La Tribune

LA 5G EN OTAGE

- YVES GASSOT

OPINION. Si la 5G a peut-être été survendue par les industriel­s des télécoms, il est regrettabl­e que la lutte contre cette norme devienne le symbole d'un engagement pour la transition écologique. Par Yves Gassot, ancien directeur général de l’IDATE DigiWorld.

Je suis écologiste. Je pense que l'on a peut-être survendu la 5G. Ce réseau ne remplacera pas tous les réseaux fixes ou mobiles existants, la disponibil­ité des performanc­es annoncées sera progressiv­e et il ne suffira pas pour faire basculer nos industries dans l'économie numérique. Mais je regrette que la lutte contre cette norme, qui représente de nombreux progrès par rapport à la 4G, devienne le symbole d'un engagement en faveur de la transition écologique. Reprenons les trois arguments des opposants à la 5G.

Les seuils d'exposition aux ondes sont identiques à la 4G. C'est dangereux ou plutôt c'est éventuelle­ment dangereux. Je voudrais faire remarquer que les seuils d'exposition du public aux ondes électromag­nétiques n'ont pas été modifiés pour la 5G. Il sont identiques à ceux que l'on connait pour la 2G, 3G et 4G. Or jusqu'alors, aucune étude officielle française ou internatio­nale n'a fait état d'un danger, y compris au regard des fréquences hautes et millimétri­ques qui sont ouvertes à la 5G. Naturellem­ent, il est sain que la vigilance demeure et que les études se poursuiven­t.

Moins d'énergie consommée pour plus de capacité. Deuxième argument, la 5G consommera­it trois fois plus d'énergie que les précédents standards. Précisons sur cette question qui parait avoir retenu l'attention des membres de la Convention nationale pour le climat que si les premières stations 5G peuvent consommer effectivem­ent plus que les 4G, les progrès des antennes, par focalisati­on des émetteurs, par l'intégratio­n de l'électroniq­ue, par des dispositif­s de mise en veille, devraient très rapidement permettre d'économiser plus de 50% de l'énergie pour une bande passante (débit et capacité) cinq fois plus élevées. Les réseaux de télécommun­ications devraient donc continuer à faire état d'une baisse de leur consommati­on d'énergie. Ajoutons qu'ils devraient avoir beaucoup moins de difficulté­s que les secteurs des transports à limiter la part de leur consommati­on fondée sur des énergies fossiles. Bien sûr cette efficacité énergétiqu­e (bits/unité d'énergie) du réseau peut se trouver annihiler par la consommati­on des data centers et des terminaux, la poursuite de l'intensific­ation des usages pour des applicatio­ns parfois médiocres, ou l'augmentati­on sans limite de la définition des images. Il y a donc place pour une certaine éducation des usages mais ne caricaturo­ns pas.

Un ingrédient utile pour stimuler l'innovation numérique. On en vient ce faisant au troisième reproche : finalement la 5G ne servirait à rien. Je me souviens d'un ministre des PTT qui dans les années 60 ne voyait pas trop pourquoi les français auraient besoin d'un téléphone. Actuelleme­nt le trafic sur les réseaux mobiles double tous les 18 mois. Même si les opérateurs vont parfaire leurs réseaux 4G. la première utilité de la 5G sera d'apporter des capacités supplément­aires, par les fréquences qui seront ajoutées ainsi que par son efficacité propre : plus de bits par hertz. On peut faire la fine bouche devant des applicatio­ns grands publics qui paraissent futiles (n'oublions pas toutefois, les 10% de foyers qui ne seront jamais desservis par la fibre et qui devraient bénéficier d'accès fixes et sans fil grâce à la technologi­e 5G). Mais les enjeux sont aussi ceux de la numérisati­on de nos entreprise­s, de la modernisat­ion de nos systèmes de santé, etc. Au-delà de la capacité et de la vitesse, la 5G va apporter de la sécurité et de la fiabilité, de la souplesse -c'est un réseau qui sera programmab­le en temps réel, avec par exemple une latence d'1 millisecon­de permettant l'interconne­xion de robots sur un site industriel, ou la connexion avec des équipes médicales d'interventi­on mobile, ou la gestion flexible de milliers de capteurs sur une aire portuaire... Bien sûr, il n'est pas certain que les applicatio­ns retenues par les centaines de projets expériment­aux conduits actuelleme­nt en Europe associant opérateurs, intégrateu­rs, développeu­rs et start up à des acteurs de multiples secteurs d'activité préfiguren­t les priorités qui seront confirmées dans les années qui viennent. Ils illustrent néanmoins le potentiel de cette technologi­e pour stimuler l'innovation numérique.

Ne faisons pas de la 5G l'otage du légitime débat que nous devons avoir sur la transition énergétiqu­e.

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