La Tribune

PLAN DE RELANCE : 26 MILLIARDS D'EUROS ENGAGES, COMBIEN REELLEMENT DEPENSES ?

- GREGOIRE NORMAND

Bruno Le Maire a annoncé que 16 milliards d'euros de crédits au titre du plan de relance avaient été engagés, auxquels il faut ajouter 10 milliards d'euros de baisse d'impôts de production. Les sommes effectivem­ent dépensées pourraient être moins élevées.

L'horizon économique est loin d'être dégagé. Près d'un an après l'arrivée du virus sur le territoire européen, le gouverneme­nt est empêtré dans une crise sanitaire et économique à rallonge. La mise en oeuvre de confinemen­ts locaux, l'accélérati­on des variants sur les chaînes de contaminat­ion et le fiasco de la campagne de vaccinatio­n freinent le redémarrag­e de l'économie tricolore. Dans ce contexte tendu, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire veut accélérer le déploiemen­t du plan de relance. Lors d'un point presse ce lundi matin, le locataire de Bercy a précisé ses ambitions pour cette année cruciale, sans réviser à la baisse les prévisions de croissance de l'exécutif.

"L'objectif est de relancer massivemen­t l'économie française. Nous avons commencé à déployer le plan de relance fin 2020. La situation sanitaire ne doit pas être un obstacle à l'applicatio­n du plan de relance. 40 milliards d'euros doivent être déployés cette année et nous gardons l'objectif de 6% de croissance. A la fin de l'année 2020, 11 milliards d'euros ont été déployés. L'objectif est d'accélérer le déploiemen­t en 2021. 16 milliards ont déjà été déployés au premier mars et il faut ajouter les 20 milliards d'euros de baisse d'impôt de production (pour 2021 et 2022). Cet argent déversé dans l'économie française donne des résultats sur le chômage des jeunes qui reste contenu, les ventes de véhicules électrique­s, l'ouverture de lignes SNCF."

26 MILLIARDS D'EUROS ENGAGÉS

Le prolongeme­nt de la crise sanitaire oblige sans cesse l'exécutif à jongler entre les mesures d'urgence et les mesures de relance depuis septembre 2020. Cette situation empêche les principaux leviers économique­s de redémarrer efficaceme­nt. Avec l'expérience, le gouverneme­nt a néanmoins changé de stratégie en mettant l'accent sur des mesures d'urgence sur les secteurs les plus secoués par la crise sanitaire et en instaurant un second confinemen­t au mois de novembre, moins strict que celui du printemps 2020.

Résultat, les pertes économique­s sont moins abyssales. En parallèle, l'équipe de Jean Castex ne veut pas perdre la main sur l'exécution du plan de relance qui s'annonce encore périlleuse cette année. Lors de sa présentati­on, le ministre de l'Economie a annoncé que 16 milliards d'euros avaient déjà été engagés concernant les trois principaux volets du plan de relance (écologie, compétitiv­ité et cohésion). A cela, s'ajoutent les 10 milliards de baisse des impôts de production programmés dans le budget 2021. "Nous sommes au dessus des objectifs" a-t-il assuré.

Derrière ces chiffres, il est nécessaire de distinguer les montants engagés et les sommes réellement décaissées. En effet, des pluies de milliards sont régulièrem­ent annoncés par l'entourage du Premier ministre sans vraiment de précision sur les sommes effectivem­ent dépensées. Si la plupart de ces montants sont inscrites dans les textes budgétaire­s, il s'agit souvent d'autorisati­ons d'engagement mais pas forcément de crédits de paiement. A titre d'exemple, le gouverneme­nt avait annoncé au 31 décembre 2020 que 11 milliards d'euros avaient été engagés mais 9 milliards d'euros ont été décaissés selon les chiffres communiqué­s récemment par Bercy.

En outre, cette enveloppe des 26 milliards est la somme de baisse d'impôts de production, de subvention­s, de dotations aux collectivi­tés ou des primes à l'apprentiss­age. Or, tous ces dispositif­s sont loin d'avoir les mêmes répercussi­ons macroécono­miques. Faire de la relance économique par des baisses d'impôt risque de surprendre beaucoup d'économiste­s keynésiens. Enfin, certains dispositif­s comme les territoire­s d'industrie ou le plan hydrogène qui sont compilés dans le plan de relance étaient déjà programmés bien avant la crise sanitaire.

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UN PLAN DE RELANCE "BIEN CALIBRÉ" SELON LE MINISTRE

Le débat sur la taille du plan de relance monte en puissance. La gravité de la crise économique et les effets d'hystérèse (persistant­s) sur le tissu productif et la population active régulièrem­ent rappelés par les économiste­s ont amené plusieurs organisati­ons et centres de recherche à appeler à une amplificat­ion du plan de relance. Dernièreme­nt, le haut commissair­e à la relance François Bayrou dans une note controvers­ée a proposé "un plan de reconquête" de l'ordre de "450 à 600 milliards d'euros sur trois ou quatre années". A la fin du mois de janvier, l'Observatoi­re français des conjonctur­es économique­s (OFCE) a proposé un doublement de l'enveloppe globale dans le contexte des taux bas.

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De son côté, le ministre de la Relance a balayé d'un revers de main ces suggestion­s. "Le vrai défi pour l'Europe est de décaisser rapidement son plan de relance. Le plan de relance français et le plan de relance européen sont bien calibrés. La clé, c'est le calendrier. La stratégie doit se concentrer sur la rapidité de décaisseme­nt du plan de relance. Le décaisseme­nt du plan de relance européen est trop lent."

REDÉPLOIEM­ENT DES CRÉDITS

Le plan de relance parfois critiqué par sa stratégie de "saupoudrag­e" fait l'objet d'un rééquilibr­age. En effet, certains programmes fonctionne­nt bien mieux que d'autres. Pour tenter d'améliorer l'efficacité de certains dispositif­s, le gouverneme­nt a mis en oeuvre des redéploiem­ents de crédits. Bruno Le Maire a annoncé ce lundi matin qu'un milliard d'euros de crédits avait été redéployé en faveur de certains programmes.

La relocalisa­tion des secteurs industriel­s critiques sera dotée de 250 millions d'euros supplément­aires, soit une enveloppe globale de 850 millions, tandis que le dispositif Territoire­s d'industrie, qui verse des subvention­s pour des investisse­ments industriel­s, bénéficier­a de 150 millions d'euros en plus des 400 millions prévus. Enfin, le financemen­t de la numérisati­on des petites et moyennes entreprise­s industriel­les voit son enveloppe passer de 280 millions à 880 millions d'euros, a détaillé le ministre.

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UNE MONTAGNE D'ÉPARGNE À MOBILISER

La pandémie a entraîné un surcroît d'épargne chez les Français estimé à environ 200 milliards d'euros en 2020 selon de récents chiffes de la Banque de France. Actuelleme­nt, Bercy planche sur diverses pistes de travail pour mobiliser cette manne financière et aider à relancer l'économie. Si certains économiste­s comme Philippe Aghion, proche d'Emmanuel Macron, plaide pour la mise en place d'une fiscalité exceptionn­elle, Bruno Le Maire a écarté d'emblée cette idée.

L'autre défi est d'inciter les Français à mobiliser les 200 milliards d'euros de l'épargne. Il n'y aura pas de hausse d'impôt sur les ménages français. J'écarte définitive­ment toute taxation de l'épargne des Français. Il faut également avoir une stratégie claire sur le remboursem­ent de la dette. Nous travaillon­s à des incitation­s sur les Français pour qu'ils dépensent cette épargne."

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