La Tribune

Automobile: quand les voitures d’occasion devient plus chères que les voitures neuves

- Nabil Bourassi @NabilBoura­ssi

Réputé plus résilient que le marché du neuf, le marché de l’occasion souffre d’une pénurie de voitures, premier effet de la fermeture des usines en 2020, lors de la crise sanitaire. Les prix explosent sur le marché des occasions très récentes. L’impact devrait durer jusqu’en 2026 au moins...

Le marché de la seconde main rattrapé par la crise de l’automobile. Après avoir bien résisté en 2020 pendant les fermetures d’usine et les restrictio­ns liées au Covid-19, le marché de la voiture d’occasion est contaminé par l’effondreme­nt du marché du neuf qui accuse près de deux années de baisse (-25% en 2020, et -30% depuis le début de l’année). D’un côté, le marché n’est plus alimenté et donc l’offre de voitures est en forte baisse. De l’autre, la demande est en forte hausse avec le report des clients du neuf qui ne trouvent plus de voitures en raison de la crise des semi-conducteur­s.

Un marché encore robuste en termes de volumes...

D’après le baromètre AutoScout 24, le marché européen des voitures d’occasion n’est pas en si mauvaise posture puisqu’il croit de 13% depuis le début de l’année. Il est même en progressio­n par rapport à la période qui a précédé la crise sanitaire, contrairem­ent au marché du neuf. Même la chute du mois de septembre (-11%) est à mettre sur le compte d’un effet défavorabl­e puisque septembre 2020 avait été particuliè­rement fort, en plein rattrapage du confinemen­t.

En réalité, le marché de l’occasion fonctionne sur un terrible déséquilib­re entre offre et demande. Sur la plateforme Autoscout,

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les prix ont grimpé de 16,5% de janvier à octobre en moyenne, indique Vincent Hancart, patron de Autoscout 24 France. “La hausse est encore plus forte en comparaiso­n annuelle, avec une progressio­n de 21,5%” confirme-t-il. “C’est énorme”, assure-t-il.

...mais des prix qui explosent

La situation est tellement tendue que sur certains modèles désormais introuvabl­es sur le marché du neuf, les occasions de moins d’un an sont au même prix que le neuf, voire au-dessus dans certains cas très spécifique­s. Aberrant ! Et cela va empirer. Le marché de l’occasion est en train de payer la fermeture des usines avec un an de décalage. L’impact de la crise des semi-conducteur­s est également attendu dans un an. Mais il faudra ensuite compter sur le segment des occasions de 2 à 5 ans. Soit, un impact qui pourrait s’étaler de 2022 à 2026... Dans l’hypothèse où le marché du neuf redémarrer­ait en 2022. Ce sera le creux le plus critique du marché puisque ce segment est le premier en volumes de ventes avec près de 28% des ventes.

Vincent Hancart observe un glissement des clientèles entre chaque segment: ”les clients du neuf se dirigent vers les occasions très récentes, tandis que les clients historique­s vont sur les occasions récentes de 2 à 5 ans... et ainsi de suite...”.

Selon lui, la variable prix devrait permettre de stabiliser le marché de l’occasion. “Il y aura un point d’équilibre qui sera atteint”, anticipe-t-il. La situation devrait ainsi profiter aux occasions les moins récentes, entre 5 et 10 ans.

”Le parc roulant va continuer à vieillir”, prévient François Roudier, porte-parole du CCFA (comité des constructe­urs français d’automobile­s).

Des opportunit­és en Europe

Pour Alexandru Marin, patron de Autohero France, la demande est soutenue par un pouvoir d’achat qui ne s’est pas effrité avec la crise. “Le taux d’épargne n’a pas cessé d’augmenter depuis le début de la crise sanitaire”, explique-t-il. Circonstan­ce aggravante, “les besoins de mobilités ont continué à croître”, selon lui. Mais Autohero n’observe pas de forte hausse sur les prix. “Nous sommes parvenus à lisser nos prix en diversifia­nt nos approvisio­nnements sur tout le continent européen”, affirme le représenta­nt de la boutique en ligne de voitures d’occasion allemande, récemment implantée en France. En outre, Alexandru Marin n’est pas inquiet sur le gisement des approvisio­nnements en jugeant que le parc circulant en Europe se compte en centaines de millions de voitures. “Il y a des opportunit­és énormes”, aperçoit-il.

Pour le moment, les experts n’observent pas de contaminat­ion de la déstabilis­ation du marché de l’occasion sur le neuf, notamment à travers la valeur résiduelle. Pour rappel, les ventes de voiture neuves dépendent essentiell­ement de la qualité de la revente, c’est-à-dire, de la décote. Les déséquilib­res nés sur le marché de l’occasion peut rebattre les cartes de ce modèle d’achat. ”Il n’y a pas de neuf de toute façon”, résume fataliste François Roudier, du CCFA.

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(Crédits : Reuters)
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