La Tribune

PROFESSION­NELS DU FROID ET DU GENIE CLIMATIQUE: LES OUBLIES DU PLAN DE RELANCE ?

- LAURENT GUEGUAN ET JEAN-PAUL OUIN (*)

OPINION. Au moment où les pouvoirs publics dessinent les contours d'un vaste plan de relance, les profession­nels de la filière du froid et du génie climatique jugent encore plus inopportun de maintenir une taxe sur les HFC (HydroFluor­oCarbures). Par Laurent Guéguan, Président d'ADC3R et Jean-Paul Ouin, Délégué Général d'Uniclima (*)

En novembre 2018, la filière du froid et du génie climatique a pris des engagement­s formels auprès des conseiller­s à l'environnem­ent de l'Elysée, de Matignon et du Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire (MTES). Ces engagement­s volontaire­s visaient à réduire les émissions liées à l'usage des fluides HFC.

Ceux-ci, également appelés fluides frigorigèn­es, sont des substances utilisées dans les circuits de systèmes frigorifiq­ues. Leur intérêt principal réside dans le fait qu'ils peuvent s'évaporer à une faible températur­e sous pression atmosphéri­que, ce qui permet un transfert d'énergie produisant du chaud et du froid. On les retrouve ainsi dans les systèmes de production du froid (que ce soit dans les réfrigérat­eurs, congélateu­rs ou dans les systèmes de climatisat­ion), mais également dans les systèmes de production de chaud par pompes à chaleur.

La réfrigérat­ion est également un élément clé pour les agriculteu­rs, la santé et l'ensemble de la chaîne alimentair­e. En effet, le froid est nécessaire pour la conservati­on des aliments et pour éviter des pertes tout au long de la chaîne logistique allant du producteur au consommate­ur, en passant par les transports, les entreposag­es, la commercial­isation.

Presque deux ans après avoir pris ces engagement­s, les profession­nels du froid et du génie climatique peuvent être fiers d'eux, au regard du travail accompli et du chemin parcouru. Au global, l'engagement volontaire de l'ensemble de la filière a permis de réduire de près de 23% les mises sur le marché de fluides HFC, par rapport aux exigences du règlement européen F-Gas.

A ce jour, les alternativ­es aux fluides HFC disponible­s ne sont pas toutes satisfaisa­ntes, tant sur le plan écologique (applicatio­n, efficacité énergétiqu­e, bilan carbone, émissions directes...) que sur celui de la sécurité. Par ailleurs, alors que les énergies renouvelab­les se doivent d'être au coeur du « monde d'après », cette taxe nuirait au développem­ent des pompes à chaleur qui, par leur contributi­on aux objectifs de la transition énergétiqu­e et bas carbone de la France et de l'Europe, sont subvention­nées par des incitation­s publiques. Cela rendrait la situation d'autant plus paradoxale que la France deviendrai­t ainsi le premier pays au monde à taxer une solution de chaleur renouvelab­le, alors que l'ambition est justement de les développer à plus large échelle.

Il serait donc absolument contreprod­uctif d'instaurer une taxe sur les fluides HFC. Une taxe similaire avait été mise en place chez nos voisins espagnols, en 2015. Une telle mesure a non seulement entraîné une explosion des trafics illégaux de fluides HFC de l'autre côté des Pyrénées, mais a aussi et surtout conduit à la disparitio­n de la moitié des petites entreprise­s du secteur amenant les autorités espagnoles à réduire de 50% le montant de leur taxe pour en diminuer, en vain, les effets collatérau­x.

Une taxe sur les fluides HFC constituer­ait un véritable coup de grâce pour nos entreprise­s, qui s'efforcent de faire preuve d'exemplarit­é en matière environnem­entale.

Les efforts des profession­nels de la filière sont d'autant plus remarquabl­es que, pour atteindre leurs objectifs, ils comptaient sur un accompagne­ment de la part des pouvoirs publics, incluant notamment un Comité de suivi tripartite - composé de l'Etat, du Parlement et de la Filière -, un plan de prévention des fuites de fluides frigorigèn­es - sur lequel les profession­nels ont largement communiqué - ainsi que l'améliorati­on de la traçabilit­é et de la maîtrise de la quantité de fluides récupérés. A l'heure actuelle, ces mesures d'accompagne­ment demeurent encore en suspens.

Enfin, les profession­nels se sont investis pour accélérer la révision et la publicatio­n des normes européenne­s ou internatio­nales. Toutes ces raisons rendent les initiative­s des profession­nels encore plus significat­ives.

Au prix d'efforts considérab­les, les profession­nels du froid et du génie climatique ont donc rempli leur part du contrat. La réduction des émissions dues à l'usage des fluides HFC est en très bonne voie, et il appartient désormais aux pouvoirs publics de respecter leur engagement, et de renoncer à cette taxe.

-(*) Par Laurent Guéguan, Président d'ADC3R et Jean-Paul Ouin, Délégué Général d'Uniclima

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