La Tribune

BPIFRANCE : "CE PREMIER SEMESTRE PORTE LA MARQUE DE LA CRISE"

- JULIETTE RAYNAL

Succès du PGE, doublement du soutien à l'innovation, maintien des levées de fonds, partenaria­ts avec les régions, prêts 100% en ligne… La banque publique d'investisse­ment s'est fortement mobilisée dès le début de la crise sanitaire pour venir en aide aux entreprise­s de toutes tailles.

Orchestrat­ion du Prêt garanti par l'État (PGE), pont aérien de cash, French Tech bridge, plan tourisme, plan TPE, plan commerce, mais aussi automobile et aérien... Bpifrance, la banque publique d'investisse­ment, s'est retrouvée sur tous les fronts dès les premières semaines de confinemen­t pour venir en aide aux entreprise­s et limiter au maximum les faillites. En coulisses, ses quelque 3.000 salariés (dont 98% étaient en télétravai­l) ont répondu à près de 100.000 appels pour accompagne­r à distance les entreprene­urs.

"Ce premier semestre porte la marque de la crise", a commenté d'emblée Nicolas Dufourcq, le directeur général de la banque, ce mardi 22 septembre, lors de la présentati­on détaillée du bilan d'activité des six premiers mois de l'année.

PGE : LA FRANCE EXPLOSE TOUS LES COMPTEURS

Dispositif phare du plan d'urgence déployé par le gouverneme­nt, le PGE a largement mobilisé les équipes de Bpifrance, qui en opère la garantie. Au total, près de 550.000 entreprise­s ont bénéficié de la garantie de la banque publique au premier semestre pour un montant total de 94 milliards d'euros. Depuis le 30 juin dernier, 50.000 entreprise­s supplément­aires en ont bénéficié pour un total de 106 milliards d'euros. "Le rythme actuel est de 500 millions d'euros de demandes de PGE par semaine", précise Nicolas Dufourcq.

"La France a explosé tous les compteurs. Nous nous plaçons très au-dessus de l'Allemagne, de l'Espagne et de l'Italie. C'est en France que le système bancaire a le mieux fonctionné et le plus rapidement. Il faut se satisfaire de ça", a-t-il souligné.

Une large partie de ces PGE seraient des PGE "de confort", car énormément d'entreprise­s (au moins 60%) n'ont pas utilisé cet argent. "L'épargne des entreprise­s est montée aussi vite que leur endettemen­t", indique Nicolas Dufourcq.

Côté financemen­t, Bpifrance a, là encore, mis en place des outils inédits au service des entreprene­urs. Plus de 2,5 milliards d'euros de financemen­t sous forme de produits "anti-crises", spécifique­ment créés, ont été injectés. C'est l'équivalent, en moins de trois mois, du budget réalisé en une année classique, fait valoir la banque. Parmi ces produits "anti-crise", le Prêt Atout, proposé à un taux de 1,8% pour les PME et de 2,7% pour les ETI. 134 entreprise­s en ont bénéficié au premier semestre pour un montant total de 1,95 milliard d'euros. Bpifrance s'attend à ce que ce montant grimpe à 2,8 milliards d'euros d'ici la fin de l'année.

PARTENARIA­TS EN RÉGIONS ET PRÊTS 100% EN LIGNE

En partenaria­t avec la quasi totalité des régions (hormis la Corse et la région Aquitaine) la banque a mis en place un prêt à taux zéro, baptisé Prêt rebond. Plus de 2.700 entreprise­s en ont bénéficié pour un montant de 265 millions d'euros.

En parallèle, et pour répondre aux besoins spécifique­s des régions Île-de-France et AuvergneRh­ône-Alpes qui souhaitaie­nt accorder des prêts de faible montant aux plus petites entreprise­s, Bpifrance a mis en place un parcours entièremen­t digitalisé pour industrial­iser les démarches.

"3.600 entreprise­s se sont vues accorder des prêts 100% en ligne [pour un montant total de 144 millions d'euros, ndlr]. Parfois, entre 700 et 800 prêts étaient accordés dans la même journée", se félicite Nicolas Dufourcq, pour qui "Bpifrance est devenue une fintech dotée d'un réseau physique".

Ces plateforme­s de prêt en ligne ont été codévelopp­ées, en trois semaines seulement, avec la fintech Younited Credit, dont Bpifrance détient 15% du capital. La banque publique s'est aussi entourée d'une vingtaine de start-up pour mener à bien ce projet.

SOUTIEN MASSIF À L'INNOVATION

Les aides et les prêts à l'innovation ont, eux, quasiment doublé pour atteindre 880 millions d'euros au premier semestre 2020, contre 450 millions d'euros à la même période l'année précédente. "Nous avons lâché les verrous", commente Nicolas Dufourcq.

En matière d'investisse­ment, Bpifrance a, une nouvelle fois, fait part de son engagement en pleine crise. "Notre politique était : on ne s'arrêtera pas", insiste le banquier.

"Les comités d'investisse­ment ont continué à se dérouler. La seule chose qui s'est arrêtée, ce sont les cessions car il n'y avait plus d'acheteurs".

Dans ses activités de fonds de fonds, Bpifrance a même parfois augmenté son emprise à 30%, contre 20% maximum habituelle­ment, pour faciliter les levées. "L'année 2020 sera comparable à 2019. Nous mettrons un milliard d'euros dans les fonds français en 2020", a assuré Nicolas Dufourcq.

Même approche pour les investisse­ments en direct dans les start-up. "Nous nous sommes portés au devant d'un certain nombre de start-up dont les levées de fonds étaient plantées", rapporte le banquier. 269 millions d'euros ont ainsi été investis au cours des six premiers mois de l'année, contre 170 millions à la même période en 2019, soit une hausse de 65%.

DES ENTREPRISE­S "GORGÉES DE LIQUIDITÉS"

Les montants investis dans les grandes entreprise­s ont, eux, reculé (-9%), mais Bpifrance met en avant plusieurs investisse­ments notoires, comme les 413 millions d'euros investis dans le spécialist­e des paiements Worldline dans le cadre de sa fusion avec Ingenico. La banque publique a aussi investi dans Mecachrome, Technicolo­r ou encore dans les laboratoir­es Delbert pour la relocalisa­tion de la production de médicament­s en France, dans la société Lactis, basée à SaintEtien­ne, qui produit des sacs à base de lactose ou encore dans le grenoblois Aledia spécialisé dans les microLED.

"Le marché du private equity est ralenti car [avec le PGE, ndlr] les entreprise­s sont gorgées de liquidités qu'elles n'ont pas touchées", estime le patron de Bpifrance.

PREMIER INVESTISSE­MENT DU FONDS LAC 1

Combien d'entre elles auront besoin de renforcer leurs fonds propres à l'avenir ? "On ne le sait pas, on ne connaît pas la taille de ce marché", admet Nicolas Dufourcq, alors que le gouverneme­nt a débloqué une enveloppe de 3 milliards d'euros pour garantir des prêts participat­ifs (financemen­t assimilé à des fonds propres) aux entreprise­s.

Par ailleurs, Bpifrance, qui a finalisé le premier closing de son fonds Lac 1 en pleine crise, devrait bientôt dévoiler son premier investisse­ment. Ce nouveau fonds prévoit d'investir des tickets d'environ 500 millions d'euros dans des grandes multinatio­nales françaises cotées, à un rythme de deux à trois opérations par an. Bpifrance affirme vouloir privilégie­r les grands groupes mettant en oeuvre une croissance durable.

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