La Tribune

Passeport sanitaire : avons-nous pris les mesures nécessaire­s pour préserver la vie privée?

- JEAN-MICHEL TAVERNIER (*)

OPINION. Le passeport vaccinal ou certificat sanitaire, voulu par le commissair­e européen en charge des vaccins, destiné à permettre la libre circulatio­n des personnes devrait bientôt être une réalité. S’il ne faut écarter aucune tentative permettant un retour à « la normale », il convient aussi de ne pas céder à un excès d’optimisme qui ferait perdre tout sens critique… Sait-on seulement posée la question de la garantie de sécurité des données personnell­es de santé. (*) Par Jean-Michel Tavernier, regional director France de Ivanti

Dimanche 28 mars, Thierry Breton, commissair­e européen en charge des vaccins, a présenté les contours du certificat sanitaire ; muni d'un QR il permettra de retracer l'histoire médicale de chaque citoyen européen. Présenté comme un sésame non obligatoir­e, ce passeport sanitaire, disponible en format papier et numérique, sur les sites des ministères de la Santé de chaque pays de l'Union, pourra être demandé pour voyager, prendre part à une manifestat­ion importante ou entrer dans un lieu public. Le QR Code scanné permettra de contrôler si le détenteur du certificat a été vacciné contre la Covid, l'origine du vaccin reçu, s'il a déjà été porteur du virus, s'il dispose d'anticorps... Cela est bien dit, mais passé les polémiques et les prophéties de Sibylles de ces derniers jours, s'est-on posé la question de la garantie de protection de la vie privée, de la vulnérabil­ité aux cyberattaq­ues ou encore du taux d'équipement en téléphones portables des population­s ? J'ai bien conscience que le QR Code est un moyen simple de vérifier telle ou telle informatio­n. Mais qui dit moyen simple implique forcément des attaques simples à la portée de tous.

Chaque avancée technologi­que s'accompagne, presque inéluctabl­ement, de son travers. Comprenez que la démocratis­ation ou proliférat­ion des QR Code à venir s'accompagne­ra de tentatives de vols des données. Tous les secteurs, de la grande distributi­on aux soins de santé, ont capitalisé sur les avantages du QR Code, oubliant parfois les dangers qu'il représente. Les gouverneme­nts et les entreprise­s le perçoivent comme un moyen simple et rapide de relier les personnes à des sites web, des campagnes promotionn­elles, des réductions en magasin, des dossiers médicaux, des paiements par téléphone portable, entre autres usages.

Si le piratage d'un véritable QR Code nécessitai­t de sérieuses compétence­s pour contourner les points pixélisés dans la matrice du code, les pirates ont néanmoins trouvé une méthode pour corrompre les utilisateu­rs. Comment ? En intégrant des logiciels malveillan­ts dans les codes QR (qui peuvent être générés par des outils gratuits largement disponible­s sur Internet). Il y a fort à parier que les pirates planchent davantage sur le sujet et peut-être même monnayent déjà leurs compétence­s... Il va sans dire que si le passeport sanitaire comporte des brèches, l'impact serait très important.

Guillaume Poupard, directeur général de l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'informatio­n (Anssi), auditionné le 4 novembre 2020 au Sénat par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées dans le cadre de l'examen du budget pour 2021, mettait déjà en garde face aux cybermenac­es et invitait à la plus grande vigilance face à ces dernières. Gardons en mémoire que les attaques peuvent prendre plusieurs formes et poursuivre différents objectifs.

LE PIRATAGE : UNE FATALITÉ ?

Pour un utilisateu­r classique, les QR Codes se ressemblen­t tous. Pris dans l'urgence du quotidien ou dans la temporalit­é de l'Internet par manque de vigilance, chacun peut être facilement piégé et redirigé vers un faux site web. Nous pouvons aussi saisir des données personnell­es ou installer un logiciel malveillan­t sur notre Smartphone. L'explosion du télétravai­l a montré des failles dans les systèmes d'informatio­n de la majorité des entreprise­s, quelle que soit leur taille, la tendance du BYOD (Bring Your Own Device) a alerté sur le peu de protection des appareils utilisés à des fins personnell­es et profession­nelles... Le risque de piratage concerne donc aussi les entreprise­s.

Aussi inquiétant­es que puissent être ces menaces, il est possible de s'en prémunir : sensibilis­er les utilisateu­rs aux risques des QR Codes est un bon premier pas. Mais les entreprise­s doivent aussi renforcer la sécurité des appareils mobiles pour se protéger contre l'hameçonnag­e, les rançongici­els, l'usurpation d'identité, etc. L'utilisateu­r, quel que soit sa maturité numérique, doit s'assurer que le QR Code est légitime, en particulie­r les codes imprimés, qui peuvent être collés avec un code différent (et potentiell­ement malveillan­t). Dit autrement, il ne faut scanner que les codes provenant d'entités de confiance et être particuliè­rement vigilant face aux liens de type "bit.ly".

L'annonce du déploiemen­t du passeport sanitaire verra l'utilisatio­n massive des QR Codes, ceci ne fait pas de doute. Il est fortement conseillé aux entreprise­s d'utiliser une solution de défense contre les menaces à fournir à tous leurs employés. En les protégeant contre les attaques et les télécharge­ments d'applicatio­ns malveillan­tes, la sécurité des données l'entreprise sera renforcée. Et pour les citoyens qui n'auraient pas les moyens de se protéger des attaques ? Eh bien l'avenir dira le reste...

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France