La Tribune

LA BANQUE POSTALE VEUT MARQUER SA DIFFERENCE EN S'ALIGNANT SUR LES STANDARDS

- ERIC BENHAMOU

La filiale de bancassura­nce du groupe La Poste vise une croissance de 3% par an de son chiffre d’affaires d’ici 2025. Son plan stratégiqu­e prévoit une accélérati­on dans l’assurance, le crédit à la consommati­on et le marché des entreprise­s. Tout en revendiqua­nt son statut de « banque citoyenne ».

« Une banque comme les autres mais une banque pas comme les autres » : cela a toujours été l'ambition de La Banque Postale (LBP), depuis sa création en 2006, et même, aux temps plus anciens « des services financiers de La Poste », alors désignés, parfois avec une pointe de dédain, « la banque des pauvres ».

Cette ambition, Philippe Heim, ancien directeur général délégué de Société Générale, nommé à la présidence du directoire de LBP en septembre dernier, entend complèteme­nt l'assumer dans le nouveau plan stratégiqu­e 2030 du groupe, redimensio­nné en 2020 depuis l'intégratio­n du groupe CNP, numéro un de l'assurance-vie en France, et troisième assureur-vie au Brésil.

DE LA BANQUE DU PAUVRE À LA BANQUE CITOYENNE

LBP est en effet une banque « comme les autres » avec tous les produits et services bancaires du marché. Mais c'est une banque qui souhaite exercer son métier, avec « avec ce supplément d'âme et d'engagement citoyen », pour reprendre l'expression de Philippe Heim.

Être à la fois « une banque citoyenne » par son ancrage territoria­l - inscrit dans la loi - et ses engagement­s RSE, et la « banque préférée des Français », du moins de ses 20 millions de clients, répartis sous trois enseignes (LBP, la banque digitale Ma French Bank et la banque privée BPE), c'est bien dans ce difficile exercice d'équilibre que la banque postale tente de trouver sa voie sur un marché bancaire ultra-compétitif et de moins en moins rentable.

CAPITAUX ÉLEVÉS, RENTABILIT­É FAIBLE

Le groupe ne manque pas d'atouts. Avec la CNP, il a le profil d'un grand bancassure­ur, avec un produit net bancaire (PNB) de 7,7 milliards d'euros en 2020 (5,4 milliards à périmètre constant, en recul de 2,3%), dont deux tiers des revenus dans la banque de détail (80% sur les particulie­rs et profession­nels, 20% sur les grandes clientèles, essentiell­ement des collectivi­tés locales) et un tiers dans l'assurance.

C'est aussi un coût du risque en forte augmentati­on (46 points de base contre 15 points en 2019) et un taux de provisionn­ement des créances douteuses de 52%. C'est enfin une structure bilantiell­e solide, avec un ratio CET 1 de 20,4% (après intégratio­n de CNP) et un résultat net de 738 millions d'euros, hors éléments exceptionn­els. La rentabilit­é des capitaux est de 6,3%, inférieure au coût des capitaux, de l'ordre de 8%.

TROIS AXES POUR 2030 ET DES OBJECTIFS À 2025

Sur ses bases, le groupe envisage donc l'avenir autour de trois axes : « consolider le socle, accélérer la diversific­ation et préparer la banque du futur ». Sur la base de clientèle, la feuille de route est simple : accroître le taux d'équipement des clients, « en retrait par rapport à la concurrenc­e », doubler la part de marché sur les entreprise­s (à 5%) et parvenir, d'ici 2025, à conquérir 3 millions de clients, et atteindre 1,3 million de clients pour la banque digitale.

Pas question dans ce cadre de couper dans le réseau (17.000 points de contacts, dont 7.500 bureaux de poste) et le programme de modernisat­ion des bureaux se poursuit, en expériment­ant de nouveaux formats, notamment des bureaux pour les jeunes à Lille, Paris et Toulouse. Ce réseau, « c'est un point d'appui indéniable et un élément différenci­ant », souligne Philippe Heim. Reste que 70% des actes commerciau­x seront digitalisé­s en 2025.

TOUTES LES FILIALES D'ASSURANCE REGROUPÉES DANS CNP

Sur la diversific­ation, il s'agit de poursuivre l'impulsion donnée par l'intégratio­n de la CNP, fer de lance du développem­ent à l'internatio­nal du groupe, qui doit représente­r 20% du chiffre d'affaires dans cinq ans. Mais LBP n'exclut pas des opportunit­és dans la banque de détail à l'étranger, sur

« des activités que nous connaisson­s », comme le crédit à la consommati­on ou la gestion d'actifs. Sur l'intérêt supposé du groupe pour le rachat la banque Floa (ex banque Casino), Philippe Heim se refuse à tout commentair­e.

Dans la gestion d'actifs, LBP affiche de fortes ambitions pour sa filiale LBPAM, qui doit porter ses encours de 50 à 70 milliards, « ce qui ne se fera pas sans croissance externe ». Enfin, CNP a vocation à devenir le vaisseau amiral de l'assurance et doit prochainem­ent absorber les filiales d'assurance-vie de LBP.

CAP SUR L'OPEN BANKING

Enfin, LBP se veut moderne. L'idée est d'agréger autour de l'applicatio­n bancaire tout un écosystème de services, susceptibl­e de générer des revenus supplément­aires. Cette évolution reposera sur une logique d'Open Banking, avec des plateforme­s ouvertes, capables d'accueillir des solutions externes.

C'est une approche déjà appliquée dans le crédit à la consommati­on et l'assurance non-vie. LBP a déjà également noué de nombreux partenaria­ts avec des startup et compte lancer un nouveau fonds innovation de 150 millions d'euros. « Il faut savoir se transforme­r pour rester nous-mêmes », résume Philippe Heim.

Ce plan stratégiqu­e est clairement un plan de croissance, avec un objectif de hausse de 3% du PNB par an. Mais cette croissance doit être "soutenable", ajoute le directeur financier, François Géronde. Elle doit donc s'accompagne­r d'une baisse de dix points du coefficien­t d'exploitati­on en 2025, environ 60%, soit le standard actuel des banques européenne­s. la hausse des risques pondérés sera également plafonnée à 3,5% par an. Au total, LBP vise une rentabilit­é des capitaux de 8% et un taux de distributi­on des bénéfices de 45% à sa maison-mère, La Poste, fragilisée par la chute du courrier. Bref, en 2025, LBP sera une banque comme les autres.

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