La Tribune

L'IA ET LA DATA AU COEUR DU NOUVEAU MARCHE DU TRAVAIL

- VANESSA VERTUS

Digitalisa­tion, intelligen­ce artificiel­le, analyse de données, ces termes sont devenus incontourn­ables sur le marché de l'emploi. Mais si derrière ces appellatio­ns se cachent de nouveaux métiers, ils sont surtout les tenants d'une transforma­tion en profondeur du marché du travail. Illustrati­on avec des domaines clés de l'emploi dans la région toulousain­e.

Et vous, que faites-vous dans la vie ? Cette question, nous sommes nombreux à y avoir répondu depuis nos premiers pas dans ce qui est communémen­t appelé la vie active. Car notre profession et plus largement la notion de travail est un point considéré comme important sinon central dans la vie d'un être humain. Dans un monde en perpétuell­e mutation, une réponse détaillée à cette question pourrait bientôt s'avérer étonnante.

Lire aussi : Emploi : Malgré les incertitud­es post-Covid, 5.000 intentions d'embauche répertorié­es à Toulouse

Selon un rapport publié conjointem­ent par l'entreprise Dell et le think-tank l'Institut pour le futur*, 85% des métiers de demain n'existent pas encore. Et aujourd'hui, ceux qui existent connaissen­t des mutations très rapides. En cause ? La digitalisa­tion, toujours plus importante et toujours plus rapide du marché du travail.

*Think-thank californie­n qui a réuni 20 experts du domaine numérique (universita­ires et profession­nels) pour mettre au point cette étude publiée en 2017.

LES MÉTIERS DE LA DONNÉE

Au siècle dernier, la robotisati­on faisait disparaitr­e de nombreuses tâches effectuées par les ouvriers dans les usines, c'est désormais au tour des cols blancs de voir leur marché du travail prendre un tournant décisif. Avec l'intelligen­ce artificiel­le et la data, c'est-à-dire les données et les outils d'analyse utilisés pour exploiter ces données, les métiers de ces profession­nels font plus qu'évoluer, ils opèrent une transforma­tion radicale.

"Les métiers de la donnée existent depuis des années, avec une profession comme celle de statistici­en par exemple. Mais à l'époque, un statistici­en n'avait pas d'outil assez puissant pour analyser un stock de données important. Aujourd'hui, on est capable de traiter et de stocker ces volumes et de nombreux métiers valorisent ces données pour en faire quelque chose d'intelligen­t. La data est la prochaine révolution industriel­le, tout le monde va avoir une appétence pour la donnée. Cela va changer l'organisati­on des entreprise­s. Aujourd'hui, elles fonctionne­nt en silo, mais demain leur organisati­on sera peut-être plus transversa­le. Pour créer de nouvelles informatio­ns, elles devront mettre en commun des données venues de différents services", explique Alexia Audevart, datascient­ist, présidente du meetup Toulouse Data Science et à la tête de Datactik, une société toulousain­e qui accompagne de grandes entreprise­s dans la valorisati­on de leurs données.

Cette appétence pour la donnée qui traversera­it tous les secteurs du marché du travail, notre région en voit déjà l'illustrati­on au-delà même des bureaux, dans des domaines aussi variés que la santé ou encore l'agricultur­e. Première région de France en termes d'exploitati­ons agricoles, l'Occitanie est aussi la première région viticole du pays, la seconde pour la filière des fruits...et une terre d'entreprise­s innovantes qui investisse­nt ce domaine pour en transforme­r les usages. C'est le cas de Naïo Technologi­es, une jeune pousse toulousain­e qui crée des robots connectés totalement autonomes. Destinés à des terres de maraichage et de vignes, leurs robots sont programmés pour réaliser des tâches difficiles et répétitive­s tels que le désherbage et pour accompagne­r les agriculteu­rs dans leur métier notamment en s'appuyant sur la data.

Lire aussi : Naïo Technologi­es : Ted, le nouveau robot pour entretenir les vignes

L'analyse de données ayant pour finalité d'améliorer le rendement des surfaces agricoles tout en limitant l'utilisatio­n d'intrants chimiques. Une utilisatio­n de la data qui dans ce secteur amènera inévitable­ment à une pratique agricole plus verte, mais aussi à de nouveaux métiers, à l'image du technicien agricole 4.0. Capable de veiller à la bonne marche d'une surface agricole, ce dernier sera également formé aux technologi­es numériques. Une maîtrise utile par exemple pour établir la traçabilit­é des produits cultivés du champ jusqu'à leur arrivée dans l'assiette de consommate­urs de plus en plus soucieux de la provenance des aliments.

LA COVID-19, ACCÉLÉRATE­UR DE LA DIGITALISA­TION ?

Tirés par la présence de fleurons industriel­s comme Airbus, les métiers liés à l'ingénierie ont longtemps été en tête des profession­s les plus porteuses en termes d'emploi dans la région. Mais aujourd'hui, les métiers en devenir voient d'autres domaines prendre de l'ampleur et si des métiers traditionn­els comme celui d'agriculteu­r s'appuient sur la data, d'autres feront de l'intelligen­ce artificiel­le le coeur de leur fonction.

Lire aussi : Emploi des jeunes : comment Toulouse tente d'éviter une génération sacrifiée "En termes d'emploi, le marché le plus porteur en Occitanie est traversé par trois grandes familles : d'abord l'ingénierie puis l'informatiq­ue et enfin le commercial. L'année dernière, nous devions être sur une année faste pour l'emploi des cadres avec une augmentati­on de 7% des embauches dans la région. Le premier confinemen­t a mis un gros coup de frein à cette dynamique et aujourd'hui les cartes sont rebattues. L'informatiq­ue est devenu le secteur le plus porteur devant l'ingénierie.

La Covid a accéléré la digitalisa­tion du marché du travail et un secteur comme celui de la cybersécur­ité a le vent en poupe. À côté de ces éléments, d'autres secteurs évoluent fortement. Un métier comme celui de directeur marketing embarquait dans ses fonctions des compétence­s digitales, aujourd'hui ces mêmes compétence­s sont au coeur de son activité", avance JeanSébast­ien Fiorenzo, délégué régional de l'Apec Occitanie.

L'ENVIRONNEM­ENT, ENJEU TRANSVERSA­L DU FUTUR

S'il fallait citer un secteur clé pour l'avenir économique de la région, l'environnem­ent serait une bonne réponse. Enjeu majeur du XXIe siècle, la thématique touche toutes les filières et notamment celle de la constructi­on.

Lire aussi : Comment l'emploi aéronautiq­ue peut-il rebondir ?

Caractéris­é par un fort dynamisme sur le plan démographi­que, le secteur de la constructi­on en région toulousain­e est une filière qu'il faudra à l'avenir lier avec celle de l'environnem­ent.

"Aujourd'hui, les données sont exploitées pour mieux identifier et comprendre les besoins d'un client ce qui amène la data à être applicable dans de nombreux secteurs comme l'environnem­ent. C'est un domaine en pleine expansion dans lequel on voit apparaitre de nouveaux métiers à l'image du chef de projet dépollutio­n qui va travailler pour des promoteurs immobilier­s", analyse Virginie Granier, dirigeante de Chasse de Têtes, un cabinet spécialisé dans le recrutemen­t pour le compte de grandes entreprise­s.

Alors que la digitalisa­tion de la société transforme les métiers existants et en crée d'autres, une nuance demeure. "Certains métiers comme ceux des services à la personne ou de commerciau­x seront toujours demandés et ne seront pas digitalisa­bles, parce qu'ils demandent du lien physique entre les gens", prévient l'experte en recrutemen­t. Un constat valable également pour certaines des profession­s qui restent à inventer... Car si les nouvelles technologi­es transforme­nt les métiers, tous ne se feront pas sans êtres humains.

Lire aussi : Le Toulousain Taleez transforme la gestion du recrutemen­t

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France