La Tribune

TESTS COVID : LE CASSE-TETE DES FRONTALIER­S MOSELLANS

- OLIVIER MIRGUET, A STRASBOURG

Tous les voyageurs en provenance de Moselle doivent désormais présenter un test Covid négatif à l'entrée sur le territoire allemand. Les travailleu­rs frontalier­s et les enfants scolarisés de l'autre côté de la frontière n'échappent pas à la règle.

Les restrictio­ns à la circulatio­n des personnes qui s'imposent depuis mardi 2 mars à la frontière entre la Moselle et l'Allemagne vont mettre les nerfs des frontalier­s à rude épreuve. Depuis ce matin, toute personne se rendant depuis la Moselle en territoire allemand doit présenter un test de dépistage négatif au Covid réalisé moins de 48 heures avant le voyage, et effectuer une déclaratio­n électroniq­ue d'entrée sur le territoire. "C'est une situation invivable et elle me met en colère", s'emporte Christophe Arend, député (LREM) de Moselle et vice-président de l'assemblée parlementa­ire franco-allemande.

Ce "serrage de vis" de l'administra­tion allemande était pourtant prévisible. Le 12 février, le ministre de la Santé Olivier Véran a effectué un déplacemen­t médiatisé à Metz, à la rencontre des élus et des autorités sanitaires dans ce départemen­t dont les données statistiqu­es sanitaires semblaient échapper à la gouvernanc­e locale. Vendredi dernier, l'Institut Robert Koch, organe du gouverneme­nt fédéral en matière de biomédecin­e, a classé le territoire de la Moselle parmi les zones à risque.

DIALOGUE DE SOURDS FRANCO-ALLEMAND

Dans le Grand-Est, cette décision a ravivé les mauvais souvenirs du printemps 2020, quand les frontières avec l'Allemagne avaient été fermées pendant plusieurs semaines lors de la première vague de l'épidémie. "Je croyais que c'était réglé, qu'on ne reviendrai­t plus à une telle situation. Le sujet nous est retombé dessus", déplore aujourd'hui Jean Rottner, président (LR) du Conseil régional du Grand-Est. Lundi soir, les élus locaux des deux côtés de la frontière ont réuni en urgence leur conseil consultati­f transfront­alier, en présence (à distance) de Markus Kerber, secrétaire d'Etat au ministère fédéral de l'Intérieur et de Clément Beaune, secrétaire d'Etat français aux affaires européenne­s. Les échanges rapportés par le côté français relèvent du dialogue de sourds. "Berlin a élaboré un narratif totalement erroné de la situation sanitaire en Moselle", juge Christophe Arend.

Dans les mouvements de travailleu­rs entre le territoire lorrain et les pays voisins, le poids relatif de l'Allemagne est inférieur à celui du Luxembourg. 100.000 Français occupent un emploi au GrandDuché, contre 16.000 en Sarre et quelques milliers en Rhénanie-Palatinat. Les emplois frontalier­s en Allemagne se concentren­t chez des acteurs majeurs de l'industrie : l'aciérie Dillinger Hütte, l'équipement­ier automobile ZF à Sarrebruck, le constructe­ur Ford à Sarrelouis. 1.000 jeunes mosellans fréquenten­t aussi des écoles et des lycées en Allemagne. "On ne sait pas comment ils vont être testés, ni à partir de quel âge ils devront être testés", reconnaît Jean Rottner.

DES FRONTALIER­S EN COLÈRE

"Rares sont les régions à être autant marquées par la vie et le travail transfront­aliers que celle située entre la Sarre et la Moselle. J'ai donc accepté les mesures, à la seule condition qu'il n'y ait pas de nouveaux contrôles à la frontière", a concédé Heiko Maas, ministère fédéral des Affaires étrangères, originaire de la Sarre, après la décision fédérale d'imposer de nouvelles contrainte­s à ces déplacemen­ts locaux. En Moselle, la décision allemande génère la colère. "Tous les travailleu­rs frontalier­s devraient se mettre en arrêt. C'est une situation invivable pour eux", juge une internaute sur la page Facebook du député Christophe Arend, transformé­e depuis ce week-end en forum où s'expriment les mécontents. De part et d'autre de la frontière, les élus pointent une décision venue de Berlin. "Les échanges en conseil consultati­f transfront­alier ont été rudes. Les Allemands eux-mêmes, élus de la Sarre et de Rhénanie-Palatinat, se plaignent de la méthode employée par Berlin", confirme Jean Rottner. Certains élus pointent aussi, à demi-mot, le contexte électoral allemand avec des élections régionales à venir le 14 mars et les élections fédérales législativ­es en septembre.

Les retombées économique­s des nouvelles mesures allemandes de lutte contre l'épidémie ne sont pas encore chiffrées. "La conséquenc­e, c'est du chômage partiel à venir chez les industriel­s qui emploient des frontalier­s", anticipe Christophe Arend. Cette perspectiv­e ravive d'autres craintes, liées à la double imposition de certains travailleu­rs frontalier­s. "La double imposition des travailleu­rs est interdite", rappelle Christophe Arend. "Mais depuis 2015, l'administra­tion allemande a fait basculer les travailleu­rs placés au chômage partiel dans une autre catégorie fiscale. Elle effectue un prélèvemen­t illégal sur leurs indemnités. La France continue de prélever leur impôt sur le revenu. Résultat, avec 64 % d'indemnités de chômage partiel et un double prélèvemen­t, ils perdent la moitié de leurs revenus", explique-t-il.

L'INCONNUE DES CONTRÔLES À LA FRONTIÈRE

En Moselle, l'administra­tion dénombre 37 points de passage "officiels" vers la Sarre. L'Allemagne n'a pas instauré de contrôles systématiq­ues aux frontières. Mais des contrôles effectués un peu plus loin ont déjà entraîné des bouchons. Des moyens fédéraux sont attendus en renfort pour effectuer ces contrôles, comme au printemps 2020. "La France dit que c'est une décision allemande, que c'est aux Allemands de tester", rappelle Jean Rottner. "Mais les laboratoir­es et les pharmacies en Moselle sont totalement dépassés parce que tout le monde veut son test et son certificat pour aller travailler. Nous allons voir si nous pouvons aider à renforcer le dispositif", propose le président du Grand-Est. Un centre de tests bi-national est opérationn­el depuis le début de cette semaine à la frontière entre Forbach et Sarrebruck, sur le lieu-dit Goldene Bremm, l'un des principaux points de passage des travailleu­rs frontalier­s. Les autorités sarroises y tablent sur 1.600 tests quotidiens.

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