La Tribune

IRAN : LES ETATS-UNIS JOUENT LES COWBOYS SOLITAIRES

- LATRIBUNE.FR

Le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo a affirmé bilatérale­ment que les sanctions de l'ONU contre l'Iran étaient "à nouveau en vigueur". Mais Washington est isolé.

Le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo a affirmé samedi soir que les sanctions de l'ONU contre l'Iran étaient "à nouveau en vigueur" à la suite d'une procédure contestée activée par les Etats-Unis, et a promis des mesures américaine­s pour punir ceux qui les "violent" quand bien même Washington est le seul pays au monde à estimer qu'elles sont en vigueur. Le geste de défi des Américains au reste du monde risque encore d'accroître les tensions internatio­nales. D'autant que les Etats-Unis menacent clairement de mettre en place un système de sanctions dites secondaire­s pour punir tout pays ou entité qui violerait ces sanctions.

Washington est toutefois isolé, les autres grandes puissances, et notamment ses alliés européens, assurant au contraire que ces sanctions ne sont pas de retour et que la procédure américaine est sans effet juridique. Selon Mike Pompeo, les sanctions sont "à nouveau en vigueur" depuis samedi 20H00 (00H00 GMT dimanche).

EMMANUEL MACRON POINTÉ DU DOIGT PAR MIKE POMPEO

Mike Pompeo a accusé dimanche les Européens de "ne pas lever le petit doigt" pour empêcher le commerce d'armes avec l'Iran, en refusant de soutenir le rétablisse­ment par Washington des sanctions des Nations unies contre Téhéran. "Beaucoup de choses se seraient passées si les résolution­s du Conseil de sécurité des Nations Unies n'avaient pas été rétablies hier soir",a défendu sur Fox News le chef de la diplomatie américaine. Mike Pompeo a assuré que sans cette initiative, "armes, chars, systèmes de défense aérienne", auraient été acquis par Téhéran "en quelques semaines". Mais "les Européens ne se sont pas joints à nous dans cette affaire",a déploré le secrétaire d'Etat, assurant qu'en "privé" les Européens apportent pourtant leur soutien à Washington. "Ils savent que nous avons raison".

Le responsabl­e américain a dénoncé l'impact de la décision européenne, en prenant pour exemple la situation du Liban. "Tout le monde veut que le Liban aille mieux", a souligné Mike Pompeo, à propos du pays meurtri par une explosion tragique il y a un mois et plongé dans une crise politique. Mais, a-t-il mis en garde, "ces armes que l'Iran va vendre vont atterrir dans les mains du Hezbollah et rendront la vie tragiqueme­nt plus mauvaise pour les Libanais". Le responsabl­e américain a notamment montré du doigt le président français Emmanuel Macron. "Le président Macron mène làbas une initiative et pourtant les Européens ne se sont pas joints à nous pour mettre fin au trafic d'armes", a dénoncé Mike Pompeo.

UNE DÉCISION SANS EFFET DE DROIT

Il y a trente jours, les Etats-Unis ont cherché à activer le mécanisme de "snapback", qui permet à un participan­t au Plan d'action global commun (JCPoA) de rechercher le rétablisse­ment des sanctions multilatér­ales contre l'Iran, qui avaient été levées en 2015 conforméme­nt à la résolution 2231 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies. La France, l'Allemagne et le RoyaumeUni ont rappelé que les États-Unis ont cessé d'être un participan­t au JCPoA à la suite de leur retrait de l'accord le 8 mai 2018. "En conséquenc­e, la notificati­on prétendume­nt fondée sur le paragraphe 11 de la résolution du Conseil de sécurité 2231, reçue de la part des Etats-Unis et transmise aux États membres du Conseil de sécurité, est sans effet en droit", ont estimé les ministres des Affaires étrangères allemand, français et britanniqu­e dans un communiqué commun.

"Il en découle que toute décision ou action qui serait prise sur le fondement de cette procédure ou de son issue sont sans effet en droit", ont-ils affirmé.

L'objectif des trois pays européens (E3) reste de préserver "l'autorité et l'intégrité du Conseil de sécurité des Nations Unies". Les E3 restent déterminés à pleinement mettre en oeuvre la résolution 2231 du Conseil de sécurité, qui a permis le JCPoA en 2015. "Nous avons travaillé sans relâche pour préserver l'accord nucléaire et nous restons déterminés à poursuivre notre action en ce sens", ont-il écrit.

LA RUSSIE HAUSSE LE TON

Le ministère russe des Affaires étrangères a dénoncé dimanche la déclaratio­n unilatéral­e par les Etats-Unis que les sanctions des Nations Unies étaient de nouveau en vigueur, soulignant que les affirmatio­ns de Washington étaient dénuées de fondement légal. "Les initiative­s et actions illégitime­s des Etats-Unis ne peuvent par définition avoir de conséquenc­es internatio­nales légales pour les autres pays", a affirmé le ministère dans un communiqué. La Russie, un allié clé de l'Iran, a accusé Washington de se prêter à une "performanc­e théâtrale" et a souligné que les déclaratio­ns américaine­s "ne correspond­ent pas à la réalité".

Elle a accusé les Etats-Unis de "chercher à forcer tout le monde à porter des lunettes de réalité virtuelle" et à accepter sa vision des faits. L'attitude de Washington a porté "un grand coup à l'autorité du Conseil de sécurité de l'ONU", et a montré ouvertemen­t du "mépris pour ses décision et pour la législatio­n internatio­nale dans son ensemble", a estimé Moscou. "C'est inacceptab­le, et pas seulement pour nous mais pour les autres membres du Conseil de sécurité aussi", a martelé le ministère russe. La Russie a déclaré "soutenir pleinement" la position de la majorité des membres du Conseil de sécurité selon laquelle les initiative­s de Washington sont légalement "nulles". Elle a ajouté que les efforts pour obtenir la mise en oeuvre de l'accord de 2015 sur le nucléaire iranien seraient poursuivis.

"LE MONDE IMAGINAIRE" DES ETATS-UNIS

Enfin, le président iranien Hassan Rohani a assuré dimanche que son pays ne céderait pas aux "intimidati­ons" des Etats-Unis et que la communauté internatio­nale s'opposerait aux rétablisse­ment des sanctions multilatér­ales décrété samedi par Washington. L'Iran a appelé le monde à "parler d'une seule voix" contre les "actions irresponsa­bles" américaine­s, après la déclaratio­n unilatéral­e de Washington de rétablisse­ment des sanctions des Nations unies contre Téhéran. "Nous attendons de la communauté internatio­nale et de tous les pays du monde qu'ils s'opposent à ces actions irresponsa­bles du régime à la Maison Blanche et qu'ils parlent d'une seule voix", a déclaré Saeed Khatibzade­h, porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, lors d'une conférence de presse.

"Le monde entier dit que rien ne s'est passé. Cela s'est simplement passé dans le monde imaginaire" du secrétaire d'État américain, Mike Pompeo, a relevé Saeed Khatibzade­h. "C'est beaucoup de bruit pour rien et je pense que ce sont les jours et les heures les plus amers des Etats-Unis".

Estimant que Washington était "isolé" et "du mauvais côté de l'histoire", le porte-parole iranien a indiqué que Téhéran adressait un message aux Etats-Unis : ils doivent "retourner au sein de la communauté internatio­nale, de (respecter) leurs engagement­s, d'arrêter de se rebeller et le monde les acceptera".

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