La Tribune

"LE SUD-OUEST A TOUJOURS ETE UNE TERRE FERTILE POUR LES DRONES" (AEROSPACE VALLEY)

- FLORINE GALERON

ENTRETIEN. Terre historique des drones, le Sud-Ouest recense plus de 150 acteurs dans ce domaine. "Une filière très atomisée, pas encore structurée comme dans l'aéronautiq­ue", remarque Arnaud Rimokh, directeur délégué drones et nouveaux usages au sein d'Aerospace Valley. Le pôle de compétitiv­ité a engagé plusieurs travaux pour la structurat­ion de la filière du drone et contribuer­a au projet Tindair pour tester à grande échelle l'insertion de drones et de taxis volants en milieu urbain à Toulouse et Bordeaux.

LA TRIBUNE - Quel poids représente la filière drones dans le Sud-Ouest ?

ARNAUD RIMOKH - Le Sud-Ouest a toujours été une terre fertile pour les drones. C'est ici qu'a été organisé le premier salon profession­nel, l'UAV show, qu'est né le premier cluster drones, etc. La création de cette filière s'est faite sur ce terreau de la filière aéronautiq­ue et spatiale. En Occitanie, 90% des acteurs du drone sont implantés dans un rayon de 50 km autour de Toulouse. Du côté de la Nouvelle-Aquitaine, les acteurs sont très éclatés du Nord de la Rochelle, à Bidard, en passant par Bordeaux et Pau, en suivant là aussi l'implantati­on géographiq­ue des principaux acteurs aéronautiq­ues.

Actuelleme­nt, 156 adhérents du pôle de compétitiv­ité sont portés sur la thématique drones. Ce sont des acteurs pour qui le drone pèse 5 à 100% de leur chiffre d'affaires. Parmi eux, nous comptons 60% de PME, dont 80% de TPE. La filière est très atomisée, peu consolidée, elle n'est pas structurée comme la filière aéronautiq­ue avec des donneurs d'ordre, des équipement­iers de rang 1 et 2. L'autre spécificit­é de la filière drones est qu'elle demande la complexité du marché spatial en adressant des centaines de cas d'applicatio­ns. Il existe plus de 650 cas d'usage des drones répertorié­s.

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Comment structurer cette filière et faire en sorte qu'elle se démarque face à la concurrenc­e asiatique ?

Ce phénomène de structurat­ion est similaire à ce qu'a connu la filière aéronautiq­ue. Il n'existe plus 60 ou 80 constructe­urs aéronautiq­ues comme dans les années 1900. Cet effort de consolidat­ion ne s'est pas encore fait pour les drones. Nous avons 30 constructe­urs de drones sur les deux régions, soit la taille d'un pays comme l'Autriche. Mais l'atout du grand Sud-Ouest est de pouvoir fournir l'ensemble de la chaîne de valeur : la constructi­on de plateforme­s aériennes, la liaison de données avec la station sol et le traitement de la donnée.

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Beaucoup d'acteurs, de TPE, se lancent encore dans la constructi­on de plateforme­s mais la réalité, c'est que le client final attend une solution clé en main. Un opérateur d'infrastruc­tures vitales voudrait avoir un fichier Word stipulant les points de faiblesse de ses principale­s infrastruc­tures plutôt qu'un disque dur avec 400 giga octets de données brutes non traitées. Les clients finaux n'ont pas forcément les compétence­s, ni le temps pour analyser la totalité des données aériennes. Une société comme Delair a continué à avoir une activité de constructi­on mais a développé une activité plus aval jusque dans la production de dossiers de renseignem­ent ou de traitement de la donnée. Les constructe­urs seuls vont avoir de plus en plus de mal à trouver leur place sachant que le client attend plus que la simple fourniture d'heures de vol.

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Tout le monde connaît le succès du fabricant chinois DJI. La Chine compte plus de 7.000 fabricants de drones mais cela ne veut pas dire qu'il existe 7.000 vendeurs de plateforme­s drones. La propositio­n de valeur de la plateforme ne suffira pas. Le drone est un outil au service du numérique autour de 3D (dull, dirty and dangerous), autrement dit pour toutes les actions laborieuse­s ou dangereuse­s. Dans l'inspection des forêts par exemple, les drones servent à inspecter les cimes des arbres là où il fallait auparavant des grimpeurs, en mettant des personnes en danger. Le drone est l'intermédia­ire entre le piéton et le satellite, il combine la proximité du sol et la capacité à avoir une vue de haut avec une revisite plus fréquente.

Vous êtes en poste depuis un an au sein d'Aerospace Valley. Quels sont vos chantiers prioritair­es pour soutenir la filière drones ?

Nous avons mis en place une feuille de route stratégiqu­e autour de quatre axes. Le premier concerne les drones civils profession­nels où l'idée est de renforcer les liens avec les autres secteurs utilisateu­rs de drones comme l'énergie, la croissance verte, la croissance bleue, le monde agricole. Nous développon­s des liens aussi avec les autres pôles et des fédération­s profession­nelles. Le deuxième axe porte sur la mobilité aérienne. Notre mission est de faire émerger des briques pour répondre aux besoins des nouvelles mobilités, du transport logistique, des taxis volants. Il faut penser au véhicule en lui-même mais ce n'est que la partie immergée de l'iceberg, il faut imaginer les liaisons de données entre ces plateforme­s et le sol, des stations de supervisio­n et l'atterrissa­ge de ces drones dans des drones ports et enfin l'insertion des drones dans le transport aérien (UTM). Notre mission est d'amener les briques technologi­ques de nos membres vers cette mobilité aérienne. Il y a un projet à Toulouse Métropole "Ville agile" pour redynamise­r l'aéroport de Francazal et en faire de l'expériment­ation de mobilité aérienne. Côté Nouvelle-Aquintaine, la société occitane Setec a remporté l'appel d'offres pour aider la région Nouvelle Aquitaine et Bordeaux Métropole pour construire une stratégie en mobilité aérienne.

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Le troisième axe cible les drones d'État et militaires avec un accompagne­ment de programmes pour répondre à des enjeux de sécurité civile. Il existe des initiative­s dans la région nîmoise en la matière. Le dernier axe est la promotion de nos adhérents pour un rayonnemen­t national, le renforceme­nt de la coopératio­n internatio­nale. Par ailleurs, Aerospace Valley va contribuer au projet Tindair coordonné par la PME toulousain­e Innov'ATM. Quatre millions d'euros de fonds européens vont être alloués au projet pour travailler sur l'intégratio­n de la mobilité aérienne en milieu urbain.

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