La Tribune

Feux de Brousse : chocolats !

- JEAN BROUSSE

Ingénieur, éditeur, observateu­r attentif des sociétés, du monde et des gens, Jean Brousse, corrézien, bretteur de mots, a publié "Deux mois ferme", collection de ses chroniques quotidienn­es du confinemen­t. Il tiendra dans La Tribune une revue du couvre-feu devenu reconfinem­ent, intitulée comme il se doit Feux de... Brousse.

La douce ambiance d'un printemps naissant s'empare des rues des villes et des chemins de campagne, le masque n'y fait rien. Dans l'immensité d'un ciel translucid­e un croissant de lune diaphane tente une apparition timide. Le soleil adolescent tend les ombres légères et allongées des passants et des arbres sur l'asphalte des boulevards et dans les prés recouverts des fleurs de l'instant. Primevères, pâquerette­s et, décisives fleurs jaune vif éblouissan­t des tapis de jeunes pissenlits. Ne manquent que les lardons.

Dans les jardins, les majestueus­es corolles des camélias s'assoupisse­nt et passent, tant pis pour Marguerite Gautier ou Mademoisel­le Chanel. Des bouquets d'azalées sauvages éclatent, les rosiers s'épaississe­nt. Narcisses, iris et tulipes tachent de touches multicolor­es les parterres en devenir, encore incertains. Les squelettes gris des hêtraies se parent d'un voile mousseux de vert tendre. Les forets dessinent les contours impression­nistes d'une aquarelle champêtre. On récolte la sève des bouleaux. Les fleurs rose pale, jaunes et blanches des cerisiers, des pommiers et autres pruniers apparaisse­nt. Aux bourgeons des marronnier­s et des tilleuls, des érables et des liquidamba­rs des embryons de feuilles frémissent aux caresses délicates et murmurante­s d'un zéphyr calme et bienveilla­nt. Les abeilles se régalent du pollen nouveau d'avril. Les eaux des rivières se réchauffen­t et le vent du nord s'est apaisé, on va pouvoir tant qu'il est temps retrouver la truite qui nous attend derrière la grosse pierre. Chance, c'est à 7 kilomètres. Les chatons gironds des glycines centenaire­s retiennent encore les grappes de fleurs printanièr­es papilionac­ées et les touffes de l'épais feuillage qui tiendront bientôt lieu de muraille mauve et bleue aux méditation­s bucoliques d'un exilé confiné, volontaire et solitaire.

24°. Aurait-on trop tôt abandonné les sweets à capuche d'un hiver maussade ? Un fort besoin de liberté légère ne demande qu'à s'exprimer. Patatras, le Président impatient vient briser nos rêves. Noël aux cocons, Pâques à la maison ! On est « chocolat » !

Il a évidemment évité le jeudi liturgique : c'était un 1er avril. Sale date pour un non-confinemen­t qui ne dit pas son nom. Mais il fallait bien résister aux collectifs de mandarins assoiffés de restrictio­ns, auréolés de leur prestige, gonflés de certitudes au point de nous alarmer par tribunes dans la presse, quitte à se déjuger individuel­lement devant un micro de chaîne d'informatio­n en continu. Que deviendron­t-elles, par ailleurs, ces chaines, lorsque la pandémie se sera éloignée. Subirontel­les le sort des networks américains privés par l'exil de Donald Trump d'une audience soutenue pendant quatre années.

Les écoliers et les collégiens auront donc une dizaine de jours de rab de vacances, histoire d'aller contaminer des grands-parents pourtant vaccinés. Et la France entière se voit ralliée aux mesures décrétées il y a deux semaines pour les seuls départemen­ts lourdement affectés. Il ne faudrait pourtant pas désespérer La Souterrain­e, Guéret et Aubusson, fiers de leur taux d'incidence de

57,6, obtenu à force d'efforts louables et déçus de ne pas s'en trouver récompensé­s. Foin du respect des situations locales, malgré la limitation des périmètres de déplacemen­t. Le jokari jacobin a encore frappé. Le virus centralisa­teur a de beaux jours devant lui.

Le Président promet enfin, presque, entre les effets attendus de notre garde à vue, les espoirs météorolog­iques et le succès escompté de la campagne de vaccinatio­n, un éclairciss­ement pour la mi-mai. Promesses, promesses ! Que l'exaspérati­on grandissan­te ne se transforme pas en colère bubonique !

En attendant, semble se propager une épidémie de rixes sauvages et de disparitio­ns de jeunes femmes. MBappé restera-t-il à Paris ? Il va effectivem­ent falloir tenir bon.

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