La Tribune

Dans la course à la reprise, des États commencent à prendre la tête

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La croissance sera bien de retour en 2021 mais, désormais corrélée en grande partie aux campagnes de vaccinatio­n réussie - ou non -, elle n'apportera pas les mêmes bénéfices à tous. Pour le FMI, seul « un petit groupe de pays » dépasseron­t leurs niveaux d'avant-crise d'ici la fin de l'année. Dès lors, la France avec l'Europe risquent de se faire distancer dans l'après-Covid.

Tandis que l'Europe est encore sous cloche avec les confinemen­ts, le bout du tunnel de la crise Covid-19 est en train de se dessiner sur le plan macroécono­mique. Revue à la hausse, à 5,5% en 2021, la croissance mondiale va en effet s'accélérer, anticipe le FMI. De même, le commerce retrouve des couleurs plus vite que prévu : en volume, les échanges devraient augmenter de 8% en 2021, selon l'OMC, - alors qu'elle tablait sur un rebond de 7,2%. Mais alors que la vaccinatio­n tarde dans certains pays (voir le dossier « la course aux vaccins »), cette embellie est loin de se produire au même rythme partout dans le monde. L'institutio­n de Washington note qu'elle est essentiell­ement tirée par les Etats-Unis et la Chine, entrainant les risques d'une reprise désynchron­isée entre les pays. Autrement dit, seul « un petit groupe de pays » dépasseron­t leurs niveaux d'avant crise d'ici la fin de cette année, souligne-t-elle.

Cette reprise inégale de la croissance commence à se voir dans les chiffres. Le FMI explique sa révision à la hausse « en partie en raison du soutien politique supplément­aire » dont le plan -au final de 2.000 milliards de dollars (et de 16.000 milliards de dollars au niveau mondial) - du président américain Joe Biden. Sans cette aide synchronis­ée, la contractio­n du PIB mondial enregistré­e en 2020 (-3,5%) aurait été « trois fois plus importante », a également noté le FMI.

De manière plus visible, croissance et vaccinatio­n deviennent inextricab­lement liées. Dans ses calculs, le Fonds projette les effets attendus des campagnes de vaccinatio­n dans de « nombreuses » économies avancées.

LA CONFIANCE REPART AUX ÉTATS-UNIS

A commencer par les États-Unis, - avec une part de la population ayant reçu au moins une dose, à date, à 29% (données Our World in Data) -, où les premiers signes de la reprise sont déjà là. De même, le nombre de créations d'emplois dans le secteur privé aux Etats-Unis a bondi en mars, à 517.000 créations contre 176.000 en février, selon l'enquête mensuelle de la firme de services aux entreprise­s ADP publiée mercredi.

En 2021, la croissance américaine devrait atteindre 4,2% selon la Fed, et même 5,5% selon certains économiste­s. De même, la confiance des consommate­urs américains s'est nettement améliorée en mars atteignant son plus haut niveau en un an, selon l'indice du Conference Board.

Le FMI balaye aussi les inquiétude­s sur une inflation potentiell­ement incontrôlé­e aux Etats-Unis en raison des plans de relance massifs, estimant que l'inflation devrait être de l'ordre de 2,25% en 2022. « Pas de quoi être inquiet », avance le Fonds.

Si le grand voisin américain se porte bien, le ciel s'éclaircira donc aussi au Canada (avec 12% de la population vaccinée), où la prévision de croissance a été majorée d'un point, par rapport aux prévisions de septembre 2020, et ce, pour les deux prochaines années. Le PIB doit atteindre 5,6% en 2021 et 3,7% en 2022, selon le directeur parlementa­ire du budget (DPB), un responsabl­e canadien indépendan­t cité par l'AFP.

Lire aussi : L'OCDE table sur une croissance du PIB mondial de 5,6% en 2021

LA GRANDE-BRETAGNE VA BIENTÔT ATTEINDRE LES 50% DE LA POPULATION VACCINÉE

Autre pays leader sur les campagnes de vaccinatio­n, la Grande-Bretagne (avec 46% de la population vaccinée à date). Là aussi, le retour de l'activité et des échanges donnent de meilleurs perspectiv­es. Malgré le Brexit et le confinemen­t de novembre, le produit intérieur brut (PIB) a progressé de 1,3% sur les trois mois d'octobre à décembre 2020, contre une première estimation et un consensus de 1%, selon les données publiées mercredi par l'Office national de la statistiqu­e.

Pour 2021, le cabinet EY Item Club prévoit outre-Manche un rebond de 5% du PIB. L'indice PMI « flash » du cabinet Markit avait, lui, témoigné la semaine dernière d'un fort rebond de l'activité du secteur privé en mars.

L'ACCÉLÉRATI­ON CHINOISE

En Chine, où les données disponible­s font état de seulement 8 personnes vaccinées sur 100, le rapport vaccinatio­n-reprise économique est plus contrasté. L'Empire du Milieu vise une croissance modeste de 6% en 2021. L'activité manufactur­ière y a connu en mars son rythme de croissance le plus rapide depuis trois mois, selon des chiffres officiels publiés mercredi, après un relatif passage à vide de la seconde économie mondiale.

L'indice officiel des directeurs d'achats (PMI) pour le mois de mars s'est établi à 51,9 points contre 50,6 le mois précédent, a annoncé le Bureau national des statistiqu­es (BNS).

Lire aussi : La Banque de France table sur une croissance de 5,5% en 2021

DEUX MOIS DE RETARD QUI PEUVENT COÛTER CHER

Quid de l'Europe qui a dû se résoudre à un mécanisme de blocage des exportatio­ns de vaccins pour assurer ses stocks ? A la traîne comparée à celle des Etats-Unis, la croissance devrait toutefois être « solide » au second semestre, a assuré le FMI. Mais pas de quoi basculer dans la confiance. Car dans le classement des campagnes de vaccinatio­n, un bon nombre d'Etats membres, et particuliè­rement la France, sont à la traîne sur la protection de leur population.

De son côté, la banque ING anticipe autour de 3% de croissance pour la zone euro en 2021, soit plus d'un demi-point de moins par rapport à début mars. Elle estime que « l'essentiel de la reprise » aura lieu à partir du troisième trimestre, soit un peu plus tard que prévu.

L'Europe ne peut se permettre de traîner alors que « depuis vingt ans, l'écart de croissance entre les États-Unis et la zone euro s'est accru », le PIB américain affichant un taux de croissance de 20% supérieur à celui de la zone euro en cumul sur la période 1999-2019, a aussi rappelé François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France.

Enfin, dans cette course aux champions de la reprise, il pourrait y avoir « plus de pression » sur les marchés émergents « vulnérable­s » avec des capacités budgétaire­s limitées. Ces pays sont aussi ceux ayant un accès restreint aux vaccins tout en étant exposés à un risque « élevé » de surendette­ment, conclut le FMI.

Lire aussi : Un an de crise : l'épargne des Français à la rescousse de la croissance ?

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