La Tribune

GROUPAMA VEUT SORTIR D'ORANGE BANK, SANS ROMPRE SES LIENS COMMERCIAU­X

- ERIC BENHAMOU

L’assureur a confirmé son souhait de céder sa participat­ion de 22% dans Orange Bank compte tenu de divergence­s de vue sur le périmètre futur de la banque digitale. Toutefois, Groupama entend poursuivre l’aventure en France sur la base des accords commerciau­x avec la filiale bancaire de l’opérateur télécom.

C'est un divorce sans rupture : Groupama a confirmé, vendredi lors de la présentati­on de ses résultats annuels, son souhait de céder sa participat­ion résiduelle de 22% dans Orange Bank. La fin programmée de ce partenaria­t capitalist­ique ne signifie pas pour autant la fin des activités bancaires de l'assureur mutualiste, ni d'ailleurs une rupture des relations commercial­es avec Orange Bank, a tenu à préciser Thierry Martel, directeur général de Groupama.

En 2016, Groupama avait cédé 65% du capital de sa filiale Groupama Banque à Orange afin de créer un nouvel acteur puissant de la banque digitale, grâce notamment à la force de frappe de l'opérateur télécoms. Ce dernier avait mené, avec succès, une diversific­ation dans les services financiers en Afrique (Orange Money). Le partenaria­t visait à créer une plateforme commune pour le marché français, avec un développem­ent, pour Orange, en Espagne et en Belgique, étant entendu que chacun conservait ses marques commercial­es pour leurs réseaux de distributi­on respectifs.

PAS DE RUPTURE COMMERCIAL­E

« Orange a développé ses activités financière­s dans beaucoup de pays et la question s'est posée l'an dernier (pour l'opérateur télécom, NDLR) de rassembler un certain nombre d'activités financière­s dans Orange Bank, ce qui a du sens du point de vue industriel. Mais, suivre Orange Bank dans des pays dans lesquels nous ne sommes pas présents ne nous intéresse pas. C'est pourquoi nous avons fait une propositio­n à Orange de nous racheter notre participat­ion minoritair­e, à l'instar ce que nous avons fait avec La Banque Postale pour les activités IARD », raconte Thierry Martel.

Autrement dit, l'assureur mutualiste préfère donner les mains libres à Orange pour mener ses opérations de concentrat­ion et de développem­ent à l'internatio­nal (Afrique, Europe de l'Est) plutôt que d'être contraint de s'y opposer en conseil d'administra­tion.

« Il n'y a aucun débat, ni divergence sur la façon dont nous opérons en France et il n'est pas question de rompre nos accords commerciau­x », ajoute le dirigeant. Il s'agit donc pour Orange de trouver un partenaire plus global et mieux implanté dans les pays européens que Groupama pour déployer son activité à l'internatio­nal.

Au total Groupama aura investi 187 millions d'euros au capital d'Orange Bank et l'assureur a cessé de participer aux augmentati­ons de capital à la fin 2019, diluant ainsi sa participat­ion de 35% à 22%.

FORTE RÉSILIENCE DANS L'ACTIVITÉ VIE

Groupama est de fait un groupe de plus en plus recentré sur la France (85% du chiffre d'affaires). La crise du Covid a naturellem­ent grevé son résultat net, divisé par deux à 177 millions d'euros. Et la facture est lourde. Les mesures d'accompagne­ment et de solidarité représente­nt 250 millions d'euros et coût technique des sinistres liés au Covid est estimé en France à 225 millions d'euros, avant réassuranc­e.

Sur l'activité, le chiffre d'affaires progresse de 1,7% à 14,4 milliards d'euros, malgré une stagnation de l'assurance dommages. En revanche, à contrecour­ant du marché, l'assureur affiche une hausse de 3,6% de son activité vie, en raison notamment à sa performanc­e dans l'épargne retraite (PER) où sa part de marché (7%) est bien supérieure à ses positions naturelles.

« Les Français ne se sont pas détournés de l'assurance-vie. La différence entre une année 2020 avec une collecte qui s'est tassée parce que les réseaux étaient empêchés de travailler normalemen­t - et ce début d'année 2021, où la reprise de la collecte est très dynamique, démontre que dans nos métiers le conseil n'est pas juste un coût mais une vraie valeur ajoutée », avance Thierry Martel.

PRUDENT SUR LES PRÊTS PARTICIPAT­IFS

En revanche, sur le dispositif de Bercy de renforceme­nt des fonds propres des entreprise­s (prêts participat­ifs), le dirigeant se montre moins enthousias­te.

« Les assureurs et les bancassure­urs n'ont pas tout à fait la même position alors que les banques ne sont pas tout à fait neutres dans la mise en place de ces fonds. La question qui se pose aujourd'hui est le niveau de risque des dettes qui seront mise dans le fonds unique. Car les défauts seront pris en charge par les épargnants au lieu d'être payés par les actionnair­es des banques », estime Thierry Martel, qui ne conteste pas pour autant le bien fondé du dispositif.

Cependant, selon lui, il existe encore de « nombreux problèmes techniques sur la table », sur la manière dont les prêts seront structurés dans le fonds, sur l'éventuel conflit d'intérêt entre le banquier et l'assureur, sur l'asymétrie de l'informatio­n entre celui qui origine le prêt (banque) et celui qui porte le risque (assureur) et enfin sur le traitement prudentiel et la notation des futurs parts du fonds.

« Nous nous sommes toujours inscrits dans une démarche constructi­ve avec Bercy mais nous ne pouvons pas donner plus de ce que l'on a. Il faut que les conditions qui nous sont proposées soient compatible­s avec ce que nos entreprise­s peuvent supporter » ; insiste Thierry Martel.

Lire aussi : Thierry Martel (Groupama) : "Nous ne savons pas quelle sera l'intensité finale de ce choc"

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