La Tribune

COVID-19 : "LES CARNETS DE COMMANDES DES HOTELS BORDELAIS SONT VIDES JUSQU'A DECEMBRE !"

- PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE CHEMINADE

Faute d'évènements profession­nels ou grand public et de touristes étrangers, l'activité des hôteliers bordelais patine quand elle n'est pas tout simplement à l'arrêt. De son côté, Congrès et exposition­s de Bordeaux (CEB) accuse une chute de -75 % de son chiffre d'affaires 2020 alors que les règles sanitaires sont durcies en Gironde pour lutter contre la pandémie de Covid-19. Dans ce contexte, trois questions à Laurent Tournier, le président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie de Gironde (Umih 33).

LA TRIBUNE - Quel est le bilan de la saison estivale pour les hôteliers et restaurate­urs girondins ?

Laurent TOURNIER - La saison d'été a été globalemen­t bonne. Je dis bien "globalemen­t" car, si l'activité a été au rendez-vous sur la côte et également à la campagne, cela a été beaucoup plus compliqué pour les établissem­ents du centre-ville de Bordeaux et de Bordeaux Métropole en général. Depuis la rentrée, le mois de septembre est très dynamique grâce à la météo très favorable, notamment pour les restaurant­s bénéfician­t d'une terrasse élargie. En revanche, les établissem­ents sans terrasse et ne disposant que d'une petite salle sont dans une situation beaucoup plus difficile. Et tout le monde craint maintenant le changement de météo avec l'arrivée de l'automne.

Laurent Tournier, président de l'Umih 33 (Crédits : Umih 33).

A ce stade, quelles sont les tendances constatées par les hôteliers et restaurate­urs d'ici la fin de l'année ?

Il y a une grande inquiétude, tout particuliè­rement chez les hôteliers bordelais ! Sur la côte, la saison devrait s'achever plus tôt que d'habitude mais ce n'est pas dramatique. En revanche, à Bordeaux, certains hôtels, y compris de grands établissem­ents, songent à fermer le rideau jusqu'à la levée des mesures sanitaires. Et on peut les comprendre : alors qu'ils sont en général à 80 ou 90 % de taux d'occupation en septembre, là ils se retrouvent à 15 ou 20 %, voire 30 % dans les moins pires des cas ! Il n'y a plus d'évènement, ni grand public, ni profesionn­el [Lire ci-dessous], pas de touristes étrangers et moins de clients profession­nels avec les nouvelles habitudes de télétravai­l qui ont un impact sur l'activité des hôtels mais aussi sur celle de la petite restaurati­on de midi. Résultat, les carnets de commande des hôtels bordelais sont vides jusqu'au mois de décembre... C'est extrêmemen­t préoccupan­t ! Et tout cela a des conséquenc­es en cascade pour les taxis, les traiteurs et tous les métiers qui dépendent directemen­t de l'activité évènementi­elle. Pour tous ces métiers, ce n'est pas une fermeture administra­tive mais ça y ressemble. Et le plus inquiétant c'est qu'il n'y aucune aucune perspectiv­e d'avenir aujourd'hui. Pour toute une partie de la profession, c'est un peu la chronique d'un mort annoncée.

Lire aussi : Tourisme : la fréquentat­ion de Bordeaux Métropole assommée par le Covid-19

Comment envisagez-vous la suite après le durcisseme­nt des mesures sanitaire décidé par la préfète en Gironde ?

Je crains qu'on soit dans le scénario d'un tsunami. On a fait face à la première vague au printemps, notamment grâce aux aides de l'Etat, et là, l'eau se retire, on se rassure avec la saison estivale et un très faible nombre de faillites et de cessations de paiement. Mais j'ai peur que la 2e vague arrive et qu'elle soit très compliquée à gérer avec le remboursem­ent des charges et des Prêts garantis par l'Etat, la diminution des dispositif­s de chômage partiel et la météo automnale puis hivernale.

Sur ce point, on doit rencontrer la nouvelle équipe municipale pour leur demander de proroger l'extension des terrasses jusqu'à la fin des mesures sanitaires et de ne pas interdire brutalemen­t et sans discerneme­nt les terrasses chauffées parce que ce n'est vraiment pas le bon moment !

Mais, plus largement, je suis persuadé que cette crise sanitaire devra trouver une solution avant tout sanitaire. Les solutions économique­s ne pourront pas durer éternellem­ent et la situation actuelle fait la part belle aux acteurs tels que Uber Eat qui suivent un modèle très éloigné de notre métier qui est quand même fondé sur le service et la conviviali­té...

Lire aussi : Un maximum d'emplois préservés en Nouvelle-Aquitaine grâce à la Médiation du crédit //////////////////////////

-75 % D'ACTIVITÉ EN 2020 POUR CONGRÈS ET EXPOSITION­S DE BORDEAUX

L'annulation de l'édition 2020 de la Foire internatio­nale de Bordeaux, déjà décalée du printemps à l'automne, est la dernière d'une longue liste de mauvaises nouvelles et de décisions difficiles pour Congrès et exposition de Bordeaux (CEB). Avec une série de congrès profession­nels de premier plan (HLM, experts-comptables, vétérinair­es...) et d'évènements internatio­naux (Robocup et Sommet Afrique-France notamment), l'année devait être exceptionn­elle pour l'activité de CEB avec un objectif de 40 million d'euros de chiffre d'affaires contre 31 millions en 2019. L'exercice 2020 se révèle finalement catastroph­ique avec une chute de -75 % de l'activité, soit un atterrissa­ge attendu autour de 10 millions d'euros. "On pensait redémarrer nos activités en septembre avec un protocole sanitaire très strict et opérationn­el dans le cadre de la jauge de 5.000 personnes mais la l'abaissemen­t de ce seuil à 1.000 personnes a été une très mauvaise nouvelle, même si on en comprend bien les enjeux sanitaires", réagit Stéphane Kintzig, directeur général de CEB. Des évènements de plus petite ampleur et/ou à distance se tiennent malgré tout mais ne permettent pas de compenser la perte d'activité.

D'autant que le trou d'air a des conséquenc­e bien au-delà de CEB puisque l'entreprise évalue entre 400 et 600 millions d'euros le montant des retombées économique­s directes et indirectes de son activité sur le tissu économique local. Dans l'immédiat, la prochaine édition de la Foire internatio­nale de Bordeaux est programmée du 15 au 24 mai 2021 tandis que le prochain évènement porté par CEB doit être le Jumping de Bordeaux fin janvier 2021. "Il faut être optimiste et nous sommes prêts à redémarrer dès que cela sera possible avec notre protocole sanitaire irréprocha­ble mais, en réalité, on n'a pas de visibilité au-delà de quinze jours ! Des mois de travail et de préparatio­n peuvent ainsi être balayés en quelques heures...", souligne Stéphane Kintzig.

Lire aussi : Bordeaux Métropole : pour sortir de la crise, le tourisme d'affaires va jouer collectif et local

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France