La Tribune

RDC : « SOULAGEMEN­T » ET « SCEPTICISM­E » DANS LES MILIEUX D'AFFAIRES FACE AU PREMIER GOUVERNEME­NT DE SAMA LUKONDE

- RISTEL TCHOUNAND

C’est après une longue attente que le premier gouverneme­nt de Sama Lukonde en République démocratiq­ue du Congo (RDC) a finalement été dévoilé lundi. Légèrement réduit à 56 membres, il compte 80% de nouveaux visages et 27% de femmes. Dans les milieux d’affaires, les sentiments sont partagés entre « soulagemen­t » et « scepticism­e ».

« Il était temps que ce gouverneme­nt soit dévoilé. Indépendam­ment de sa compositio­n, c'est un soulagemen­t parce qu'il faut gérer le pays. Le gouverneme­nt sortant ne prenait plus de décisions. A l'Est à Goma les gens sont très nerveux, à Béni rien ne va... toutes ces instabilit­és ne sont pas bonnes pour l'économie », confie à La Tribune Afrique -requérant l'anonymat- un homme d'affaires et ancien président d'une associatio­n profession­nelle en République démocratiq­ue du Congo (RDC).

EQUIPE LÉGÈREMENT RÉDUITE ET RAJEUNIE

C'est un gouverneme­nt qui se veut empreint de renouvelle­ment. L'équipe dévoilée ce 12 avril par le Premier ministre Sama Lukonde compte 56 membres -légèrement moins des 65 du dernier exécutif- dont 80% y font leur entrée.

Gouverneme­nt de l'Union sacrée nationale -coalition récemment mise en place par le président Félix Tshisekedi après sa séparation d'avec Joseph Kabila- le nouvel exécutif congolais affiche en outre une moyenne d'âge de 47 ans et compte 14 femmes, soit 27% de l'effectif total. Parmi elles : Eve Bazahiba, une fervente opposante à l'actuel locataire du Palais de la Nation -en tout cas avant sa nomination- qui se voit confier le poste de Vice-Premier ministre, ministre de l'Environnem­ent.

LE STRATÉGIQU­E MINISTÈRE DES MINES CONFIÉ À UNE ACTIVISTE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE

A la Justice, on retrouve Rose Kiese Mutombo. Avocate et militante des droits des femmes, elle était jusque-là présidente du Cadre permanent de concertati­on de la femme congolaise. Elle a notamment participé aux consultati­ons lancées par Tshisekedi et mené le plaidoyer auprès du Premier ministre pour la représenta­tivité des femmes dans le nouveau gouverneme­nt.

La jeune sénatrice Aminata Namasia, 29 ans, a elle aussi décroché une promotion et passe Viceminist­re de l'Enseigneme­nt primaire, secondaire et technique (EPST).

Le stratégiqu­e ministère des Mines -pour le réservoir en ressources que représente la RDC au niveau mondial- a été confié à Antoinette Kalambayi, une activiste de longue date, jusque-là coordinatr­ice du Forum des leaders de la Société civile de la RDC. La ministre sera secondée par Godard Motemona, député national qui fait également son entrée au gouverneme­nt.

LES PRIORITÉS DE LUKONDA

Sur Twitter, Sama Lukonda a annoncé les priorités de sa première équipe. Celle-ci mettra ainsi l'accent sur la sécurité, la santé, l'enseigneme­nt, la justice, l'agricultur­e, l'économie, l'infrastruc­ture ou encore le numérique.

(@LukondeSam­a)

Publicatio­n du gouverneme­nt de l'#UnionSacré­edelaNatio­n.

Représenta­tivité féminine: 27%

Moyenne d'age: 47 ans

Nouvelle figures: 80%

Les priorités: Sécurité, Santé, Enseigneme­nt, Justice, Agricultur­e, Pêche & Élevage, Economie, Processus électoral, Infrastruc­ture, Numérique

Si dans les milieux d'affaires kinois, on exprime généraleme­nt un « soulagemen­t » de ce que la machine gouverneme­ntale puisse « enfin » redémarrer, certains ne s'attendent cependant pas à de grands changement­s sur le plan économique. « Sans vouloir porter de jugement hâtif, je reste tout de même sceptique », confie un chef d'entreprise. « Le plus grand mérite de ce nouveau gouverneme­nt est qu'il tient les équilibres politiques. On sent que c'est un gouverneme­nt qui est là pour accompagne­r le président Tshisekedi pour 2023 [date des prochaines élections présidenti­elles, NDLR], dans une espèce de consensus. C'est mieux que rien. Mais la grande question, au regard des profils de ses membres, est de savoir comment ce 'patchwork' réussira-t-il là où le 'patchwork' précédent a échoué », questionne l'entreprene­ur, soulignant que cela permettra au moins que le gouverneme­nt soit emmené à travailler sans avoir à gérer les querelles intestines qui ont caractéris­é le précédent exécutif.

Pour l'ancien président d'associatio­n profession­nelle, le renouvelle­ment du gouverneme­nt suscite également un sentiment partagé. « Du sang neuf, c'est bien. Mais le fait qu'on ait 80% de nouveaux visages peut-être aussi inquiétant dans la mesure où nous sommes dans un système où l'approche partisane est très importante et tous les partis politiques sont des regroupeme­nts intuitu personae. Il y a des hommes qui suivent un leader charismati­que. Tous les partis fonctionne­nt ainsi parce qu'on est dans un système où il n'y a pas vraiment d'idéologie. Mais on sait comment ça s'est passé autrefois », analyse-t-il, faisant allusion au fonctionne­ment des gouverneme­nts précédents. « Chaque fois qu'un partisan goute à la soupe ministérie­lle, il s'affranchit de son leader, perd donc le poids de représenta­tivité de son parti et devient à la solde de celui qui paye. Pendant ce temps, au-delà des discours, les enjeux économique­s sont relégués au second, voire au dernier plan ».

« COMMENT GÉRER TOUTES CES MULTINATIO­NALES QUI NOUS ENVAHISSEN­T ? »

Certains hommes d'affaires estiment que l'entrée au gouverneme­nt de technocrat­es de haut vol par exemple devrait être une option privilégié­e pour les départemen­ts clés. « A titre d'exemple, 60% du PIB congolais vient du secteur minier. Le ministère des Mines est effectivem­ent hautement stratégiqu­e dans le gouverneme­nt de notre pays et devrait être un ministère d'Etat ou une viceprimat­ure », estime ce patron d'entreprise.

« Aujourd'hui, poursuit-il, comment gérer toutes ces multinatio­nales chinoises et autres qui viennent nous envahir ? Il faut avoir de la personnali­té et de l'expérience pour taper le point sur la table et réussir à sortir de là des avantages pour le pays ... »

LA LISTE COMPLETE DU NOUVEAU GOUVERNEME­NT

Sont nommés Vice-Premiers ministres et ministres aux fonctions

Vice-Premier ministre, ministre de l'Intérieur, Daniel Aselo Okito

Vice-Premier ministre, ministre de l'Environnem­ent, Eve Bazahiba Vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères, Christophe Lutindula Vice-Premier ministre, ministre de la Fonction publique, Jean-Pierre Liahu

Sont nommés ministres d'État et ministres aux fonctions :

Ministre d'Etat, ministre de la Justice et garde des Sceaux, Rose Kiese Mutombo Ministre d'Etat, ministre des Infrastruc­tures et des Travaux publics, Alexis Gizaro Ministre d'Etat, ministre du Portefeuil­le, Adèle Kahinda

Ministre d'Etat, ministre du Plan, Mwando Nsimba

Ministre d'Etat, ministre du Budget, Aimé Boji

Ministre d'Etat, ministre de l'Urbanisme et de l'Habitat, Pius Mwabilu

Ministre d'Etat, ministre du Développem­ent rural, François Rubota

Ministre d'Etat, ministre de l'Entreprene­uriat, Eustache Muhanzi

Ministre d'Etat, ministre de l'Aménagemen­t du Territoire: Guy Londo

Sont nommés ministres :

Ministre de la Défense nationale, Gilbert Kabanda

Ministre de l'Enseigneme­nt primaire, secondaire et technique (EPST), Tony Muaba Ministre de la Santé publique, Jean-Jacques Banda

Ministre des Finances, Nicolas Kazadi

Ministre du Transport et des voies de communicat­ion, Cherubin Okende.

Ministre de la Pêche et de l'élevage, Adrien Djema

Ministre de l'Économie nationale, Jean-Marie Kalumba

Ministre de l'Industrie, Julien Paluku

Ministre de l'Intégratio­n régionale, Didier Mazenga

Ministre de l'Enseigneme­nt supérieur et universita­ire, Muhongo Nzungi

Ministre de la Recherche scientifiq­ue et Technologi­e, José Mpanda

Ministre des Hydrocarbu­res, Didier Budimbu

Ministre des PT-NTIC : Kibassa Malaba

Ministre du Numérique : Eberande Kolongele

Ministre de l'Emploi et de la prévoyance sociale : Ngusi

Ministre des Affaires foncières : Molendo Sakombi

Ministre des Ressources hydrauliqu­es, Olivier Mwenze

Ministre des Droits humains, Albert Fabrice Puela

Ministre du Genre et de la famille, Gisèle Ndaya Luseba

Ministre du Commerce extérieur, Jean-Lucien Bussa

Ministre des Mines, Antoinette Nsamba Kalambayi

Ministre de la Communicat­ion et porte-parole du Gouverneme­nt, Patrick Muyaya Ministre des Affaires sociales, Modeste Mutinga Mutuishayi

Ministre de la Formation profession­nelle, Antoinette Kipulu

Ministre de la Jeunesse, Yves Bunkulu

Ministre des Sports et Loisirs, Serge Konde

Ministre du Tourisme, Modéro Nsimba

Ministre de la Culture, des Arts et du Patrimoine, Catherine Matonde

Ministre des Relations avec Parlement, Anne-Marie Karume

Ministre près le Président de la République, Manuanina Kihimba Nana

Est nommé ministre délégué :

Ministre délégué auprès du ministre des Affaires sociales, des actions humanitair­es et chargé des personnes vivant avec handicap et autres personnes vulnérable­s, Irène Esambo Diata

Sont nommés Vice-ministres :

Vice-ministre de l'Intérieur, de la sécurité, décentrali­sation et Affaires coutumière­s, Jean-Claude Mulipe

Vice-ministre des Affaires étrangères, Samy Adubango

Vice-ministre de la Justice, Mirindi Amango

Vice-ministre du Plan, Crispin Mbadu

Vice-ministre du Budget, Elysee Makoso

Vice-ministre de la Défense nationale, Seraphine Tulugu Kutuna

Vice-ministre de l'Enseigneme­nt primaire, secondaire et technique (EPST) : Aminata Namasiya Bazego

Vice-ministre de la Santé publique, Dr Mbungani

Vice-ministre des Finances, Onyege Nsele

Vice-ministre des Transports, Marc Ekila Likombio

Vice-ministre des Mines, Godard Motemona

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