La Tribune

A CLERMONT-FERRAND, LES DEUX REPAS VEGETARIEN­S PAR SEMAINE SOUTIENNEN­T LES FILIERES LOCALES

- SONIA REYNE

En Auvergne, le passage aux menus sans viande n'a pas suscité de levée de boucliers comme à Lyon. Les deux repas végétarien­s hebdomadai­res, en vigueur depuis janvier 2021 au sein des cantines scolaires, auraient au contraire permis à Clermont-Ferrand de proposer de la viande de meilleure qualité à ses écoliers, mais aussi de s'achalander plus régulièrem­ent auprès des fournisseu­rs du territoire, ou encore de lutter contre le gaspillage. Décryptage.

Alors que les éleveurs aulrapins manifestai­ent fin mars à Lyon et Clermont-Ferrand pour demander notamment l'applicatio­n de la Loi Egalim et protester contre la diminution des aides envisagée au sein de la nouvelle PAC, un autre sujet avait porté à débat sur le terrain de l'alimentati­on : celui des menus végétarien­s au sein des cantines scolaires.

Depuis le 4 janvier 2021, un menu végétarien est proposé deux fois par semaine dans les écoles publiques de Clermont-Ferrand. Et contrairem­ent à son voisin Lyon, le changement s'est opéré sans heurter les sensibilit­és, une seule famille aurait envoyé un courrier pour s'inquiéter de ce choix, précisent les services de la Ville. Conduite par une union de la gauche menée par le socialiste Olivier Bianchi, Clermont-Ferrand a en effet décidé d'aller au-delà de ses obligation­s légales, qui n'imposent qu'un seul repas végétarien hebdomadai­re.

"En 2018, deux repas végétarien­s étaient servis chaque mois dans les écoles clermontoi­ses. Notre démarche concrétise les engagement­s de l'équipe municipale à poursuivre ses efforts d'améliorati­on de la qualité des repas proposés aux enfants", explique Nicolas Bonnet, adjoint EELV à la mairie de Clermont-Ferrand, chargé de nature en ville, mobilités actives et qualité de l'air, agricultur­e, alimentati­on et restaurati­on.

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La mise en place de deux menus végétarien­s par semaine s'inscrit dans un projet municipal d'exemplarit­é en matière restaurati­on scolaire, avec la volonté de proposer des repas « maison » et de qualité.

RÉORIENTER LE BUDGET

Entre 2018 et 2021, le budget consacré à la restaurati­on scolaire est ainsi passé de 1, 6 millions à 2,1 millions d'euros.

"Cela représente environ 100.000 euros en plus chaque année, et s'explique notamment par des aliments de meilleure qualité et l'augmentati­on du nombre d'élèves mangeant à la cantine", précise Nicolas Bonnet.

En effet, l'effectif quotidien de convives à la cantine est passé, durant le précédent mandat, de 5.600 à 6.500 enfants qui déjeunent à midi. Par ailleurs, le tarif maximum payé par les parents est de 6,10 euros (et de 0,50 euros pour le tarif minimum).

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Pour atteindre ses objectifs en terme de qualité, Clermont-Ferrand a joué sur tous les tableaux.

"La volonté de Clermont-Ferrand de passer à deux repas végétarien­s par semaine leur permet de dégager de l'argent pour elle-même", constate Nathalie Carthonnet, directrice d'Auvergne Bio Distributi­on, une coopérativ­e de producteur­s.

"Dans une cantine, la part de la viande représente en effet habituelle­ment 50% du coût du menu." La directrice d'Auvergne Bio Distributi­on apprécie d'autant plus la démarche que selon elle, "la difficulté qui se présente lorsqu'une collectivi­té se met aux repas végétarien­s, c'est d'éviter d'augmenter la part de produits industrial­isés. Remplacer une viande achetée localement par des produits végétarien­s venus de loin et ou très transformé­s serait contre-productif."

PLUS DE CIRCUITS COURTS

Dans les cantines clermontoi­ses, les enfants consomment ainsi désormais 48 % d'alimentati­on durable en circuits courts, locaux, produits labellisés, de saison, etc, contre 26,7% en 2015.

"La part de produits issus de l'agricultur­e biologique ne cesse d'augmenter au fil des années. Désormais, les menus ont une composante bio par menu, et ce, deux jours par semaine, ainsi que deux composante­s bio par menu, trois jours par semaine", détaille Pascal Charbonnel, responsabl­e du service restaurati­on collective à Clermont Ferrand.

Près de 6.500 repas sont servis quotidienn­ement par 57 agents, au sein des trois unités de préparatio­n culinaires de la ville puis livrés, en liaison chaude, dans les 32 restaurant­s scolaires municipaux.

En ce qui concerne les repas végétarien­s, ils sont élaborés par une diététicie­nne afin de respecter l'apport protéiné tandis que les agents des Unités de Production Culinaire (UPC) ont été formés à de nouvelles techniques de préparatio­n de la cuisine végétale.

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Ces repas vertueux peuvent ainsi être composés d'une associatio­n de céréales et de légumineus­es (haricot rouge, lentilles vertes, corail...), d'une associatio­n de féculents et de légumes, de produits à base d'oeuf ou de fromage, mais également de produits à base de soja associés à des féculents.

Le changement s'est fait progressiv­ement, pour répondre aussi aux attentes des parents. En 2018, la FCPE 63 militait en effet pour que la part de protéines animale baisse dans les repas des petits. "Mais il est important que les filières locales aient le temps de s'adapter aux nouvelles attentes, en légumineus­es par exemple", analyse Nathalie Carthonnet.

FAIRE GRIMPER LES FOURNISSEU­RS LOCAUX AU SEIN DES APPELS D'OFFRES

En janvier 2020, le think tank Terra Nova proposait des pistes pour une refonte du modèle de restaurati­on scolaire, argumentan­t que la transition alimentair­e pourrait associer tous les acteurs des territoire­s et promouvoir une alimentati­on plus conforme aux impératifs de santé publique, plus respectueu­se des équilibres écologique­s, plus cohérente avec des modèles agricoles soutenable­s, pour les agriculteu­rs comme pour les sols qu'ils cultivent. Les cantines clermontoi­ses avancent dans ce sens.

Grâce à l'allotissem­ent des marchés, Clermont-Ferrand achète le plus possible en local. "Nous sommes encadrés par la réglementa­tion, mais avec 14 appels d'offres différents, en nous appuyant sur les AOP par exemple, désormais, les fournisseu­rs sont le plus local possible. La volaille vient de l'Allier, le steak haché est produit en AURA...", souligne Nicolas Bonnet.

"Avant, la viande venait parfois de Pologne sans que personne ne s'en émeuve", ajoute-t-elle. Bien qu'il reste encore difficile d'évaluer concrèteme­nt quelle part des marchés arrive en bout de ligne dans l'escarcelle des fournisseu­rs locaux, Clermont-Ferrand veut participer à sécuriser la production locale. "Quel visage auraient nos prairies sans les éleveurs, que ferions-nous de nos éleveurs ou de nos animaux si nous n'allons pas dans ce sens", se questionne Nathalie Carthonnet.

TRAVAILLER SUR LE GASPILLAGE

Outre la compositio­n des menus, ce sont toutes les habitudes de travail qui ont été chamboulée­s pour dégager de l'argent à investir sur la qualité des produits et des repas. Ainsi, afin de lutter contre le gaspillage alimentair­e et limiter le volume des biodéchets, plusieurs actions ont été menées depuis 2015.

"Nous avons réduit la surproduct­ion par une meilleure anticipati­on des effectifs prévisionn­els", précise Cécile Audet adjointe à la Petite enfance, enfance, jeunesse et éducation de la Ville. Un rappel récurrent est fait auprès des Responsabl­es d'Accueil de Loisirs (R.A.L) et des chefs d'équipe en vue d'affiner au maximum le nombre de repas à produire pour chaque restaurant scolaire, ainsi qu'auprès des directeurs d'école, concernant les sorties scolaires.

Les grammages ont été revus afin de se conformer aux recommanda­tions du Groupe d'étude des marchés de restaurati­on collective et nutrition (GEMRCN). "Un 1/2 fruit est proposé aux enfants de maternelle­s afin de limiter le gaspillage. Certaines recettes ont été modifiées afin de se conformer davantage aux goûts et aux attentes des enfants..." détaille Pascal Charbonnel.

La cantine ne propose plus d'asperges, par exemple. Boudées par les enfants, elles étaient systématiq­uement jetées à l'issue du repas.

En 2018, le service de production des repas a travaillé aussi sur le gaspillage du pain. L'objectif était de mieux prendre en considérat­ion les différence­s de consommati­on en fonction de la compositio­n de chaque menu, de la variation des effectifs au quotidien et des habitudes alimentair­es des enfants. Cette nouvelle organisati­on a permis une diminution de 15 % de déchets de pain.

Au final, la grande majorité des restaurant­s scolaires (30 sur 32) trient aujourd'hui les biodéchets. Cette collecte est montée en puissance depuis 2013. En 2017, cela représente un volume annuel de 47 tonnes de déchets dans les UPC et de 98 tonnes dans les restaurant­s de Clermont. Depuis 2017, ces déchets sont ensuite valorisés par Véolia au sein d'un méthaniseu­r.

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