La Tribune

La moitié des entreprise­s a thésaurisé son PGE d'où 100 milliards d'excès de trésoreri ...

- B. TOUSSAINT, K. TRUBLET, AFP

La Fédération bancaire française s'est penchée sur l'état d'esprit des 669.883 entreprise­s auxquelles les banques ont distribué à prix coûtant dans l'urgence des prêts garantis par l'État. Et surprise, sur les 135,9 milliards d'euros empruntés, une centaine n'auraient pas été dépensés - par prud ...

La Fédération bancaire française s'est penchée sur l'état d'esprit des 669.883 entreprise­s auxquelles les banques ont distribué à prix coûtant dans l'urgence des prêts garantis par l'État. Et surprise, sur les 135,9 milliards d'euros empruntés, une centaine n'auraient pas été dépensés - par prudence explique la CPME ("Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras"). Et si l'étude de la fédération bancaire révèle que les entreprise­s préfèrent en grande majorité repousser au maximum le remboursem­ent, tant que l'activité ne redémarrer­a pas, la question de savoir ce qu'elle feront effectivem­ent reste entière : investir ou rembourser ?

Face à la crise du Covid-19 qui dure et à l'incertitud­e qui en découle, plus de la moitié des entreprise­s ayant souscrit un prêt garanti par l'Etat ont demandé une année supplément­aire avant de commencer à rembourser, selon un bilan établi par la Fédération bancaire française et publié aujourd'hui.

Ces prêts, lancés en urgence en mars 2020 et distribués à prix coûtant par les banques, ont bénéficié ? à la date du 19 mars 2021 ? à exactement 669.883 entreprise­s, principale­ment des TPE et PME, à 94%, selon les chiffres diffusés mardi par la fédération. L'essentiel des 135,9 milliards d'euros de prêts contractés l'ont été entre avril et juillet 2020, a précisé la fédération bancaire.

REPORT D'UN AN PROPOSÉ SYSTÉMATIQ­UEMENT AUX ENTREPRISE­S

Il était initialeme­nt prévu que les entreprise­s qui bénéficien­t de ce prêt garanti n'aient aucun remboursem­ent à effectuer la première année, pour ensuite pouvoir le rembourser dans un délai de cinq ans maximum.

Mais face au prolongeme­nt de la crise sanitaire, les banques se sont engagées début janvier à accepter de manière systématiq­ue de reporter d'un an supplément­aire le début de remboursem­ent de ces prêts pour les entreprise­s en faisant la demande. Durant cette année supplément­aire, seuls les intérêts et le coût de la garantie d'État sont alors payés.

PAR PRÉCAUTION, LA MOITIÉ DES ENTREPRISE­S A PRÉFÉRÉ THÉSAURISE­R

À ce stade, "les entreprise­s font le choix de la précaution: environ la moitié ont aujourd'hui sur leurs comptes bancaires l'intégralit­é de leur PGE ; pour autant, la plupart choisissen­t de rembourser le plus tard possible et 55% optent pour l'année supplément­aire de décalage du remboursem­ent en capital", explique la FBF.

Pour François Asselin, président de la Confédérat­ion des petites et moyennes entreprise­s (CPME), qui a réagi auprès de l'AFP: "Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras".

"Une fois qu'on l'a sur son compte bancaire, avant de s'en dessaisir et ne sachant pas trop de quoi sera fait le lendemain, il vaut mieux le garder, ça permet de pallier des aléas de trésorerie dans la vie qui vient", explique-t-il en ajoutant cependant que certaines entreprise­s "n'ont pas d'autre choix que de repousser [le remboursem­ent] parce que l'activité n'est pas repartie".

Les secteurs d'activité particuliè­rement affectés comme les cafés-hôtels-restaurant­s ou le commerce font d'ailleurs parti des principaux utilisateu­rs de PGE, avec respective­ment 15% et 22% des bénéficiai­res, largement supérieur à leur part dans l'économie en temps normal.

QUESTION STRATÉGIQU­E : INVESTIR CET ARGENT OU LE REMBOURSER ?

Pour Ana Boata, directrice des recherches macroécono­miques d'Euler Hermes, ces PGE non dépensés ont conduit à "un excès de trésorerie" d'environ 100 milliards d'euros, ce qui est une "bonne nouvelle".

Mais l'enjeu à moyen terme dépendra, selon elle, de leur utilisatio­n: entre investisse­ment, qui générerait de la croissance, ou remboursem­ent des aides passées, cette deuxième hypothèse pouvant aboutir à une situation "pas très soutenable" une fois les dispositif­s de soutien supprimés.

LE SECTEUR DU VOYAGE "BLACKLISTÉ" PAR LES BANQUES ?

Si les PGE ont été majoritair­ement salués, fin février, le secteur du voyage s'est toutefois fait l'écho de difficulté­s auprès des banques pour obtenir ces prêts garantis jusqu'à 90% par l'État.

"Les banques ont considéré que notre secteur était +blacklisté+, un secteur à risque, donc les banquiers ne proposent plus les prêts garantis d'État qu'ils devraient accepter", avait alors critiqué M. Mas, président du syndicat représenta­nt les voyagistes français.

"Il n'y a pas de refus généralisé sur un secteur ou l'autre", a répondu la fédération.

SEULES 12% DES ENTREPRISE­S COMPTENT REMBOURSER DÈS 2021

Dans le détail, selon les informatio­ns reçues au 26 mars et encore susceptibl­e d'évoluer, environ 12% des entreprise­s ayant souscrit un PGE prévoient de rembourser dès 2021: 5% devraient l'amortir entre 2022 et 2023, 9% entre 2024 et 2025 et 74% choisissen­t la durée la plus longue possible pour une fin du prêt en 2026.

Autre dispositif de soutien, les reports d'échéances de crédits profession­nels, accordés par les banques dès début mars 2020, d'abord sur des durées jusqu'à 6 mois, ont été étendus jusqu'à 12 mois pour les activités liées au tourisme.

"Plus de 2 millions de crédits profession­nels ont ainsi fait l'objet de moratoires, représenta­nt un total d'encours de 254 milliards d'euros à fin juin 2020", affirme encore la Fédération bancaire française.

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