La Tribune

FAUT-IL CRAINDRE UN RETOUR DE L'INFLATION EN EUROPE ?

- LATRIBUNE.FR AVEC AGENCES

Les craintes d'un retour de l'inflation peuvent-elles gagner l'Europe, dans la foulée des inquiétude­s engendrées aux Etats-Unis par le plan de relance de Joe Biden? Aucun risque, estiment des économiste­s interrogés par l'AFP, pour qui l'enjeu sera surtout l'action de la Banque centrale européenne.

En janvier, l'inflation a bondi à 0,9% sur un an dans la zone euro, contre -0,3% en décembre, tirée par les prix des services ou des biens industriel­s dans le sillage de l'augmentati­on des cours des matières premières.

Après avoir fortement baissé en 2020, l'inflation devrait continuer de repartir cette année, dans la foulée de la reprise économique espérée avec la levée progressiv­e des restrictio­ns d'activité face à l'épidémie.

Et elle est de nouveau surveillée comme le lait sur le feu. Un mouvement qui vient des Etats-Unis, où elle atteignait 1,4% l'an dernier et où les investisse­urs s'attendent à la voir grimper en conséquenc­e du gigantesqu­e plan de relance à 1.900 milliards de dollars annoncé par Joe Biden.

Cela s'est reflété par une augmentati­on des taux d'intérêts sur les bons du Trésor américain à 10 ans, et dans la foulée de ceux des emprunts d'Etats de la zone euro. Jeudi, le taux d'emprunt à 10 ans de la France est même redevenu positif, après des mois en territoire négatif.

Ce n'est donc pas tant le risque d'une forte inflation qui suscite des inquiétude­s que le changement qu'elle pourrait induire dans les politiques monétaires des banques centrales américaine (Fed) et européenne (BCE).

La Fed pourrait en effet relever ses taux d'intérêt pour ralentir l'emballemen­t des prix et maintenir l'inflation autour de son objectif de 2%.

Son président Jerome Powell a rejeté dans l'immédiat l'éventualit­é d'une telle hausse, qui serait pénalisant­e pour la reprise économique puisqu'elle rendrait l'endettemen­t et l'investisse­ment plus coûteux.

Qu'en est-il de l'Europe? "Il n'est déjà pas évident que le plan de relance de Biden fasse beaucoup d'inflation aux Etats-Unis. Et pour l'Europe c'est hors sujet", estime Xavier Ragot, président de l'Observatoi­re français des conjonctur­es économique­s (OFCE). "Le montant des plans de relance européens ne génère absolument aucun risque inflationn­iste."

"AUCUN RISQUE DE SURCHAUFFE"

Le plan de relance de la Commission européenne est chiffré à 750 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent parfois des plans nationaux. "On a un plan de relance européen qui est instantané­ment moins fort (que le plan américain NDLR), et en plus une perte de croissance beaucoup plus importante, donc on n'a pas les mêmes risques de surchauffe qu'aux Etats-Unis", abonde Fabien Tripier, économiste et conseiller scientifiq­ue au Centre d'études prospectiv­es et d'informatio­ns internatio­nales (Cepii).

Le PIB américain a ainsi reculé de 3,5% l'an dernier, contre un plongeon de près de 7% en zone euro.

Il n'y a "aucun risque de surchauffe ou de reprise durable de l'inflation" dans la zone euro, a insisté cette semaine le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, également membre du conseil des gouverneur­s de la BCE

Par ailleurs, selon Xavier Ragot, une hausse des taux décidée aux Etats-Unis n'impliquera­it pas forcément une décision semblable de la BCE.

"Ca ne se passe pas comme ça en macroécono­mie", avance-t-il, citant l'exemple des politiques monétaires longtemps différente­s entre les Etats-Unis et le Japon, ou entre les Etats-Unis et l'Europe au début des années 2010.

"Avec la nécessité de conditions financière­s souples pour soutenir l'économie, la Banque centrale européenne (dont l'objectif est également de maintenir l'inflation autour de 2% dans la zone euro) ne réagira probableme­nt pas à un sursaut de l'inflation", estime aussi Jack Allen-Reynolds, économiste au cabinet Capital Economics.

La BCE veut "maintenir" des "conditions financière­s favorables" pour l'économie, a d'ailleurs assuré François Villeroy de Galhau.

Pour Fabien Tripier, l'institutio­n de Francfort devrait donner "un signal fort" aux acteurs de marchés, en disant que "ce n'est pas parce qu'il va y avoir une inflation à 1,5% ou 2,2% qu'il faut anticiper une hausse des taux de sa part".

Augmenter les taux, "c'est l'erreur faite par Jean-Claude Trichet en 2011 lorsqu'il était président de la BCE", et alors que l'économie européenne ralentissa­it, juge l'économiste. D'autant que dans un contexte d'Etats très endettés, un regain d'inflation serait une bonne nouvelle, en réduisant mécaniquem­ent le coût du remboursem­ent de leur dette.

La Banque centrale européenne (BCE) combattra toute augmentati­on importante des taux réels qui pourrait compromett­re la reprise économique de l'Union européenne, a déclaré jeudi Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE à l'agence de presse lettone LETA.

"Nous veillerons à ce qu'il n'y ait pas de durcisseme­nt injustifié des conditions de financemen­t. Une augmentati­on trop brutale des taux d'intérêt réels - ou ajustés de l'inflation - en raison de l'améliorati­on des perspectiv­es de croissance mondiale pourrait compromett­re la reprise économique. C'est pourquoi nous suivons de près l'évolution des marchés financiers", a déclaré Isabel Schnabel.

Elle a ajouté que si la croissance économique au premier trimestre pourrait être inférieure aux attentes de la BCE en raison des mesures de confinemen­t, le PIB annuel devrait être globalemen­t en ligne avec les attentes.

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