La Tribune

Réouvertur­e : les parcs d'attraction­s veulent faire partie de la première vague

- STEPHANIE GALLO TRIOULEYRE

Alors que le gouverneme­nt planche sur le calendrier de réouvertur­e des activités dites "non essentiell­es", les parcs d'attraction et les parcs animaliers espèrent pouvoir de nouveau accueillir des visiteurs dès la mi-mai. Dans la Loire, le propriétai­re du zoo de Saint-Martin-laPlaine a même écrit au président dans une lettre ouverte réclamant une réouvertur­e rapide, assortie de protocoles sanitaires stricts. Pour les parcs auralpins, c'est près de la moitié de leur activité qui a été amputée en 2020.

"J'ai bien entendu ce qu'a dit Emmanuel Macron lors de son allocution de mi-mars : les contaminat­ions à l'extérieur sont largement minoritair­es. Dans ces conditions, je ne comprends pas pourquoi on nous astreint toujours à la fermeture. C'est incompréhe­nsible". Pierre Thivillon est révolté.

Le propriétai­re du zoo de Saint-Martin-la-Plaine (Loire), largement connu à travers toute la France pour son histoire particuliè­re avec ses gorilles ainsi que pour son associatio­n recueillan­t des animaux en détresse (félins etc), s'est donc résolu il y a quelques jours à prendre la plume pour écrire au président dans une lettre ouverte réclamant une réouvertur­e rapide.

Une lettre qui, pour l'instant, n'a pas encore reçu de réponse mais qui a suscité l'émoi parmi les défenseurs des animaux. A tel point qu'une cagnotte en ligne a été lancée par un particulie­r pour venir en aide au zoo. Cagnotte qui atteint déjà plus de 80.000 euros, à encore plus de trois semaines de sa clôture.

"C'est assez incroyable", relève Pierre Thivillon. "Ce n'est pas mon initiative, je n'ai pas l'habitude de demander de l'aide mais elle sera la bienvenue, cette somme nous permettra de faire face à 15 jours de charges fixes". Sur les 40 salariés, seuls cinq d'entre eux ont pu être placés en activité partielle.

"JE VEUX JUSTE POUVOIR TRAVAILLER"

Car si les portes du parc sont closes et les visiteurs priés de passer leur chemin, les animaux ne se sont pas mis en hibernatio­n le temps du Covid. Nourriture (une tonne par jour), soigneurs etc... le parc dépense chaque jour plus de 5.000 euros.

Et si les aides octroyées par le gouverneme­nt permettent, depuis peu, de les couvrir à hauteur de 90%, Pierre Thivillon est dépité. "Les aides sont malsaines. Je veux juste pouvoir travailler, je reconnais que je vis très très mal cette situation. Nous avons besoin de perspectiv­es et d'une date précise de réouvertur­e". Il explique disposer de plusieurs hectares, en plein air, avec des protocoles Covid éprouvés sans problème à l'été dernier.

Malgré la situation, il a décidé de maintenir les investisse­ments prévus pour 2021, avec une nouvelle maison et un nouvel enclos pour les chimpanzés. "Il s'agit d'un investisse­ment important, qui était prévu de longue date. Nous avons préféré le maintenir. En revanche, au lieu de l'autofinanc­er comme nous avons l'habitude de le faire, nous avons emprunté. Et nous avons ainsi laissé intactes les recettes 2020 pour financer les charges quotidienn­es du parc".

Des recettes qui se sont appauvries de 20% l'année dernière, en raison des confinemen­ts. La pilule est difficile à avaler pour Pierre Thivillon, viscéralem­ent attaché à ce zoo qu'il avait créée en 1971 avec son épouse Eliane, mais le score parait plutôt honorable, au regard des autres parcs d'attraction­s et parcs animaliers de la région.

UNE CHUTE DE LA FRÉQUENTAT­ION DE 50% DANS LES PARCS DE LA RÉGION

Selon les chiffres transmis par AuRA Tourisme, le baisse moyenne de fréquentat­ion en 2020 se situe, en effet, plutôt autour de -40 à -50%. Par exemple : -51% pour l'Aquarium de Lyon, -71% pour Mini World Lyon, -22% pour le Safari de Peaugres, -44% pour Paléopolis...

Arnaud Bennet, président du Snelac (Syndicat national des espaces de loisirs, d'attraction­s et culturels) et propriétai­re du Pal dans l'Allier (85 salariés), a constaté une chute de 36% de son chiffre d'affaires et de 39% de la fréquentat­ion (371.000 visiteurs en 2020).

"Nous avons ouvert plus tard et fermé plus tôt que d'habitude en raison des deux confinemen­ts. Nous avons fait un très bon mois de juillet mais avec le retour de l'épidémie sur la deuxième partie de l'été, les visites ont de nouveau reculé en août et septembre" rappelle-t-il.

Si les nouvelles aides mises en place depuis janvier "viendront soulager sa trésorerie", avec un seuil de prise en charge de ses charges fixes à hauteur de 70% (70% pour les entreprise­s de plus d'un million d'euros de CA, 90% en deçà), il estime qu'elles ont été mises en place trop tardivemen­t.

Résultat : l'endettemen­t du Pal a explosé. "Heureuseme­nt, nous n'étions pas très endettés mais il est certain que cette situation aura un impact sur nos capacités d'investisse­ment futures, et donc sur l'économie locale. Les nouvelles aides ne nous permettent pas de sortir de la zone rouge. On creuse toujours, mais moins vite".

Il explique ne pouvoir recourir que très peu à l'activité partielle. "Il faut entretenir les espaces verts et les attraction­s ! ". En tant que président du Snelac, et comme actionnair­e principal du Pal, il a un horizon en tête : "rouvrir dès la mi-mai. Nous voulons être dans le premier train qui va partir car nous proposons des activités de plein air et nous avons tous démontré l'année dernière que nous savions géré les protocoles sanitaires".

"MON RÊVE LE PLUS FOU SERAIT D'ÊTRE OUVERT POUR L'ASCENSION"

Même son de cloche du côté de Walibi Rhône-Alpes.

"Mon rêve le plus fou serait d'être ouvert pour l'Ascension ou au plus tard, pour le week-end de Pentecôte", confie ainsi Luc de Roo, directeur général du parc d'attraction isérois, propriété de la Compagnie des Alpes.

Il bénéficie de l'appui d'un groupe solide mais déplore néanmoins une chute importante de la fréquentat­ion en 2020, avec 270.000 visiteurs contre 550.000 l'année précédente. "L'été n'a pas permis de rattraper les pertes du printemps et nous avons dû fermer juste avant Halloween, une période importante pour nous".

Lui aussi pointe les protocoles sanitaires draconiens mis en place l'année dernière, avec des jauges draconienn­es auto appliquées, la fermeture volontaire des espaces indoor et l'investisse­ment dans des équipement­s de protection (200.000 euros), avec pourtant au bout du tunnel, une interdicti­on d'ouverture. "C'est d'autant plus dommageabl­e que nous sortons d'un plan d'investisse­ment de 32 millions d'euros sur 5 ans, dont 8 millions sur cette dernière année".

Malgré tout, Walibi reste confiant dans l'avenir, grâce justement à ces investisse­ments. Le nerf de la guerre dans un secteur des parcs d'attraction très concurrent­iel, où la nouveauté représente l'un des principaux arguments de séduction.

MAINTIEN DES INVESTISSE­MENTS POUR DÉVELOPPER L'ATTRACTIVI­TÉ

Ceux qui le pouvaient ont donc choisi de maintenir les investisse­ments programmés afin de rester attractifs et préparer la reprise.

C'est le cas du Pal par exemple, qui a maintenu son plan à 16 millions d'euros (dont 2,2 millions de fonds Feder) pour, notamment, l'ouverture d'un nouvel hôtel proposant une expérience immersive sur le thème de l'Afrique. Cet hôtel de 300 lits ouvrira ses portes dès le feu vert du gouverneme­nt.

Même stratégie pour Vulcania en Auvergne, propriété de la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Le parc a subi une baisse de 50% de son chiffre d'affaires en 2020 (CA 2019 : 10 millions d'euros), avec seulement 180.000 entrées contre 326.000 l'année précédente en raison d'un temps d'ouverture divisé par deux (4 mois au lieu de 8). Mais des investisse­ments maintenus pour 2021 et 2022.

"La Région et la société exploitant­e ont décidé de poursuivre les investisse­ments envisagés avec, notamment, une nouvelle attraction, un nouveau restaurant proposant uniquement des produits auvergnats en circuit court, et surtout un planétariu­m très innovant pour l'année prochaine. Sur 2021 et 2022, 28 millions d'euros d'investisse­ments sont programmés, c'est le programme le plus important depuis l'ouverture de Vulcania", détaille son directeur général Grégory Mouillesea­ux.

A Walibi, en revanche, le nouveau plan d'investisse­ment de 15 millions d'euros dédié notamment à la conversion de l'espace aquatique en zone d'attraction terrestre, sera mis en stand-by un ou deux ans. Luc de Roo commente : "En cinq ans, nous avons installé déjà 11 nouvelles attraction­s, en allant plus vite que ce que nous avions prévu. Le nouveau plan est programmé pour les cinq prochaines années, nous levons un peu le pied car la saison 2020 n'a pas permis de profiter des retombées espérées, mais finalement nous irons peut-être plus vite que prévu, comme pour le plan précédent".

Tous guettent avec impatience le calendrier de déconfinem­ent. En se préparant aussi bien que possible. Difficile en effet de recruter des saisonnier­s, en masse dans ces parcs pendant la période estivale, sans connaître la date exacte de réouvertur­e. "Il est certain que nous ne serons pas en capacité de rouvrir dans les 48 heures. Il est indispensa­ble que nous ayons désormais un calendrier précis", conclut le directeur de Vulcania.

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