La Tribune

« LA QUESTION DES RELOCALISA­TIONS NECESSITE BIEN PLUS QU'UN MILLIARD D'EUROS », JEAN-HERVE LORENZI

- PROPOS RECUEILLIS PAR MARGAUX FODERE

Alors que le Cercle des économiste­s publie un cahier sur l'avenir de l'industrie, son fondateur, Jean-Hervé Lorenzi, revient sur le plan de relance et l'incertitud­e qui règne sur la reprise.

Pour accompagne­r le retour de l'industrie en France, le gouverneme­nt a décidé de consacrer 1 milliard d'euros du plan de relance aux relocalisa­tions. Un débat qui a agité le Cercle des Économiste­s et ses invités lors de la remise d'un rapport sur le sujet.

LA TRIBUNE - Le plan de relance consacre 1 milliard d'euros à la relocalisa­tion d'activités industriel­les en France. Qu'en pensez-vous ?

JEAN-HERVÉ LORENZI - Ce n'est pas assez, évidemment. Mais il faut distinguer deux sujets très différents. D'une part, il y a la question des relocalisa­tions qui nécessite bien plus qu'un milliard d'euros. Or, les relocalisa­tions ne peuvent pas résoudre la situation de l'industrie à elles seules. Il faut aller plus loin et réindustri­aliser le pays. Pour cela, il est indispensa­ble de repérer les secteurs dans lesquels nous avons la capacité de booster des technologi­es que nous connaisson­s déjà. Mais aussi de canaliser l'épargne des Français vers ces secteurs innovants. Et encore une fois, cette politique nécessite plusieurs milliards d'euros.

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Justement, le volet « hydrogène » du plan de relance rentre-t-il dans cette réindustri­alisation ?

Non au sens strict, la filière hydrogène touche à des activités différente­s : elle fait appel à la recherche fondamenta­le et à l'innovation technologi­que. Et ces deux étapes intervienn­ent avant le développem­ent-produit, réalisé dans l'industrie. Bien au contraire, cela ne les rend pas moins important.

Cela dit, il faut rappeler que la France est en retard sur le développem­ent de cette filière. En effet, elle n'investit que 2,5% de son PIB à la recherche fondamenta­le, ce qui est moins que la moyenne de 3% chez ses voisins européens. Surtout, le plan de relance ne consacre que 2 milliards d'euros à l'hydrogène, soit 7 milliards de moins que l'Allemagne. La France ne fait pas assez sur ce sujet d'avenir.

Alors que la pandémie a entrainé une pénurie de matières premières, la mise en place du plan de relance pourrait-elle être freinée par de l'inflation ?

Là encore, il faut distinguer les problèmes. Tout d'abord on peut observer une hausse des prix, poussée par un déséquilib­re entre l'offre et la demande, dans certains secteurs d'activité. C'est ce qui se passe par exemple face à la pénurie de composants dans l'automobile. Mais pour le moment, ce mécanisme ne s'étend pas au reste de l'économie. Pour rappel, l'inflation se crée lorsque la hausse des prix entraine une hausse des rémunérati­ons qui se répercute à son tour sur les prix : c'est un phénomène de course-poursuite. Et aujourd'hui, il n'y a pas de déséquilib­re sur le marché du travail, donc l'inflation ne reviendra pas à court terme.

Cependant, à long terme, la combinaiso­n d'un début de démondiali­sation, les mouvements de relocalisa­tion et la prise en compte d'enjeux environnem­entaux pourraient pousser les prix à la hausse.

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Face à ces défis, comment faut-il accompagne­r la reprise en France ?

Personne ne peut prédire avec sérieux la manière dont la crise va se terminer et l'impact qu'elle aura sur l'activité économique. Toutefois, un scénario fait consensus : quand toute la population sera vaccinée, on pourrait avoir un redémarrag­e de la croissance en V. Concrèteme­nt, après une forte accélérati­on, la hausse de l'inflation et des taux d'intérêt viendra impacter la courbe de la relance. Il est donc essentiel de réfléchir d'ores et déjà à l'ensemble de ces problèmes.

Mais quoiqu'il arrive, ces prévisions ne se réaliseron­t pas avant deux ou trois ans. N'oublions pas que les reprises post-crise sont toujours très longues : après la crise de 2008 par exemple, il a fallu cinq ans à la zone euro pour retrouver le niveau d'activité de 2007, et trois ans aux États-Unis.

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