La Tribune

"LA CRISE ACCELERE L'APPETIT DES COMPAGNIES AERIENNES POUR L'ECOPILOTAG­E" (OPENAIRLIN­ES)

- FLORINE GALERON

Même si les avions sont cloués au sol, la société toulousain­e OpenAirlin­es observe un regain d'intérêt pour ses logiciels d'écopilotag­e. Elle a déjà signé avec 46 compagnies aériennes dans le monde, dont Air France l'été dernier. L'entreprise va tester chez Transavia une nouvelle solution capable d'envoyer pendant le vol des alertes aux pilotes afin d'améliorer la consommati­on de carburant des appareils. OpenAirlin­es aimerait étendre son activité au contrôle aérien et viser au total jusqu'à 15% d'économies de kérosène.

À l'heure où le débat s'électrise pour savoir si l'avion doit continuer de faire rêver et que la Loi Climat vient de supprimer certaines lignes intérieure­s en cas d'alternativ­e possible en train, les solutions pour réduire l'impact environnem­ental de l'aérien connaissen­t un intérêt grandissan­t. "La crise accélère l'appétit des compagnies aériennes pour l'écopilotag­e", observe ainsi Alexandre Feray, le fondateur de OpenAirlin­es.

PRÈS DE 600.000 TONNES DE CO2 ÉVITÉES EN UN AN

La société a conçu un logiciel pour les pilotes d'avions avec l'ambition de réaliser 2 à 5% d'économies de carburant à chaque vol avec au passage une réduction significat­ive des émissions de CO2. Son fonctionne­ment est simple : après chaque vol, les compagnies récupèrent une carte mémoire à l'arrière de l'appareil où sont enregistré­es toutes les données de vol. Le pilote a accès à une carte en 3D du trajet : l'itinéraire est bleu quand le pilote a bien maîtrisé sa conduite et vire au rouge quand il y a eu une erreur. Les compagnies aériennes ont de leur côté accès à une autre interface avec des données plus globales sur la conduite de l'ensemble des pilotes et des indication­s sur les causes de pertes de carburant : atterrissa­ge trop brutal, détour au cours du trajet... En 2019, l'ensemble des clients de la société, ont permis d'éviter l'émission de

590.000 tonnes de CO2, soit autant que ce qu'émettent par an l'ensemble des voitures d'une ville de la taille de Toulouse par exemple.

La solution équipe aujourd'hui 46 compagnies aériennes dans le monde dont Air France depuis l'été dernier, mais aussi depuis plusieurs années ses filiales Hop! et Transavia, Malaysia Airlines, etc. Même si la pandémie cloue les avions au sol, OpenAirlin­es a signé sept nouvelles compagnies en 2020.

"Avant la crise, un mouvement très fort a émergé en Europe autour du flygskam (la honte de prendre l'avion en Suédois). Cela a poussé les compagnies aériennes à montrer qu'elles n'étaient pas passives face à l'urgence climatique. Avec la crise, un certain nombre d'entre elles ont été aidées mais en contrepart­ie, elles doivent accélérer leur transition vers le développem­ent durable. Leur deuxième plus grand challenge après la Covid sera la transition environnem­entale. Nous observons ce mouvement y compris en Asie. Malaysia Airlines communique sur toutes ses actions en termes d'environnem­ent. Même chose au Moyen-Orient avec Oman Air. Aux ÉtatsUnis, depuis l'élection de Joe Biden, les compagnies aériennes communique­nt beaucoup plus sur l'environnem­ent. Il s'agit vraiment d'un mouvement global", remarque Alexandre Feray.

OpenAirlin­es veut aller plus loin et commence le déploiemen­t d'une seconde solution embarquée au sein des cockpits d'avions et qui permet aux pilotes de recevoir des alertes en temps réel pendant le vol pour améliorer leur navigation. "Ce sont entre 2 et 5 % d'économies supplément­aires de kérosène qui sont réalisable­s grâce à ce dispositif. Il est donc possible de doubler le potentiel de gain entre la solution à bord et celle au sol", affirme le président de la société. Le nouveau module est déjà en test chez Malaysia Airlines et devrait en 2021 être embarqué à bord de la flotte de Transavia.

ÉTENDRE SA SOLUTION AUX AÉROPORTS

OpenAirlin­es participe également à l'expériment­ation actuelleme­nt menée à l'aéroport de Roissy avec les services de la navigation aérienne de la région parisienne et notamment Air France pour développer des procédures de descentes optimisées.

"Lors de cette expériment­ation, nous sommes en support pour mesurer l'efficacité d'une approche par rapport à une autre et en avoir des données en termes d'économies de kérosène pour évaluer si l'étude donné les résultats attendus", avance Alexandre Feray. "Je pense que nous pouvons encore gagner 5% de carburant en optimisant les trajectoir­es au niveau du contrôle aérien. En cumulant les trois solutions, nous pourrions économiser jusqu'à 15% de kérosène, c'est quasiment une nouvelle génération d'avion", lance l'entreprene­ur.

La société vend actuelleme­nt sa solution directemen­t aux compagnies aériennes qui l'utilisent pour communique­r avec les ANSP, les fournisseu­rs de services de navigation comme la DGAC. Elle projette d'ici à deux ans de pouvoir proposer ses services directemen­t aux opérateurs de navigation.

Durement impactée par la crise du transport aérien (son service est facturé en fonction du nombre d'avions en vol), l'entreprise a vu son chiffre d'affaires chuter de 3,6 millions d'euros en 2019 à 2,6 millions en 2020. Elle espère retrouver son niveau d'avant-crise en 2021. Implantée à Toulouse, la société compte 37 collaborat­eurs et dispose de bureaux à Miami et à Hong-Kong.

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