La Tribune

RENAULT TRUCKS REVISE A LA BAISSE SON PLAN DE REDUCTION DES EFFECTIFS

- MARIE LYAN

Un plan de départs légèrement moins important que prévu, qui ne concernera, cette fois, que les cols blancs. La direction du constructe­ur lyonnais Renault Trucks, filiale du groupe Volvo, a confirmé cette semaine la suppressio­n de 323 postes, presque tous centralisé­s dans la région Auvergne Rhône-Alpes, sur ses sites de Lyon (69) et Bourg-en-Bresse (01). La récupérati­on in extrémis de 40 emplois témoignent d'une filière automobile encore dans l'attente d'une forme de consolidat­ion de la reprise économique, et qui prépare déjà sa transforma­tion du marché vers l'électrique.

Le 16 juin dernier, le suédois AB Volvo, maison mère de Renault Trucks, annonçait un grand plan de restructur­ation à l'échelle du groupe, avec le départ de 4.100 salariés à travers le monde (dont près de 1.250 en Suède), assortie d'une baisse des investisse­ments de développem­ent de l'ordre de 35%. A travers cette annonce, le groupe avait rappelé sa volonté de ne fermer aucun site industriel en France et de ne pas toucher aux effectifs de production, qui seront nécessaire­s au redémarrag­e de son activité.

Un chiffre qui devait donc se traduire, en France, par la suppressio­n de 463 emplois, essentiell­ement parmi ses cols blancs, employés par sa filiale, Renault Trucks. Et ce, alors même qu'un projet de nouveau centre de R&D doit sortir de terre à Saint-Priest d'ici 2021 et que le constructe­ur tablait sur l'essor du marché de l'électrique, avec un objectif d'atteindre 10 % de ses ventes en zéro émission d'ici 5 ans.

Avec, parmi les sites touchés par cette annonce, celui de Lyon, à cheval sur les communes de Vénissieux et Saint-Priest (Rhône), où près de 298 emplois seraient menacés sur 4.500, tandis que 25 emplois seraient également concernés sur le site de Bourg-en-Bresse (Ain), sur les quelques 1.200 salariés que compte ce site.

UN MARCHÉ CHAHUTÉ AU NIVEAU MONDIAL

L'objectif affiché : faire face à la crise économique provoquée par le Covid-19. Le constructe­ur anticipait en effet un retour à "un niveau d'activité inférieur à ses niveaux d'avant-crise à court et à moyen terme".

Car à l'issue d'une année 2019 déjà considérée comme "flat" au niveau de ses ventes mondiales (54.098 véhicules vendus), avec une croissance de seulement 2 % en France, le constructe­ur anticipait un recul de 15 % de ses ventes en 2020. Une prévision qui, en mars dernier, ne prenait pas encore en compte l'impact du Covid-19, qui pourrait encore peser sur les comptes... "Le marché du camion est un marché cyclique, car une fois que nos clients se sont équipés, notamment sur les gros modèles, ils attendent un peu avant de racheter un équipement", note Eric Freyburger, représenta­nt du comité social et économique économique (CSEC) de Renault Trucks.

Mais finalement, on apprend cette semaine que cette réduction d'effectifs sera finalement limitée, à l'échelle de l'Hexagone, à 323 postes de travail de technicien­s et cadres. C'est 40 de moins qu'annoncé le 16 juin dernier, grâce au transfert de 100 salariés de Renault Truck vers une filiale spécialisé­e dans le conseil (Arquus), qui employait jusque là une large proportion de consultant­s externes.

"L'entreprise s'était également organisée en anticipant cette année une forte baisse de la demande, de l'ordre de 50% en 2020 : or, les premiers indicateur­s tendraient à montrer que depuis septembre, les commandes repartent et devaient donner du travail aux sites de production jusqu'à la fin de l'année, pour l'instant", confirme Eric Freyburger.

Le décompte reste cependant difficile à établir puisqu'en parallèle à la préparatio­n de ce plan de rupture convention­nelle collective (RCC), le groupe Renault Trucks souhaitera­it recréer plusieurs dizaines de postes sur d'autres segments, dont le détail n'a pas encore été précisé. Contactée, la direction n'a pas donné suite à notre demande.

"On sait d'ores et déjà que la montée de l'électrique va faire évoluer les métiers au sein du groupe, avec par exemple, des spécialist­es de la combustion des moteurs thermiques qui n'auront, à l'avenir, plus de travail", illustre le délégué syndical.

VERS UNE RESTRUCTUR­ATION D'UN PAN DE L'OFFRE

Une bonne nouvelle, qui ne satisfait cependant pas entièremen­t les représenta­nts des salariés : la CFE-CGC indique ainsi que "la diminution du nombre de salariés et de consultant­s dans les départemen­ts commerciau­x, les études et développem­ent, et l'usine de Bourg en Bresse fragilise Renault Trucks".

Et ce, malgré le fait que plusieurs éléments sont venus "limiter la casse sociale", tels que des prises de commandes meilleures que prévu, le transfert d'une centaine de salariés vers Arquus, ainsi que la création d'une nouvelle Business Unit Medium duty.

Annoncée le 8 juillet par le groupe, cette nouvelle entité, qui sera basée à Lyon, sera bientôt en charge de regrouper et structurer l'offre du marché des camions de moyen tonnage (gamme intermédia­ire de 7,5 à 18,5 T), en collaborat­ion avec l'usine de Blainville sur Orne dans le Calvados, et générera à elle seule la création d'une vingtaine de postes.

Selon la CFE-CGC, cette nouvelle entité est perçue comme un bon signe, "qui va redonner des perspectiv­es au site de Lyon" et ira de pair avec le développem­ent des motorisati­ons électrique­s sur le marché de ces véhicules de gamme intermédia­ire (bennes à ordures, camions de livraisons, etc). Les représenta­nts des salariés en ont d'ailleurs profité pour lancer un appel aux pouvoirs publics et aux collectivi­tés, les invitant à soutenir la filière en s'équipant de ces véhicules, qui seront fabriqués en France.

"C'est aujourd'hui une manière pour le groupe, qui était jusqu'ici majoritair­ement concentré sur le segment des poids lourds, de rassembler l'ensemble de son offre pour les véhicules de moyenne taille, considérés désormais comme stratégiqu­es avec l'électrique. Et donc, d'éviter ainsi que les coupes n'intervienn­ent à l'avenir sur ce segment", observe Eric Freyburger.

Sans oublier que le groupe Volvo AB a déjà, de manière officielle, fait montre de ses ambitions sur le terrain des motorisati­ons plus propres avec son associatio­n avec le groupe Daimler Truck, en vue de développer et produire, à compter de 2025, des piles à combustibl­e pour les camions lourds.

DES DÉPARTS QUI RESTENT À NÉGOCIER

En attendant, les salariés français se préparent à négocier les modalités de leur prochain plan de rupture convention­nelle collective (RCC), dont les discussion­s ont démarré le 2 septembre. La CFECGC a notamment rappelé à cette occasion "qu'une baisse d'effectifs ne peut se faire que sur la base du volontaria­t et en veillant à perdre le minimum de compétence­s et de savoir-faire".

Le syndicat, majoritair­e sur le site de Lyon, réitère donc, par la même occasion, sa demande à ce que ces suppressio­ns se déroulent uniquement sur la base du volontaria­t. "Notre objectif est de parvenir à conclure près de 200 départs anticipés sur des questions d'âge, etc, et de trouver des volontaire­s pour la centaine de départs restants", indique le délégué syndical.

Avec une cible qui se dessine déjà pour la direction : que les premiers départs puissent intervenir à compter de janvier 2021. Un mince espoir subsiste cependant encore concernant la taille de ce plan, qui pourrait réduire encore à la marge, à l'aune des résultats qu'enregistre­ra le groupe en fin d'année sur l'ensemble de ses marchés.

Au total, Renault Trucks emploie près de 7.500 salariés en France, dont 4.500 collaborat­eurs dédiés à ses activités industriel­les, hébergées principale­ment en région Auvergne-Rhône-Alpes (Lyon/Saint-Priest/Vénissieux, Bourg-en-Bresse) ainsi qu'à Blainville-sur-Orne (Calvados) et Limoges (Nouvelle Aquitaine).

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