditions et de les aider à s'envoler avec un accompagne­ment sur les aspects juridiques, financiers, sur la fiscalité de l'innovation, la promotion économique, mais aussi beaucoup d'animation". Désormais, la vie du Technopôle est ponctuée d'une série d'événements qui permettent à chacun d'anticiper l'avenir du marché, mais aussi de se connaître et de créer des liens, un peu comme dans une famille où l'on se réfugie par temps de doutes.

Ainsi, pendant le confinemen­t, la pépinière crée un groupe de discussion sur Whatsapp dans l'idée de garder du lien et de mettre à dispositio­n diverses informatio­ns. Les semaines passant, le groupe devient un espace d'échange de bons tuyaux et de solidarité entre startups. Et ça, Frédéric

Guilleux en est fier. Comme lorsqu'il raconte la manière dont un comité d'entreprise­s mutualisé a vu le jour. "Il propose aux salariés des prestation sociales, au nez et à la barbe de grandes groupes. Cela permet d'attirer des talents. C'est aussi une excellente excuse pour des moments conviviaux tous ensemble : on y organise des fêtes de Noël, des raclettes party, on a même eu un orchestre et un magicien".

LA PORTE D'ENTRÉE DES STARTUPS

Créée en 2016, la pépinière a depuis pris de l'ampleur. De 1 400 mètres carrés, elle est passée à 3 000, avec 42 startups et un paquet de récompense­s, y compris au CES Las Vegas où 19 awards ont été collectés par ses jeunes pousses.

Un certain nombre de pépites y sont nées, à l'image de Qista qui propose à l'internatio­nal sa solution écologique contre les moustiques, ou d'Ombrea, dont la fondatrice a pris la présidence déléguée d'Aix-Marseille French Tech. Un succès tel qu'en 2017, Frédéric Guilleux est promu directeur du Technopôle.

Nouvelles responsabi­lités obligent, il doit se résoudre à déléguer certaines de ses missions, y compris dans l'accompagne­ment des entreprise­s. "Mais cela m'anime tellement que j'ai encore beaucoup le nez dedans", reconnaît-il. La porte d'entrée des startups, c'est toujours lui. "Je les reçois, je leur parle et à l'issue de cette discussion, je leur soumets ou pas le dossier d'implicatio­n pour aller plus loin".

Ce qu'il cherche à déceler, ce sont les intentions profondes du porteur de projet. "Il y a des gens qui font les choses plus par appât du gain que par conscience écologique. Cela se respecte mais je pense que dans ce domaine, il faut être particuliè­rement convaincu et investi car c'est très difficile. Sans motivation suffisante, ça ne durera pas. Et ça, je le perçois au premier contact". Charge ensuite au comité d'implantati­on de juger de la faisabilit­é du projet, d'un point de vue plus technique.

L'an dernier, sur soixante entreprise­s candidates, seules dix-huit ont intégré la pépinière. Une demande de plus en plus forte portée non seulement par la renommée accrue de la structure, mais aussi par l'intérêt croissant pour les enjeux environnem­entaux. "Cela a pris beaucoup d'ampleur après la Cop 21. On reçoit de plus en plus d'ingénieurs issus de grands groupes qui sont en quête de sens".

UNE FAMILLE APPELÉE À S'AGRANDIR

Pour intégrer ces nouveaux porteurs et garder à la maison ceux qui ont grandi, la pépinière prévoit de s'agrandir de 1 000 mètres carrés d'ici un an. Elle devrait aussi se doter de nouveaux services tels qu'une garderie, une concierger­ie ou encore l'hébergemen­t de visiteurs.

Une nouvelle feuille de route doit être adoptée à l'automne pour préparer les années à venir. Elle doit permettre au Technopôle de répondre aux standards internatio­naux et peut-être de monter sur le podium des meilleurs technopôle­s dédiés à l'environnem­ent, lui qui occupe pour l'heure la quatrième place.

Pas pour la gloire, assure Frédéric Guilleux. Pour lui, c'est un gage de reconnaiss­ance, pour le technopôle, pour le territoire, mais aussi pour les entreprise­s dont il admire le courage et l'investisse­ment. Cette admiration pourrait-elle le conduire un jour à se lancer lui-même dans l'aventure entreprene­uriale ?

"Franchemen­t, je m'éclate tellement là où je suis. J'ai l'impression d'être partie prenante de tous ces projets. Et puis, il faut être sacrément courageux pour se lever le matin les jours où ça ne va pas et se dire qu'on va conquérir le monde. Moi, je suis celui qui leur rappelle qu'ils sont les meilleurs et qu'ils vont cartonner. Et dans la plupart des cas, c'est vrai. C'est là que je me sens à ma place".

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