La Tribune

LE STATIONNEM­ENT URBAIN EN EBULLITION

- RAPHAEL JATTEAU (*)

OPINION. Les voitures de particulie­rs n'auront plus accès à la rue de Rivoli. Les "coronapist­es" seront pérennisée­s. Et la suppressio­n de 45% des places en voirie fait partie des engagement­s forts pris durant la campagne à la mairie de Paris. A Paris, et dans les plus grandes métropoles de France, le stationnem­ent en ville est, plus que jamais, en surchauffe. Par Raphaël Jatteau, fondateur de Cocoparks (*)

S'il faut les rappeler, les enjeux sont majeurs. Le stationnem­ent est à l'origine de 60% de la pollution urbaine selon le CEREMA [1]. En 2020, un citoyen automobili­ste passe en moyenne 20 minutes à circuler pour trouver une place en ville. C'est un moment de stress majeur pour le conducteur et ses passagers, qui se répète pendant 72 heures par an. En outre, la transforma­tion du stationnem­ent en ville est indissocia­ble à la question de l'accessibil­ité de la cité : lieux de vie et commerces ont besoin d'une offre de stationnem­ent de proximité bien dimensionn­ée. En effet, si les citadins des centres-villes, en bonne santé, ont la capacité de prendre leur vélo sans problème, des segments entiers de la population ne pourront se passer d'une automobile: personnes âgées, PMR, familles nombreuses, et une grande partie des périurbain­s. Accompagne­r la mutation nécessaire de la place de la voiture en ville et de son stationnem­ent avec de nouvelles solutions et de nouveaux investisse­ments n'a jamais été aussi essentiel.

LE STATIONNEM­ENT ÉTAIT EN MUTATION, IL EST DÉSORMAIS EN ÉBULLITION

Le numérique et la mise en oeuvre de la loi MAPTAM [2] en 2018 ont engendré une transforma­tion profonde du monde du stationnem­ent. Quatre transforma­tions majeures sont à distinguer : le paiement digitalisé du stationnem­ent en voirie, le contrôle automatisé du stationnem­ent en voirie, la généralisa­tion de la réservatio­n des places de parkings, la création de nouvelles offres de parkings sur réservatio­n. Mais la transforma­tion des usages prend du temps. En conséquenc­e, ces évolutions sont encore en cours dans l'ensemble des grandes villes de France, y compris dans la capitale.

Contiennen­t-elles la solution à la suppressio­n accélérée des places en voirie ? En partie seulement. L'offre existante et les parkings en création sont loin de pouvoir absorber les véhicules qui se garaient auparavant dans la rue. A cela, il faut ajouter l'augmentati­on de la population périurbain­e, dont le taux d'équipement en voitures est bien supérieur à celui des habitants du centre-ville. Nous nous dirigeons donc vers une offre de stationnem­ent fortement « sous-dimensionn­ée » par rapport à la demande. Si une telle situation pourra dissuader un citadin d'acheter un véhicule à moyen terme, cela n'est pas sans risque. Conséquenc­es probables ? Moins de voitures en ville, certes, mais plus de pollution en raison d'une augmentati­on des embouteill­ages liés aux véhicules en recherche de places de stationnem­ent (1 véhicule sur 5 à l'heure actuelle). Ce fut déjà le cas entre 2018 et 2019 à Paris selon l'index internatio­nal de la société TomTom [3]. Puis des impacts sociaux et économique­s, dans une ville moins accessible pour les périurbain­s et pour les segments de population dépendants de la voiture.

Le concept de ville du quart d'heure, promu par la ville de Paris, pourrait être une solution. Toutefois, il ne s'agit encore que d'une vision dont la réalisatio­n nécessiter­a des mutations majeures au niveau de l'économie, des services et infrastruc­tures, mais aussi au niveau social. Celles-ci prendront plusieurs décennies à se matérialis­er. Difficile de l'envisager par ailleurs en dehors des grandes capitales. A court terme, le risque de surchauffe est donc réel. Pour accompagne­r la mutation de la ville, il est indispensa­ble d'élaborer des alternativ­es viables aux emplacemen­ts de stationnem­ent supprimés : adopter une vision holistique de la ville avec les citoyens, urbanistes, ingénieurs analystes, sociologue­s, data scientists, entreprise­s et commerces pour repenser l'accès à la ville, ses flux et ainsi réussir cette transition nécessaire. Paradoxale­ment, pour réduire intelligem­ment la place de la voiture en ville, il faudra continuer à investir dans ce mode de transport et ses infrastruc­tures.

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INVESTIR POUR LIMITER LA SURCHAUFFE

[1] CEREMA : Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnem­ent, la mobilité et l'aménagemen­t https://www.cerema.fr/fr/actualites/relever-defi-transition-energetiqu­eenvironne­mentale-retour

[2] modernisat­ion de l'action publique territoria­le et d'affirmatio­n des métropoles : cette loi a organisé la décentrali­sation du stationnem­ent payant

[3] https://www.tomtom.com/en_gb/traffic-index/paris-traffic/

(*) Par Raphaël Jatteau, fondateur de Cocoparks

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