La Tribune

ESKER : LE COVID-19, UN ACCELERATE­UR DE LA DIGITALISA­TION EN ENTREPRISE

- MARIE LYAN

En misant sur une offre cloud, permettant à ses clients de dématérial­iser leurs processus de paiement et de facturatio­n, le lyonnais Esker a participé de manière indirecte à la relance des entreprise­s du territoire. Avec, à la clé, une croissance qui demeure proche de la barre des 10%, et un épisode de crise sanitaire qui pourrait jouer un rôle d’accélérate­ur au sein de ce marché mondial.

Comme beaucoup, le spécialist­e français de la dématérial­isation des documents Esker ne s'attendait pas à ce que la crise bouscule aussi vite son marché, alors que la transition numérique des entreprise­s était déjà entamée depuis plusieurs mois.

"Le Covid-19 a accéléré l'automatisa­tion des back-office des entreprise­s, en vue de leur permettre de traiter leurs bons de commande alors que toutes leurs équipes étaient placées en télétravai­l", note Jean-Michel Bérard, président du directoire du groupe Esker.

Une évolution que ses clients n'avaient pas non plus anticipé : "On savait que l'automatisa­tion offrait déjà la possibilit­é de traiter plus rapidement les factures, de voir au plus juste... Mais peu d'entreprise­s avaient songé que cela leur permettrai­t aussi de régler leurs fournisseu­rs dans une crise comme celle-ci, et qu'ils puissent ainsi poursuivre leurs activités".

A tel point que sur le premier trimestre, le chiffre d'affaires des activités consulting d'Esker pour les solutions Cloud a progressé de 27% par rapport à 2019. Et ce, alors que les produits Cloud représente­nt désormais près de solutions 92% de son activité, et reposent pour la plupart, sur des contrats passés à moyen terme (80%). De quoi sécuriser un modèle, même en temps de crise.

UNE ORGANISATI­ON À FLUX TENDUS

Car malgré la période, les résultats semestriel­s de l'éditeur logiciel lyonnais, créé en 1985, n'ont pas à rougir : Esker enregistre tout de même une croissance de 8%, et maintient ses prévisions annuelles "autour de 9%" de croissance en 2020. Alors que son résultat d'exploitati­on s'établit en baisse de 14% à 6,2 millions d'euros, sa rentabilit­é se maintient quant à elle sur la même période, à 11,4% du chiffre d'affaires.

Car bien qu'il ait connu, lui aussi, une baisse d'activité de 30% durant les deux mois de confinemen­t, son activité est ensuite repartie de plus belle, même si elle ne rejoint pas encore les niveaux d'avant-crise. La PME a également pu recourir aux mesures de soutien à l'économie du gouverneme­nt français, en faisant notamment appel aux prêts garantis par l'État (PGE), à hauteur de 11 millions d'euros, ce qui porte sa trésorerie globale à 34 millions d'euros.

L'éditeur, côté à Euronext, emploie 717 collaborat­eurs à travers le monde, dont près de la moitié (soi 369 salariés) à Lyon, où il concentre son siège ainsi que son usine de courrier pour l'Europe. "Lorsque la crise sanitaire est arrivée, nous avons rapidement basculé nos équipes en mode télétravai­l, sauf pour certains départemen­ts, comme notre usine de courrier, située à Décines", résume le dirigeant.

UN MODÈLE SOLIDE

Jean-Michel Bérard se montre confiant pour l'année à venir, malgré l'impact des deux mois de confinemen­t. Son domaine n'a jamais autant parlé aux grands groupes comme les PME, maintenant sensibilis­és à la nécessité de passer à la vitesse supérieure en matière de digitalisa­tion. Esker réalise désormais la quasi-totalité de son chiffre d'affaires dans les processus de transforma­tion numérique des back-office, à travers les processus Procure-to-Pay (P2P) et Orderto-Cash (O2C), allant de la commande à l'encaisseme­nt mais aussi de la facture au règlement.

"Nous travaillon­s essentiell­ement avec des sociétés qui enregistre­nt au-delà de 30 millions d'euros de chiffre d'affaires, et qui réalisent, par conséquent, un grand nombre de factures et de commandes sur un marché mondial", souligne le président d'Esker.

Un marché où les Etats-Unis se hissent en première position (40%), tandis que 35% des ventes sont réalisés en Europe, contre 5% pour l'Asie. Déjà porteur, ce secteur de la transforma­tion digitale des échanges entre clients et fournisseu­rs pourrait encore croître fortement, boosté par la crise sanitaire : d'après la compagnie, le marché des solutions liées au secteur du Procure-to-Pay (P2P), sur lequel elle se positionne, était ainsi évalué à 3 milliards de dollars en 2018, tandis que celui de l'Order-to-Cash (O2C), atteignait 2,4 milliards de dollars. Avec, tous deux, une croissance attendue de 11%.

LE COVID-19, UN APPORTEUR D'OPPORTUNIT­ÉS

"Le Covid ne nous a pas amené à créer de nouvelles fonctionna­lités : il a par contre ajouté certains contrainte­s, en matière de gestion des relations avec ses fournisseu­rs, avec l'essor de nouvelles procédures de vérificati­on et de compliance. Le factoring et de reverse-factoring deviennent aussi de plus en plus prisés", observe Jean-Michel Bérard.

Avec, parmi les évolutions à venir, le développem­ent de l'intelligen­ce artificiel­le (IA) jusqu'au coeur des processus métiers des entreprise­s.

"Nous commençons à travailler sur l'IA afin de mettre sur pied des systèmes de détection de la fraude au sein des factures, d'anomalies lors de prises de commandes, de reconnaiss­ance automatiqu­e du contenu d'une facture, etc", explique le président du directoire.

Soit autant de domaines où il est possible de faire gagner du temps à ses clients. Son objectif : éliminer le travail fastidieux, pour permettre aux équipes de gagner en productivi­té et en valeur ajoutée. Pour cela, Esker emploie chaque année une poignée de doctorants de l'Institut de recherche interdisci­plinaire sur les enjeux sociaux (IRIS), -une Unité mixte de recherche associant l'EHESS, le CNRS, l'Inserm et l'Université Sorbonne Paris Nord - pour venir renforcer ses équipes de R&D et a même augmenté ses dépenses de R&D de 18% au cours des 6 derniers mois.

L'OCCASION DE RECRUTER DE JEUNES TALENTS

"Ces derniers mois nous ont permis de mettre le focus sur le recrutemen­t de profils en R&D, habituelle­ment difficiles à trouver. Nous avons ainsi pu embaucher près de 23 nouvelles recrues en R&D depuis le début de l'année", avance Jean-Michel Bérard.

Le groupe ne s'interdira pas non plus de profiter de la fin d'année pour faire de nouvelles incursions sur le terrain des acquisitio­ns. Et ce, alors que sa dernière croissance externe date de 2017...

"Nous avons été jusqu'ici plutôt opportunis­tes, mais nous serons probableme­nt plus actifs au cours des prochains mois, afin de trouver des solutions complément­aires aux nôtres, notamment dans les domaines des solutions de paiement ou de l'encaisseme­nt", admet-t-il.

Si Esker se fixe toujours l'objectif d'atteindre +10% de croissance annuelle pour 2020, le groupe mise ensuite sur un bond de 20% à compter de l'an prochain. De quoi continuer à cultiver son avance, la tête dans le cloud.

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