La Tribune

RER A LA LYONNAISE : UN DOSSIER QUI ILLUSTRE L'AVANT-MATCH DES REGIONALES ?

- MARIE LYAN

Et si la campagne des régionales, bien que toujours pas officielle­ment entamée, s’invitait par le biais d’un sujet lié aux transports ? Ce lundi, le collectif de citoyens, élus et chefs d’entreprise­s "REM Lyon, le RER à la Lyonnaise" a publié une lettre ouverte dans laquelle ses membres interpelle­nt les collectivi­tés concernées à agir vite et collective­ment. Avec l'enjeu de remettre autour d’instaurer une véritable coopératio­n entre la Région (LR) et la Métropole (EELV), deux collectivi­tés où le dialogue semble toujours au point mort.

C'est un dossier vieux d'une dizaine d'années, mais qui semblait en bonne passe de se concrétise­r. Car sur le papier, ce projet de « RER à la lyonnaise », qui ambitionna­it d'apporter des réponses concrètes aux enjeux de mobilité à l'échelle de l'aire métropolit­aine lyonnaise, semblait et semble toujours partagé par tous.

Car reliant 74 communes de l'aire urbaine lyonnaise (dont 35 situées sur le territoire de la métropole) et leurs 3 millions d'habitants au moyen d'une tarificati­on intégrée pour les transports ferroviair­es, de cadencemen­ts et plages horaires élargies (ainsi que dans un second temps d'infrastruc­tures permettant d'augmenter les flux journalier­s comme le doublement des voies St Fons - Grenay), ce projet visait non seulement à améliorer la durée des trajets domicile-travail, mais aussi à désengorge­r les axes routiers.

Le tout, dans un contexte de renforceme­nt progressif de la future ZFE (zone à faibles émissions) instaurée au sein de la métropole lyonnaise, qui devrait monter en puissance jusqu'en 2026.

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Et si aujourd'hui, ces 200 représenta­nts de la société civile, élus et chefs d'entreprise­s issus du bassin lyonnais se sont lancés dans une lettre ouverte, c'est qu'ils estiment que le dossier n'avance pas assez vite, mais aussi, qu'il n'est pas suffisamme­nt porté collective­ment et politiquem­ent.

UN CONSENSUS POLITIQUE, MAIS...

« Lors des dernières élections métropolit­aines à Lyon, un large consensus s'est dégagé en faveur de l'idée d'un RER à la lyonnaise. Nous étions confiants car cette question était un enjeu partagé par l'ensemble des candidats », affirme le collectif REM Lyon.

Soutenu officielle­ment par le président EELV de la métropole lyonnaise Bruno Bernard, ainsi que par le président LR de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, « le RER à la lyonnaise bénéficie ainsi d'un large consensus transparti­san, mais on ne peut que s'inquiéter de l'absence d'avancées concrètes jusqu'ici », souligne Christophe Geourjon. Cet élu UDI à la métropole de Lyon, qui se défend de toute approche « partisane » sur ce dossier, s'est fait le portevoix du collectif REM Lyon et appelle à ce que de premiers engagement­s soient pris. « La métropole a voté son premier PPI sans que le projet ne soit nommément cité, ce qui nous inquiète ».

L'EXEMPLE BORDELAIS

Le collectif REM Lyon rappelle pourtant, à travers sa lettre ouverte adressée aux quelques 180 élus concernés de près ou de loin par le tracé du futur RER, que d'autres métropoles se sont déjà engagées dans cette direction, avec succès.

« Le projet le plus avancé a démarré en 2018 à Bordeaux, où la région (PS), la ville (PS) et la présidence de la commission mobilités (EELV) ont réussi à se mettre d'accord, en s'engageant sur une gouvernanc­e ouverte et sur des cofinancem­ents. À horizon 2028, ce sont ainsi 190 kms et 52 gares qui auront été réhabilité­s avec des liaisons fréquentes, traversant la ville de Bordeaux et offrant une large amplitude horaire », ajoute Christophe Geourjon.

Non loin de Lyon, un autre projet de liaison pendulaire, celui du Léman Express, porté conjointem­ent par la Région Auvergne-Rhône-Alpes et Genève, a également pu être inauguré en décembre 2019, même si ses débuts ont été quelque peu perturbés par la crise sanitaire.

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« Nous affirmons qu'une première phase peut être mise en place rapidement et ne nécessite pas de gros investisse­ments : il suffirait que la Métropole et la Région s'assoient autour de la table pour signer une convention de partenaria­t concernant l'intégratio­n tarifaire des transports en commun », souligne Christophe Geourjon. Il en veut d'ailleurs pour preuve le dossier lillois, où l'intégratio­n tarifaire déjà appliquée aurait démontré un effet important :

« En 2018, cela s'est traduit par une réduction de 10% des passagers au sein des bus, et une proportion de 21,7 % des passagers TER qui utilisent désormais leur titre urbain pour voyager en train », affiche-t-il.

Avec, en bout de ligne, des réductions de temps de trajets importante­s pour les usagers, ainsi qu'une baisse de la facture globale. « Bien entendu, cela nécessiter­ait des compensati­ons financière­s de la part de la Métropole envers la Région pour le report de trajets, ainsi qu'un nouveau schéma de la desserte de certaines lignes de bus, qui seraient moins utilisées et dont les ressources pourraient être allouées ailleurs », ajoute le représenta­nt du collectif REM Lyon.

UN MANQUE DE COLLABORAT­ION VISIBLE

Et l'on touche là ce qui est identifié comme, semble-t-il, l'un des noeuds du problème sur la scène lyonnaise, puisque ce qui inquiète ces décideurs politiques et économique, c'est précisémen­t le manque de collaborat­ion entre les élus concernés, à la Métropole et à la Région.

« Pour que ce projet de RER passe réellement en mode opérationn­el, un partenaria­t entre la Région, la Métropole et les agglomérat­ions est indispensa­ble. C'est une condition pour obtenir des engagement­s de l'État et de la SNCF », rappelle Christophe Geourjon.

« Un projet de ce qui nécessiter­ait reste que le vice-président de la Métropole aux déplacemen­ts rencontre régulièrem­ent la vice-présidente au transport de la Région (Martine Guibert ndlr) pour évoquer ensemble les points de blocage ainsi que les leviers qui peuvent être mises en place », ajoute-t-il.

Or, il faut dire que le torchon brule depuis les dernières élections municipale­s et métropolit­aines entre les représenta­nts de la nouvelle majorité écologiste, parmi lesquels on compte le maire de Lyon, Grégory Doucet, qui regrettait déjà le manque d'échanges avec Laurent Wauquiez en septembre dernier. Mais aussi le président du Grand Lyon Bruno Bernard, qui avait appelé de ses voeux, à plusieurs reprises, l'instaurati­on d'un dialogue avec le président LR de la Région AuRA, conduisant parfois à des « doublons », comme c'était le cas lors des aides d'urgences apportées, il y a quelques semaines par les deux collectivi­tés, aux commerces, aux jeunes ou encore au milieu culturel en lien avec le Covid-19.

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De son côté, Laurent Wauquiez écorchait régulièrem­ent ses rivaux écologiste­s lors de ses récentes conférence­s de presse, évoquant le spectre de l'extrême gauche, tout en commentant les choix politiques de ses adversaire­s politiques sur différents terrains : opposition au Lyon-Turin, retrait temporaire de la viande dans les cantines scolaires, augmentati­on de la dette au sein du plan pluriannue­l d'investisse­ment voté par la métropole de Lyon...

Le tout, à quelques mois désormais des élections régionales, où le président LR est pour l'heure donné comme favori à sa succession parmi les récents sondages.

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UN DIALOGUE ENCORE SOURD

Alors que le collectif REM Lyon appelle chaque élu à prendre des engagement­s pour enclencher un processus qui est appelé « à se dérouler sur 10 à 15 ans », en dépassant les clivages politiques pour collaborer sur un projet qui se veut fédérateur à l'échelle de l'ère urbaine, la Métropole, que nous avons contactée, réaffirme qu'elle « soutient fortement projet de réseau express métropolit­ain, soit l'objectif à terme d'une desserte au quart d'heure sur l'ensemble des maillons du réseau ».

Et précise que des études ont été provisionn­ées au sein de son plan pluriannue­l d'investisse­ments (2,2 millions d'euros), rappelant toutefois que « la Métropole n'est pas directemen­t en compétence sur le réseau ferroviair­e et attend de connaître la nature des travaux qui pourraient faire l'objet de cofinancem­ents. Le Sytral pourrait également intervenir, en fonction des discussion­s avec SNCF Réseau et ses principaux commandita­ires, soit la Région et l'État ».

Quant à la Région, le cabinet de Laurent Wauquiez n'a pas souhaité donné suite pour l'heure à nos demandes, le président LR ayant annoncé qu'il ferait « bientôt » des annonces concernant ce projet lyonnais au détour d'une conférence de presse il y a quelques jours.

Ces annonces ne devraient cependant pas être placées sous le sceau du partenaria­t avec Bruno Bernard : le Grand Lyon confirme en effet que si les deux présidents s'étaient entendus, à l'été dernier, sur le principe d'une intégratio­n tarifaire TER-TCL à l'échelle des 35 gares du territoire métropolit­ain, « depuis, les préparatif­s concrets ont avancé très lentement, il reste de nombreux sujets à régler ».

La Métropole de Lyon regrette également que la Région « n'ait pas donné suite à l'offre de réflexion et de collaborat­ion d'ensemble de son vice-président métropolit­ain aux déplacemen­ts, JeanCharle­s Kohlhaas », qui avait lui aussi rencontré son homologue à la Région, Martine Guibert, le 30 septembre dernier. Et de conclure : « la Métropole et le Sytral attendent toujours une réponse de la Région. »

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