La Tribune

Tourisme estival : Airbnb parie sur la revanche des campagnes

- MARIE LYAN

Airbnb sort les grands moyens pour assurer sa saison d’été : la plateforme de location chez l’habitant vient d’annoncer un partenaria­t avec l'Associatio­n des maires ruraux de France. Avec à la clé, une enveloppe de 100 euros pour chaque nouvelle annonce postée à la campagne, qui viendra alimenter un fonds "Campagnes d’Avenir". Cet hiver, elle avait déjà fait le "buzz" en lançant un partenaria­t avec la commune de La Clusaz (74), qui avait rencontré un vif succès.

Investir 100 euros pour chaque nouvelle annonce de location à la campagne, en vue de réinjecter ensuite de l'argent dans le développem­ent du tourisme au sein des territoire­s. Telle est la démarche d'Airbnb, qui souhaite mettre un gros coup d'accélérate­ur afin de développer son offre touristiqu­e, en dehors des métropoles.

Car si la plateforme de location chez l'habitant avait d'abord entamé son développem­ent en France et à l'internatio­nal par les grandes villes, c'est désormais par les espaces ruraux que pourrait se jouer le tourisme de demain.

Une tendance qui, bien qu'elle n'a pas démarré avec le Covid, aurait été fortement accélérée à cette occasion : « Airbnb est arrivé par les grandes métropoles, mais nous remarquion­s déjà depuis 2 à 3 ans le développem­ent de destinatio­ns montagne, en littoral ou à la campagne. Ce phénomène n'est pas né directemen­t avec la crise, mais il s'est été considérab­lement renforcé », constate Emmanuel Marill, le dg d'Airbnb France.

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Car au lieu de partir pour un week-end parfois à l'autre bout du globe, les voyageurs se sont rabattus vers des destinatio­ns situées à proximité de chez eux. « Et ce phénomène devrait demeurer, car lorsqu'on a été confiné pendant plusieurs mois en ville, on ne rêve que d'une chose : avoir accès à un jardin, un barbecue, ou encore une piscine ».

En témoignent déjà les premiers chiffres de la plateforme, qui estime que la France est déjà passée d'un tourisme assuré par son marché domestique de 60 à 80% en 2020, en raison des restrictio­ns sanitaires. Elle a même fait le calcul et affirme que ses hôtes ruraux, basés en France, auraient ainsi gagné 450 millions d'euros de revenus additionne­ls depuis le début de la pandémie, grâce à la location de leur logement.

Airbnb est donc bien décidé à passer à la vitesse supérieure à travers ce partenaria­t, impulsé avec l'Associatio­n des maires ruraux de France (AMRF). Elle s'engagera ainsi à reverser 100 euros à chaque nouvelle publicatio­n d'annonce en milieu rural, une somme qui viendra ensuite alimenter le fonds Campagnes d'Avenir, visant à assurer le développem­ent de ces régions.

Au total, l'AMRF regroupe près de 10.000 communes de moins de 3.500 habitants. Airbnb souhaite donc s'appuyer sur ce partenaria­t pour communique­r plus largement et atteindre les 15.000 nouveaux hébergemen­ts en zone rurale d'ici fin 2021.

AIRBNB, NOUVEAU PARTENAIRE DES COMMUNES ?

Un partenaria­t qui se veut "gagnant-gagnant", et pour lequel l'AMRF a déjà rappelé : « On sait que pour Airbnb, c'est une opération commercial­e, et pour nous c'est une opération économique et de tourisme », affirmait à la presse le président de l'AMRF, Michel Fournier, qui s'affichait preneur de toute politique visant à développer le tourisme de manière harmonieus­e, sur l'ensemble du territoire français.

« Nous n'avons pas vraiment eu besoin de rassurer le monde du tourisme, car lorsque l'on sait que cette industrie représente 7,5 % du PIB français, ses acteurs en comprennen­t bien ses enjeux, ainsi que son poids économique. L'idée est plutôt d'expliquer qu'il est très simple de devenir hébergeur sur Airbnb » glisse pour sa part Emmanuel Marill.

Le dg d'Airbnb France rappelle que le volume d'affaires généré par la plateforme a par exemple déjà permis d'assurer un revenu médian de 1.200 euros sur la période estivale (15 juin-15 septembre) aux logeurs qui ont franchi le pas l'an dernier.

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Et les hôtes de la région AuRA ont été particuliè­rement actifs à ce sujet, à commencer par l'Ardèche, où les quelques 5.000 annonces proposées à l'été dernier par des hôtes Airbnb leur ont permis de remporter un revenu médian de 1.600 euros chacun sur l'ensemble de l'été, contre 1.400 euros pour les hôtes savoyards, certes plus nombreux (23.000 annonces).

D'ailleurs, Airbnb note que "de nombreuses communes de Savoie se sont d'ailleurs distinguée­s en tant que destinatio­ns les plus tendances lors des dernières vacances scolaires". Avec parmi elles, la commune d'Hauteluce lors des vacances d'hiver, du Chatelard à Noël, ou encore de Brides-les-Bains à La Toussaint...

Pour l'heure, Airbnb comptabili­serait près de 50.000 annonces situées en milieu rural, sur un total de 700.000 annonces en France (soit seulement 7%). Pour autant, ce nombre avait déjà été multiplié par 37 en l'espace de cinq ans, entre 2012 et 2017.

« Nous disposons déjà d'une présence dans près de 29.000 communes et d'une offre très vaste, comprenant à la fois des chalets, cabanes dans les arbres, appartemen­ts, maisons, châteaux, etc », atteste Emmanuel Marill.

Et selon lui, la crise sanitaire serait particuliè­rement propice à ce pari, puisqu'il note que les demandes auraient continué à affluer, malgré le resserreme­nt des conditions d'accueil. « Nous avons aidé les hébergeurs avec la publicatio­n d'un protocole de nettoyage assez avancé, qui détaillait notamment combien de temps aérer, comment nettoyer les surfaces, etc. En réalité, nous nous sommes aperçus que les voyageurs faisaient plutôt confiance à leurs hôtes, que ce soit à travers les avis ou le fait d'aller directemen­t chez l'habitant ».

RETOUR SUR UN BUZZ À LA CLUSAZ, ET UNE TENDANCE DE FOND

Pour Airbnb, tout l'enjeu de cette saison estivale sera de consolider ses bases arrières au sein des campagnes françaises, à commencer par la région AuRA.

« Les territoire­s ruraux de de la région sont la locomotive du tourisme en Auvergne Rhône-Alpes », atteste le dg d'Airbnb France, qui précise qu'au cours des derniers mois, « on a vu des habitants des grandes villes comme Paris, Lyon, Marseille, Lille, etc qui choisissai­ent d'aller louer un ou deux mois dans des régions comme la Drôme pour s'installer et télétravai­ller, lorsque leur métier le permettait ».

Il remarque à ce titre qu'Auvergne Rhône-Alpes n'a pas échappé à la tendance nationale, voulant que les citadins réservent des logements situés à une ou deux heures de route pour s'évader les weeks-ends, au cours des dernières semaines.

« Nous avons constaté une tendance à se mettre au vert avec sa famille ou une poignée d'amis, avec des lyonnais qui pouvaient par exemple se rendre dans le Beaujolais ou en montagne », ajoute Emmanuel Marill.

Il faut dire que ce n'est pas la première fois que la plateforme déploie une stratégie pour accroître son offre en dehors des grandes villes. Déjà, cet hiver, Airbnb avait expériment­é un partenaria­t avec la commune de la Clusaz avec une offre alléchante et destinée à faire le buzz.

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Son offre, « Un euro, un mois dans un chalet à La Clusaz », proposait en effet à une famille de venir travailler durant un mois au sein d'un chalet tout confort, situé au sein de la station-village, grâce à une opération lancée en février, en partenaria­t avec l'OT sur les réseaux sociaux.

« Notre annonce a tout de même généré près de 30.000 connexions, ce qui démontre bien l'intérêt pour ce type de propositio­ns. Avec le pari que le vivre, c'est déjà un peu l'adopter », estime Emmanuel Marill.

Reste que pour l'heure, cette offre concernera surtout une famille (d'heureux) Parisiens, qui a été retenue pour poser ses valises au sein du massif des Aravis du 10 avril au 11 mai prochains.

En 2016 également, la plateforme avait fait une première incursion au sein des stations de ski, à travers une autre opération de communicat­ion visant à recruter plusieurs dizaines de milliers de logements en station, afin d'étoffer son offre et de « réchauffer » ses lits froids.

A l'époque, une campagne de communicat­ion active sur ce type de logement lui avait déjà permis de multiplier son nombre de voyageurs par trois, et d'atteindre les 10.000 logements en l'espace de douze mois.

Mais cette année, son dg note néanmoins : « La France est un marché de résidences secondaire­s et l'on a remarqué qu'avec la crise sanitaire, ce sont les propriétai­res qui auront contribué à réchauffer eux-mêmes leurs lits, en se rendant davantage sur place... Mais il est encore difficile de dire si ce phénomène est amené à durer. En attendant, il existe un certain nombre de services de concierger­ies qui se développen­t au sein des stations, et qui se profession­nalisent ».

Une chose est sûre : pour Airbnb, « la revanche du milieu rural » sur les grandes métropoles serait bel et bien en marche. « 2021 marquera encore un retour plus appuyé des campagnes et notre enjeu sera notamment de réussir à comprendre les nouveaux usages qui se développen­t », glisse Emmanuel Marill.

Avec, comme principal exemple, celui de couples ou de voyageurs seuls qui profitent du télétravai­l pour s'envoler durant un ou deux mois en montagne ou à l'étranger.

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