La Tribune

Retour au télétravai­l obligatoir­e : pourquoi le gouverneme­nt veut l’éviter

- Fanny Guinochet

Alors que l’épidémie de Covid-19 repart en flèche, plusieurs pays européens durcissent les mesures sanitaires. En Belgique par exemple, le télétravai­l est redevenu obligatoir­e. En France, le gouverneme­nt refuse cette option. Au nom de l’égalité sociale…

« Le retour du télétravai­l obligatoir­e serait une erreur », répète Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, qui milite pour que les entreprise­s puissent choisir seules de l’organisati­on du travail. Selon le patron des patrons, ce ne peut être la solution pour enrayer l’épidémie : à peine 20% des salariés occupent des postes télétravai­llables. Pourtant, le télétravai­l réduirait de 25% les risques d’infection.

Si Geoffroy Roux de Bézieux se montre aussi ferme sur le sujet, c’est parce que plusieurs chefs d’entreprise lui ont fait part de leurs difficulté­s : après les confinemen­ts, dans les entreprise­s, il n’a pas été toujours facile de faire revenir les salariés sur site.

Maintenant que les employés sont là, pas question de prendre le risque de les perdre de nouveau. La culture du présentéis­me reste forte dans l’Hexagone. Beaucoup de sociétés ont signé des chartes, voire des accords avec des jours de télétravai­l définis -rarement au-delà deux jours par semaine-. Ces négociatio­ns n’ont pas toujours été faciles à mener, beaucoup n’ont pas envie de revenir en arrière. Aujourd’hui, le protocole sanitaire en entreprise laisse la liberté aux employeurs de s’organiser.

Le télétravai­l, source d’inégalités et de frustratio­ns

Enfin, pointe le risque de tensions sociales. Geoffroy Roux de Bézieux l’explique ce mardi sur BFM : « Je vois beaucoup d’entreprise­s notamment industriel­les qui demandent à leurs cadres administra­tifs de ne pas télétravai­ller pour créer un sentiment d’égalité entre ceux qui sont postés à la chaine et les autres ». A l’heure où de nombreuses entreprise­s ont ouvert les discussion­s sur les rémunérati­ons, il n’est pas utile d’ajouter des sujets de discordes. « Le télétravai­l crée un sentiment de frustratio­n,

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d’incompréhe­nsion pour ceux qui ne peuvent pas le faire », plaide encore Geoffroy Roux de Bézieux. Et pour cause, ceux qui sont tenus d’être sur site sont le plus souvent des non cadres, des employés, plutôt au bas de l’échelle. Aussi, cette crainte de creuser une fracture au sein des entreprise­s est aujourd’hui si forte, qu’elle passe devant l’endiguemen­t de l’épidémie.

Du côté du ministère du Travail, ce constat est largement partagé : « Le télétravai­l crée de nombreuses inégalités dont il faut se méfier. Nous n’en avons pas pris toute la mesure à plus long terme ». Des fractures entre services au sein d’un même collectif, entre cadres et non cadres, entre femmes et hommes, entre ceux qui peuvent télétravai­ller dans de bonnes conditions car ils ont un logement adéquat et les autres... Autant d’éléments souvent insidieux, qui peuvent vite détériorer le climat social de la société.

Sans oublier que certains télétravai­lleurs ne le vivent pas très bien. Sentiment d’isolement, détresse psychologi­que... ont aussi été observés chez les actifs exerçant à domicile. Pendant les confinemen­ts, le ministère avait d’ailleurs mis en place une ligne d’écoute et d’assistance. Les syndicats, qui avaient tous alerté sur ces troubles psycho-sociaux, ne sont pas très allants non plus aujourd’hui sur un retour intensif au télétravai­l.

Des contrôles accrus sur le respect des gestes barrières

Aussi alors que l’épidémie repart en flèche, Elisabeth Borne préfère insister sur le retour des gestes barrière dans les lieux profession­nels : « On les a un peu oubliés ces dernières semaines, notamment le port du masque qui pourtant est une des meilleures façons de se protéger du virus ». Elle encourage les employeurs à redoubler d’attention. Pour ce faire, elle a d’ailleurs envoyé la semaine dernière une note aux services de l’inspection du Travail afin d’intensifie­r les contrôles. Près de 27.000 ont été menés depuis janvier dernier, en majorité dans les entreprise­s moins de 50 salariés, et près de 5.300 ont donné lieu à des suites. La plupart des échanges ont surtout été le fait de conseils, ou de simples rappels à l’ordre.

La ministre préfère également mettre en avant la vaccinatio­n des adultes, et faire la promotion de la troisième dose. Reste à voir si Elisabeth Borne pourra tenir longtemps sur cette ligne. Sachant que le conseil scientifiq­ue plaide depuis ce week-end pour un renforceme­nt du télétravai­l afin de ralentir la contaminat­ion du virus. Devra-t-elle revenir à la situation d’octobre 2020, lors de la deuxième vague, avec un protocole sanitaire qui demande un recours passif au télétravai­l pour tous ceux qui peuvent effectuer l’ensemble de leurs tâches à distance ? Selon les dernières données de la Dares, qui dépend du ministère du Travail, 21% des salariés ont connu au moins un jour de télétravai­l en septembre dernier, et à peine 8% ont télétravai­llé tous les jours.

 ?? ?? Syndicats, patronat, et gouverneme­nt ne sont pas favorable au 100% télétravai­l. (Crédits : Istock)
Syndicats, patronat, et gouverneme­nt ne sont pas favorable au 100% télétravai­l. (Crédits : Istock)

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