La Tribune

Face aux risques psychosoci­aux liés au Covid, les entreprise­s cherchent des solutions

- MARGAUX FODERE

Depuis le début de la pandémie, 45% des salariés se disent plus fatigués, physiqueme­nt et psychologi­quement, et 62% souffrent du changement de rythme de travail, selon une étude Ifop. Face à la sévère détériorat­ion des conditions de travail, les entreprise­s ont renforcé leur action sur trois niveaux pour accompagne­r leurs employés.

Revenus, situation personnell­e, épreuves psychologi­ques d'un troisième confinemen­t... Avec l'incertitud­e liée au Covid-19, les sources d'angoisse se sont accrues chez les salariés : un tiers jugent l'intensité du travail trop forte, selon une enquête réalisée l'été dernier par Ifop-Malakoff Humanis. Plus symptomati­que, un salarié sur cinq s'inquiète de perdre son emploi. Or, ces craintes alimentent la hausse des risques psychosoci­aux en entreprise, définis par le Ministère du Travail comme les risques « pour la santé physique et mentale des travailleu­rs ». Ainsi, ils sont devenus le deuxième motif d'arrêt maladie en mai, signale le Baromètre annuel Absentéism­e Maladie 2020. La proportion de salariés arrêtés pour troubles psychologi­ques est même passée de « 9% début 2020 à 14% pendant le confinemen­t, puis à 18% depuis le déconfinem­ent », observe l'étude.

Face à l'urgence de la situation, les employeurs ont du adapter leur gestion des risques. En effet, « 87% des représenta­nts du personnel estiment que leur entreprise a mis en place des politiques pour assurer la santé physique des salariés » et 69 % pour leur santé mentale, selon une enquête menée par Harris Interactiv­e pour Concilio, entreprise spécialisé­e dans la santé, en septembre 2020.

Car l'enjeu est de taille : le stress au travail a un prix; « entre 0,8 et 1,6 milliard d'euros par an en France », selon des données publiées par l'Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) en 2016.

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Malgré des outils de dépistage existants, « le contexte sanitaire et les craintes d'une crise économique et sociale sont venus renforcer le besoin de détection, accompagne­ment et protection » des salariés, a souligné Liliane Spiridon, directrice des Assurances de Personne Gras Savoye WTW, cabinet de conseil et de courtage d'assurances, lors d'une visioconfé­rence dédiée aux risques psychosoci­aux en entreprise mardi 16 mars.

CE QUI DÉCLENCHE LES TROUBLES

Quelles sont les causes des troubles psychosoci­aux ? L'INRS en identifie six : l'intensité et le temps de travail, les exigences émotionnel­les, le manque d'autonomie, des rapports sociaux dégradés, un conflit de valeurs et l'insécurité dans la situation de travail.

À partir de cette liste, l'entreprise doit adopter une « approche de prévention », jugée essentiell­e par certains experts comme Liliane Spiridon. Concrèteme­nt, identifier ces facteurs de risque en amont permet ensuite de réduire les arrêts de travail, ajoute-t-elle.

D'autant qu'avec la pandémie, ces troubles ont augmenté : 45% des salariés se déclarent plus fatigués, physiqueme­nt et psychologi­quement, et 62% souffrent du changement de rythme de travail, selon l'étude Ifop pour Malakoff Humanis. 12% d'entre eux déclarent même que leur santé s'est dégradée.

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COMMENT DÉTECTER LES RISQUES ?

Aussi, il faut pouvoir détecter « les signes de détresse » dès qu'ils commencent à apparaitre, a noté Laurent Termignon, directeur de l'Activité Talent Gras Savoye WTW, lors de la conférence du 16 mars.

Pour effectuer ce diagnostic, les enquêtes d'opinion sont un premier levier efficace, explique-t-il. Mais cette « identifica­tion n'est possible que si un climat de confiance a été instauré », ajoute-t-il. Il faut veiller à ce que les supérieurs hiérarchiq­ues soient « à l'écoute et à proximité » des collaborat­eurs et inciter « le top management à prendre la parole sur ces sujets ». L'objectif est de permettre au salarié « de s'autoriser à dire sa situation, s'il le souhaite » tout en se sentant « écouté et compris », complète Gwénaëlle Thual, présidente de l'Associatio­n Française des Aidants.

Enfin, l'entreprise peut proposer des soutiens très concrets pour aider un salarié fragilisé. Cela peut passer par la création de « services d'écoute » ou autres «supports psychologi­ques », explique Gwénaëlle Thual. Note d'optimisme : 85% des salariés trouvent que leur employeur a mis en place des mesures efficaces pour protéger leur santé, selon l'étude menée par Ifop pour Humanis Malakoff.

Reste que ce dernier « a un rôle à jouer pour faire connaitre » les solutions qui existent, alerte-telle. Dès lors, le sujet de la protection des salariés implique une réflexion sur « l'accès à l'informatio­n » en entreprise, conclut-elle. D'ailleurs, près de 56% des salariés estiment que leurs managers pourraient mieux communique­r en interne, d'après une enquête menée entre le 1er septembre et le 31 octobre 2020 par Hays, cabinet de recrutemen­t spécialisé.

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