La Tribune

La procédure collective, la solution (mal connue) qui peut sauver les agriculteu­rs en difficulté

- Laurence Bottero l_bottero

Si le tsunami des défaillanc­es d’entreprise­s ne semble pas avoir lieu, il demeure un secteur en revanche qui mobilise l’intérêt des mandataire­s judiciaire­s et administra­teurs judiciaire­s par sa particular­ité, celui du monde agricole. Un monde à la conjonctur­e dépendante des aléas météorolog­iques, fragile souvent et qui a tendance à ne pas se tourner suffisamme­nt tôt vers les procédures pouvant l’aider à passer les temps de difficulté­s économique­s. Une (mauvaise) habitude que le président du conseil national des mandataire­s judiciaire­s et administra­teurs judiciaire­s, Christophe Basse combat ardemment.

Le tsunami n’aura pas lieu, c’est tout au moins ce que Christophe Basse, le président du conseil national des mandataire­s judiciaire­s et administra­teurs judiciaire­s assurait voici quelques semaines à La Tribune, chiffres et réflexions à l’appui. Mais si pour les TPE PME la conjonctur­e s’avère moins compliquée qu’imaginée, demeure un secteur qui requiert toute l’attention, celui du monde agricole.

Car comme que le déplore Christophe Basse, peu nombreux sont les agriculteu­rs qui ont adopté le réflexe sain de se tourner rapidement vers le tribunal de commerce lorsque la tempête économique - crise, aléas climatique­s, mauvaises récoltes... pointe le bout de son nez. Souvent par manque d’informatio­n, méconnaiss­ance des procédures, craintes mais aussi par une nature introverti­e, l’agriculteu­r qui ne va pas bien, ne le dit pas. Il souffre en silence et, parfois, ne réussit pas à redresser la barre et les comptes de son exploitati­on.

La procédure collective, la solution (mal connue) qui peut sauver les agriculteu­rs en difficulté

La procédure collective, une solution trop ignorée

Or, exhorte Christophe Basse, les solutions existent pour peu que l’agriculteu­r ose franchir le pas et pousse la porte du tribunal, dans une démarche de prévention qui peut lui permettre de traverser les temps difficiles sans obérer l’avenir de son entreprise.

Certes, il existe bien une procédure spécifique pour le monde agricole, la procédure amiable agricole, qui peut être déclenchée dès l’apparition des premières difficulté­s ou dès qu’elles sont pressentie­s. Mais elle n’est pas la seule solution possible et surtout elle n’ouvre pas un aussi temps long que d’autres procédures collective­s.

Et ce sont bien ces procédures collective­s que Christophe Basse souhaitera­it que les agriculteu­rs n’ignorent pas. Précisémen­t le mandat ad’hoc et la sauvegarde. Deux outils, pour le président national des mandataire­s judiciaire­s et administra­teurs judiciaire­s, qui s’adaptent au monde agricole mais qui sont

« peu utilisés. Seulement 2.000 par an » alors qu’il existe, selon l’Insee, 400.000 agriculteu­rs en France. Deux procédures qui sont mieux connues des entreprise­s au sens global, la crise étant notamment passée par là. Mais qui demeurent méconnues, voire ignorées des agriculteu­rs.

Etaler les dettes, la souplesse nécessaire

Et si les agriculteu­rs ne vont pas vers le mandat ad’hoc et la sauvegarde, c’est certes parce qu’une certaine méconnaiss­ance existe, mais c’est aussi, souligne Christophe Basse, parce que les agriculteu­rs en difficulté ont tendance à se refermer sur eux, à pratiquer une certaine omerta, alors qu’en même temps, les aléas climatique­s - gel, sécheresse, grêle - contribuen­t à renforcer leur fragilité.

« La procédure collective permet de geler les dettes, d’étaler celles-ci sur une période de 15 ans, avec une période d’observatio­n et en tenant compte de l’année culturale », défend Christophe Basse. Tenir compte de l’année culturale, c’est précisémen­t cette souplesse qui fait la différence, tout comme la durée allongée à 15 ans pour les activités agricoles quand elle n’est que de dix ans pour tout autre type d’activité. « L’évolution se fait, durant la période, en fonction de l’activité. C’est aussi une façon de récupérer de la trésorerie », analyse Christophe Basse.

« La crainte du dirigeant d’exploitati­on est de perdre la direction de son entreprise. Mais la vente de celle-ci n’intervient que si l’activité n’est plus viable ».

Les créanciers, des lanceurs d’alerte

Si les agriculteu­rs ne doivent pas craindre de faire connaître leurs difficulté­s à qui de droit, certains créanciers ont également un rôle à jouer en tirant la sonnette d’alarme. Des créanciers dont fait partie la Mutuelle Sociale Agricole (MSA) qui est souvent la première à percevoir les tensions financière­s. « La MSA est la première informée des difficulté­s rencontrée­s. Elle doit pouvoir mener un travail de pédagogie auprès des agriculteu­rs », note Christophe Basse. « Les créanciers doivent agir comme des lanceurs d’alerte ». Le message est donc bien plus large que s’adressant aux seuls agriculteu­rs. C’est aussi une façon, au-delà du cas spécifique de l’agricultur­e - de participer à la relance. Car prévenir est toujours mieux que guérir.

 ?? ?? Les solutions existent pour peu que l’agriculteu­r ose franchir le pas et pousse la porte du tribunal. (Crédits : Reuters)
Les solutions existent pour peu que l’agriculteu­r ose franchir le pas et pousse la porte du tribunal. (Crédits : Reuters)

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