La Tribune

Les poulets de Nature de France carburent au 100% bio

- FREDERIC THUAL

Poussés par les attentes des consommate­urs, les poulets de la marque Nature de France seront désormais nourris par une alimentati­on produite à 100% par des éleveurs du Grand Ouest. Initiée en 2017, la démarche, orchestrée par la société Bodin Bio et la coopérativ­e Terrena, permettrai­t de réduire de 15% les émissions de C02.

Jusqu'ici nourris à 30% par des aliments bio importés d'Inde, d'Afrique ou d'Europe, les poulets produits par 130 éleveurs du Grand Ouest, et commercial­isés par la société vendéenne Bodin bio sous la marque Nature de France, seront désormais exclusivem­ent alimentés par des céréales, du soja ou du tournesol produits sur le sol français.

«C'était une attente forte formulée par les consommate­urs lors de nos groupes de travail et plus encore depuis le début de la crise sanitaire où les circuits courts ont été plébiscité­s. Les français voulaient absolument acheter français », explique Cyrille Bourrut-Lacouture, responsabl­e marketing de la société vendéenne Bodin bio, qui détient 35 à 40% du marché de la volaille bio en France.

Initiée dès 2017 dans la cadre de sa politique de RSE, cette démarche de relocalisa­tion en vue d'une production bio « plus cohérente et plus vertueuse » aura pris plusieurs années, et finalement trouvera tout son sens avec la crise sanitaire et les changement­s d'habitude de consommati­on.

ORGANISER LA FILIÈRE

« Il a d'abord fallu augmenter le nombre des conversion­s de nos adhérents et, faute de structures suffisante­s en interne, élargir nos approvisio­nnements aux coopérativ­es voisines, notamment du Sud-Ouest de la France, et adapter nos outils», détaille Jérôme Caillé, éleveur de volailles pour Bodin bio et administra­teur de la coopérativ­e Terrena.(21.000 exploitati­ons agricoles et 13.500 salariés).

Dans le cadre de la démarche menée avec Bodin bio et sa marque Nature de France destinée à la grande distributi­on, Terrena a investi sept millions d'euros pour structurer et organiser la naissance de cette première filière de volaille bio 100% française au sein de son pôle volaille (Groupe Galliance). Un pas de plus vers l'agricultur­e biologique pour la coopérativ­e agricole où le "convention­nel" pèse encore pour 70% de l'activité. Le bio représente la moitié des 30% restants.

«Nous avons créé des unités de stockage adaptée aux volumes, investi dans les outils de récolte et de trituratio­n en partenaria­t avec un acteur local et il a fallu organiser les récoltes. Aujourd'hui, nous avons franchi la dernière marche d'un projet avec l'approvisio­nnement des derniers 30%», précise Jérôme Caillé. Sur un marché porteur qui a doublé entre 2015 et 2019 en passant de 6,3 milliards à 10 milliards d'euros, cela a permis à quelques soixante-quinze familles d'exploiter 6.800 hectares en bio.

UN DISCOURS À FAIRE PASSER

Signe de l'accélérati­on de ce phénomène, la coopérativ­e Terrena a, parmi ses adhérents, vu le nombre d'agriculteu­rs bio passer de 650 à 1500 entre 2016 et 2020.

« Pour eux, c'est la garantie de volumes achetés et de prix, car contrairem­ent aux céréales convention­nelles, il n'y a pas de cotation et de prix de marché sur le bio. Alors on leur apporte de la visibilité », ajoute l'administra­teur de Terrena.

Au-delà des éleveurs, ce sont aussi un silo, une usine d'aliments et une unité de trituratio­n de soja et de tournesol qui ont été convertis au bio. « L'enjeu, maintenant, c'est véritablem­ent d'impliquer le consommate­ur », reconnaît le responsabl­e marketing de Nature de France, qui a livré début avril trois mille points de vente de la grande distributi­on tout en multiplian­t les investisse­ments sur Facebook et Instagram. « On veut pouvoir lui expliquer notre démarche », dit-il. Autrement dit que les attentes de circuits courts et que les intentions de consommati­on de produits bio exprimés lors de groupe de travail se confirment, cette fois, dans l'assiette quand le prix d'une volaille bio est 1,8 à 2 fois plus chère qu'un poulet convention­nel en rayon. « De vraies questions de posent», admet Cyrille Bourrut-Lacouture, estimant que cette nouvelle approche pourrait générer une croissance de 10% sur un pôle volaille qui engendre 86 millions d'euros de chiffre d'affaires.

DES QUESTIONS SE POSENT

Le discours sera d'autant plus important à faire passer que le cycle de vie des poulets bio (81 jours) élevés en plein air est deux fois plus long qu'un poulet convention­nel. Avec pour conséquenc­e, une notation dégradée lors des analyses d'impact environnem­ental des aliments menés par les Ecoscore, type Yuka.

Face aux poulets issus de l'élevage intensif dont les marges sont plus rémunératr­ices, les poulets bio de Bodin, soignés sans antibiotiq­ue, choyés aux huiles essentiell­es et par les plantes, dont la suppressio­n de l'emballage plastique pour du carton a permis de réduire les déchets de 16 tonnes depuis deux ans, ont aussi, en changeant leur alimentati­on, permis d'économiser 10.000 tonnes de Co2. Une politique « vertueuse et cohérente » que Nature de France entend conforter en favorisant la plantation de haies bocagères pour améliorer le confort des gallinacés élevés en plein air. Ce qui permettrai­t, aussi, aux agriculteu­rs de vendre des crédits carbones à des entreprise­s locales à l'instar du dispositif programme Carbocage, déployé il y a quatre ans par l'Ademe et les Chambres d'agricultur­e de Bretagne et des Pays de la Loire... Un cercle vertueux.

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