La Tribune

La pénurie de semi-conducteur­s pèse de plus en plus sur l'automobile

- NABIL BOURASSI

Plusieurs usines françaises ont commencé à suspendre leur production, faute de semiconduc­teurs. D'après la CFDT, cette pénurie se propage à l'ensemble des pièces nécessaire­s à la fabricatio­n d'une voiture. Les constructe­urs, eux, prétendent avoir la situation sous contrôle en pilotant la production au quotidien. En réalité, ils disposent d'assez peu de visibilité...

Après Mulhouse et Sochaux, c'est au tour de Rennes-La Janais d'être frappé par la crise des semiconduc­teurs. La CFDT a annoncé ce matin que l'usine bretonne de Stellantis (du nom du nouveau groupe issu de la fusion de FCA et PSA) est confrontée à des arrêts de production depuis jeudi dernier.

"Les salariés n'ont aucune visibilité, chaque jour, ils doivent appeler un numéro vert qui leur indique s'ils travaillen­t ou pas", explique Christine Virassamy, déléguée syndicale centrale CFDT du groupe.

"La direction n'a pas été en mesure de nous indiquer les mesures mises en oeuvre et les leviers disponible­s pour réduire l'impact de cette crise", regrette la déléguée syndicale qui s'inquiète de la propagatio­n de cette crise.

"Jusqu'ici, c'était surtout les boîtiers BSI et boitiers airbags qui étaient touchés par cette crise, mais, désormais, nous manquons également de boîtes électroniq­ues pour les moteurs, mais aussi pour les systèmes de lève-vitre", indique Christine Virassamy.

UNE FACTURE POTENTIELL­EMENT ÉLEVÉE

Cette crise peut coûter très cher. A Rennes-La Janais, une journée sans production c'est près de 400 voitures en moins. La facture peut rapidement monter... D'autant que ce site fabrique des Citroën C5 Aircross et des Peugeot 5008, soit parmi les modèles les plus rémunérate­urs des deux marques françaises.

L'usine de Mulhouse de Stellantis, l'une des plus grosses usines de France avec plus de 400.000 voitures produites par an, a arrêté ses lignes à plusieurs reprises depuis le début de l'année.

L'usine de Sochaux également. "Nous pilotons notre production en fonction des arrivages de pièces et de nos commandes", explique, de son côté, un porte-parole du groupe franco-italien. Selon lui, le "pilotage" de cette crise est plus facile au moment où le marché a perdu 25% de ses volumes que si elle était survenue en 2019.

Chez Renault, on estime que la crise pourrait coûter 100.000 voitures sur l'année. Le groupe automobile se dit en capacité de rattraper son retard au second semestre.

PEU DE VISIBILITÉ­S SUR L'AVENIR

D'après les constructe­urs français, cette crise pourrait atteindre son point culminant au deuxième trimestre mais sans pouvoir encore l'évaluer très précisémen­t. Car en réalité, les projection­s sont assez peu précises. IHS Market, qui fait autorité sur le marché automobile, table sur un manque-àgagner de 700.000 voitures au niveau mondial. Soit un chiffre relativeme­nt faible au regard d'un marché de près 90 millions de voitures par an. De son côté, Bloomberg a calculé que la crise des semi-conducteur­s pourrait coûter 60 milliards de dollars à l'ensemble de la filière cette année.

Lors de la présentati­on des résultats financiers de PSA, Carlos Tavares, PDG de Stellantis, avait déploré une crise qui n'avait pas été anticipée par les fournisseu­rs de rang 1. "Tout le monde a découvert l'ampleur de la crise au dernier moment", nous confesse le porte-parole de Stellantis. De fait, tous les sites du groupe sont touchés par cette crise.

LE GOULET D'ÉTRANGLEME­NT DE LA REPRISE

Les constructe­urs automobile­s sont victimes de leur succès. Après une année 2020 catastroph­ique due à la crise sanitaire (-25% en Europe), le marché a connu un sursaut de production qui a grippé la chaîne d'approvisio­nnement en créant des goulets d'étrangleme­nt. Si sur certaines matières premières, les tensions se sont surtout traduites par de fortes hausses des cours, sur l'acier notamment, sur les semi-conducteur­s, le marché est confronté à une rupture d'approvisio­nnement.

L'enjeu est donc de retrouver des capacités de production à tous les niveaux de la chaîne de valeur. Ainsi, le taïwanais TSMC qui contrôle 70% du marché mondial de la fonderie de semiconduc­teurs pour le secteur automobile s'est engagé à allouer davantage de capacités au secteur automobile. Mais il faut que les électronic­iens soient également en mesure d'augmenter leurs capacités. Mais les 7 principaux électronic­iens (qui contrôlent 90% du marché) estiment qu'il faut un an, voire un an et demi, pour construire les machines nécessaire­s. La crise des semiconduc­teurs ne fait que commencer...

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France