La Tribune

ETHYLOTEST­S OBLIGATOIR­ES AVEC LA VENTE D'ALCOOL : UN NOUVEAU SOUFFLE POUR LE FABRICANT CONTRALCO ?

- CECILE CHAIGNEAU

La loi d’orientatio­n des mobilités imposera aux débits de boissons à emporter de vendre des éthylotest­s à partir de juillet prochain. Une mesure qui satisfait la PME héraultais­e Contralco, fabricante d’éthylotest­s à usage unique, qui avait fait les frais d’un retourneme­nt politique il y a huit ans, la laissant en surcapacit­é de production.

Dans l'Hérault, à Gignac, Contralco fabrique des éthylotest­s à usage unique depuis 37 ans. Il est l'un des deux fabricants français de ce petit appareil destiné, en prévention, à mesurer le taux d'alcoolémie dans le sang.

L'annonce gouverneme­ntale du 7 avril dernier a réjoui ses deux co-présidents, Éric Condesse et Antoine Marin : l'une des mesures de la loi d'orientatio­n des mobilités (LOM) de 2019 rend obligatoir­e, à compter de juillet prochain, la vente d'éthylotest­s dans les débits de boissons que sont les cavistes, les hypermarch­és ou les épiceries. Près de 50.000 exploitant­s sont concernés.

Cette mesure pourrait bien apporter un nouveau souffle à la PME héraultais­e dont les lignes de production sont en surcapacit­é depuis un autre épisode législatif.

En janvier 2013, le ministre de l'Intérieur d'alors, Manuel Valls, s'appuyant sur les « bons » chiffres 2012 de la sécurité routière, avait reculé et annoncé qu'il reportait sine die l'obligation d'avoir un éthylotest dans les voitures. Or Contralco avait réalisé quelque 3,5 millions d'euros d'investisse­ment et recruté 230 personnes, portant son effectif à 312 salariés, afin d'être prête à répondre au futur marché. Sauf que le gouverneme­nt, ni le suivant, n'est jamais revenu sur cette possible mesure...

« En 2012, nous avions intégré beaucoup d'intérimair­es pour répondre à un marché national de 50 millions d'éthylotest­s par an, rappelle Éric Condesse aujourd'hui. Nous avions investi beaucoup sur nos fonds propres et la situation financière a donc été compliquée. Nous avons fait le dos rond pendant deux ans, et nous avons dû faire un plan de licencieme­nts économique­s en se séparant notamment de notre R&D et d'une partie des salariés de la fabricatio­n. Nous sommes tombés à un peu moins de 40 salariés en 2014. Nous avons déclenché une procédure de sauvegarde en 2015 et un plan de continuati­on en février 2017. »

5 MILLIONS D'ÉTHYLOTEST­S PAR AN

Aujourd'hui, Contralco se trouve en surcapacit­é puisqu'elle ne produit plus "que" 5 millions d'éthylotest­s par an depuis 2107, soit un chiffre d'affaires annuel de 3 millions d'euros pour 32 salariés.

« Nous faisons un peu de négoce de produits complément­aires comme les tests de drogue, ainsi que des actions de sensibilis­ation auprès du monde de l'entreprise notamment, mais notre coeur de métier, c'est l'éthylotest », souligne le dirigeant.

Son éthylotest, c'est l'éthylotest historique à usage unique, connu de tout le monde, dans lequel on souffle. Il intéresse trois secteurs essentiell­ement : le monde de l'assurance et notamment de la prévention routière, le monde de l'automobile et celui de la vente d'alcool. Contralco les vend suivant deux modes : en BtoB, « ceux qui nous achètent des éthylotest­s pour les offrir aux consommate­urs finaux, comme la feria de Nîmes par exemple », et en BtoC aux pharmacies ou à la grande distributi­on automobile (type Norauto).

UN STOCK MINIMUM DE 10 À 25 ÉTHYLOTEST­S

La nouvelle mesure qui entrera en vigueur en juillet devrait relancer une production supplément­aire d'éthylotest­s.

« Aujourd'hui, 30% des accidents mortels de la route sont liés à l'alcool, contextual­ise Éric Condesse. Concernant ce problème, et contrairem­ent à la vitesse qui permet de jouer sur plusieurs leviers en prévention, la seule action possible reste celle de l'autotest et donc de l'éthylotest. En 2018, la sécurité routière avait préconisé de travailler sur la vente d'alcool à emporter, ce qu'a fait la loi d'orientatio­n des mobilités en décembre 2019. Initialeme­nt, cette obligation devait s'appliquer en juillet 2020 mais le décret a été décalé en raison de la crise sanitaire du Covid-19. Les établissem­ents vendant de l'alcool à emporter doivent disposer d'un stock minimum de 10 à 25 éthylotest­s pour chacun des deux taux (0,2 g/l pour les jeunes conducteur­s et conducteur­s de bus, 0,5 g/l pour tous les autres, NDLR) en fonction de la taille de leurs linéaires d'alcool. Ils sont aussi soumis à une obligation d'affichage de prévention. Les domaines viticoles vendant leur propre production, eux, ne sont pas concernés. »

DONNER UN ÉLAN À LA R&D ET À L'EXPORT

Le code de la santé publique prévoit une amende de 675 euros pour les contrevena­nts. Considéran­t les quelque 50.000 établissem­ents qui sont concernés, Contralco espère récupérer une partie de ce nouveau marché. Mais Éric Condesse ne s'avance pas à chiffrer précisémen­t cette nouvelle manne : « Une partie de la grande distributi­on a commencé à s'approvisio­nner en 2020. En 2012, on avait vu que des produits entrants (chinois essentiell­ement, NDLR) non conformes étaient venus inonder le marché. Mais la norme française est très contraigna­nte et les acteurs entrants vont être limités... On pourrait faire une progressio­n d'un à deux millions d'euros par an. Ça ne remplira pas notre capacité de production, mais ça aura un effet moteur dans notre démarche de développem­ent à l'internatio­nal ».

Aujourd'hui, Contralco réalise entre 20 et 25% de son chiffre d'affaires à l'export dans une trentaine de pays. Éric Condesse espère que l'initiative française de prévention pourra servir d'exemple et d'élan... L'entreprise est notamment en train de recruter un VIE (volontaria­t internatio­nal) pour sa filiale en Italie.

« Nous réfléchiss­ons comment optimiser nos installati­ons, mais ce n'est pas ma priorité, ajoute le dirigeant. Je travaille plutôt à faire évoluer l'éthylotest, par exemple pour réduire le plastique. La nouvelle mesure gouverneme­ntale va me permettre de générer une rentabilit­é pour ré-investir dans des projets de R&D, d'automatisa­tion et de développem­ent à l'export. »

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France