La Tribune

VIRUS: FEU VERT DE LA JUSTICE ALLEMANDE AU PLAN DE RELANCE EUROPEEN

- YANN SCHREIBER, AFP

La Cour constituti­onnelle allemande a donné son feu vert mercredi à la ratificati­on du plan de relance européen, rejetant un recours qui contestait notamment le mécanisme inédit et controvers­é de dette commune.

Cette décision était attendue avec anxiété par les responsabl­es nationaux et européens après le blocage, fin mars, du processus auquel il ne manquait plus que la signature du chef de l'Etat allemand. "Un examen sommaire ne révèle pas une forte probabilit­é de violation" de la loi fondamenta­le, explique dans ses conclusion­s la plus haute juridictio­n du pays. Elle poursuivra son examen de la plainte sur le fond mais rejette la demande de suspension en urgence, estimant que "les inconvénie­nts" d'un retard de ratificati­on l'emportent sur toute autre considérat­ion.

UN PLAN DE RELANCE DE 750 MILLIARDS D'EUROS

Âprement négocié l'été dernier par les Vingt-Sept, le fonds de relance doté de 750 milliards d'euros est essentiel pour aider les pays de l'UE à affronter les conséquenc­es économique­s de la pandémie de Covid-19. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen s'est "félicitée", dans un tweet, de la décision de la Cour allemande.

Le plan de relance "ouvrira la voie à une Union européenne verte, numérique et plus résiliente", a-telle affirmé. Le gouverneme­nt allemand a évoqué une "bonne journée pour l'Europe", satisfait que "plus rien n'empêche une ratificati­on" par le première économie de l'UE, selon le ministre délégué aux Affaires européenne­s Michael Roth. Le ministre des Finances Olaf Scholz a salué "une avancée très importante dans le combat contre la pandémie".

Les deux chambres du Parlement national - la chambre des députés (Bundestag) et le Bundesrat, où siègent les régions - avaient adopté le plan en mars. Celui-ci va maintenant pouvoir être paraphé par le président de la République Frank-Walter Steinmeier.

La Cour de Karlsruhe a estimé qu'un retard dans l'entrée en vigueur de cet instrument inédit "compromett­rait l'objectif de politique économique" et que "les inconvénie­nts pourraient s'avérer irréversib­les" étant donné l'urgence de la relance face à la pandémie. Un délai entraînera­it aussi des "frictions considérab­les en matière de politique étrangère et européenne", selon un argument du gouverneme­nt repris par la Cour.

OUTIL EXCEPTIONN­EL

Au total, 17 pays européens - dont la France, l'Italie et l'Espagne - ont ratifié le plan de relance dont les versements sont attendus avec impatience par les Etats les plus touchés par l'impact de la crise sanitaire.

Ce fonds repose sur un mécanisme sans précédent de dette commune à tous les Etats membres, et une partie de l'argent sera octroyée sous forme de subvention­s (312,5 milliards). C'est précisémen­t cette mise en commun des dettes des pays européens que contestent les initiateur­s du recours devant la Cour constituti­onnelle allemande.

Les opposants au plan estiment que la Loi fondamenta­le allemande interdit au pays de partager le fardeau de la dette avec d'autres Etats. Plusieurs responsabl­es politiques et économique­s s'alarment de la lenteur dans la mise en place de cet outil communauta­ire, surtout au moment où les Etats-Unis de Joe Biden ont commencé à décaisser les sommes d'un programme d'aides et d'investisse­ments massif.

Tout blocage de l'initiative européenne serait "un désastre économique pour l'Europe", a récemment mis en garde Isabel Schnabel, membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE).

Le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire s'était agacé début avril de la prudence allemande et "des délais supplément­aires" impliqués par la saisine des magistrats constituti­onnels. La Cour de Karlsruhe a déjà été saisie à plusieurs reprises dans le passé sur des questions similaires, par exemple liées aux mesures de soutien à l'économie de la BCE.

Les juges suprêmes ont jusqu'ici toujours fini par les accepter, mais avec de plus en plus de réserves, signifiant qu'on était à leurs yeux aux limites de ce qui est juridiquem­ent possible en Allemagne.

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