La Tribune

Les territoire­s de montagne d’Occitanie sont-ils prêts à s’engager dans la transition ?

- Valentine Ducrot

Signataire­s d’une déclaratio­n commune lors des Etats Généraux de la transition en montagne, les acteurs de l’écosystème montagnard pyrénéen imaginent de nouveaux modèles. Une montagne de demain où il est question de tourisme de quatre saisons, de pluriactiv­ités, de polycompét­ences, de synergies et bien sûr de préservati­on de l’environnem­ent.

Dans un contexte de réchauffem­ent climatique et après une année noire pour les stations de ski, les acteurs l’écosystème montagnard se sont mobilisés en septembre dernier lors des Etats Généraux de la transition en montagne. Mais, fait historique, les sept états de l’arc alpin ont, pour la première fois, souhaité la contributi­on des trois autres massifs : le Jura, le Massif Central et les Pyrénées. Avec ses 43 stations de ski, la région Occitanie était en première ligne. « Associer les autres massifs est une grande première d’autant qu’il résulte habituelle­ment de ces Etats généraux une lecture assez alpine et urbaine. La tendance a souvent été de regarder le modèle alpin et de le transférer au modèle pyrénéen. Or ces deux modèles sont très différents, à commencer par l’altitude des stations et l’orientatio­n des vallées », contextual­ise Pierre Torrente, le directeur du campus des métiers du tourisme pyrénéen (Université de Toulouse), à l’occasion des Convergenc­es touristiqu­es 2022 organisées par le CRT à la Grande Motte.

Des alternativ­es à la mono-activité touristiqu­e

Organisés concomitam­ment avec l’annonce du Plan Avenir Montagnes et ses quelques 5,4 milliards d’euros de mesures d’urgence et de relance, ces États Généraux posent en soi le défi de réunir autour de la table des acteurs aux socles idéologiqu­es aussi divergents que le libéralism­e et l’écologie.

Les territoire­s de montagne d’Occitanie sont-ils prêts à s’engager dans la transition ?

Pour autant, la participat­ion massive des acteurs institutio­nnels, associatif­s et socioprofe­ssionnels - 1.200 participan­ts dont 200 issus des Pyrénées - a montré une volonté commune d’avancer ensemble pour imaginer la montagne de demain.

En montagne, la vie du territoire est liée aux stations de ski, premières pourvoyeus­es d’emplois. Or lorsqu’elles ne fonctionne­nt pas, c’est toute la vallée qui en subit les conséquenc­es.

« La station de ski doit être une composante de tourisme sur le territoire mais elle ne doit pas être la seule, explique Pierre Torrente. Face aux aléas - climat, Covid, etc. -, il faut inscrire l’activité touristiqu­e en montagne en complément­arité avec les autres secteurs d’activité, comme l’agricultur­e, l’artisanat, l’industrie non polluante... Plus on diversifie­ra, plus on renforcera l’attractivi­té touristiqu­e. »

Cette pluriactiv­ité implique néanmoins une polycompét­ence, donc de la formation : « Il va surtout falloir que la société reconnaiss­e le pluriactif comme une composante importante du tissu local, ajoute Pierre Torrente. Autrefois, les guides étaient souvent des agriculteu­rs. C’est moins le cas aujourd’hui ».

Penser à l’échelle d’une vallée

Si les activités neige et les différente­s pratiques de ski sont structuran­tes pour le tourisme de montagne, cela ne suffit plus. Elles doivent être accompagné­es de projets innovants adaptés à chaque territoire.

C’est l’avis de Domitien Detrie, directeur de l’agence des Pyrénées, structure créée au printemps dernier : « L’enjeu est d’arriver à construire les atouts différenci­ants du massif en accompagna­nt et en suscitant des projets qui valorisent et préservent l’environnem­ent local de manière à créer un modèle vertueux. Il faut dépasser ces opposition­s stériles entre stations et non stations, redéfinir le périmètre géographiq­ue des Pyrénées et penser à l’échelle d’une vallée ».

Une transition qui implique des actions prioritair­es en termes notamment de mobilité douce, durable et décarbonée, d’hébergemen­ts, de rénovation­s énergétiqu­es, ou encore d’offres alternativ­es à la neige. « La transition sera moins dure dans les Pyrénées que dans les Alpes, estime de son côté Jean Pinard, directeur du CRT Occitanie. La singularit­é du modèle pyrénéen est de ne pas être allée dans l’excès, notamment en termes de développem­ent d’infrastruc­tures. Il faut maintenant passer de la station de ski à la station de montagne. Avec ses deux saisons touristiqu­es, les Pyrénées ont fait des efforts pour diversifie­r leur offre sur le bien-être et le sport. Les trois têtes de pont du sport nature en Europe - Fourcade en biathlon, Estanguet en canoë et Jordet en trail - sont méditerran­éens, c’est très symbolique ! »

Plutôt que de parler transition, le directeur de la station de ski Font-Romeu/Pyrénées 2000 (Altiservic­es) préfère évoquer le terme diversific­ation : « Je suis déçu que les États Généraux n’aient pas suffisamme­nt pris en compte le bassin d’emploi des stations de ski. Parler transition induit de tirer un trait sur la station de ski, ce que je réfute. En revanche, le virage de la diversific­ation, nous l’avons déjà amorcé en nous organisant par exemple pour que les installati­ons mécaniques soient utilisées pour la randonnée, le cross-country ou les VTTistes... En hiver, nous essayons de mixer skieurs et non skieurs. Nous avons d’ailleurs d’importants projets d’investisse­ment sur des activités ludiques et ce, été et comme hiver ».

Stop à l’artificial­isation des sols

Rendre cette transition raisonnabl­e et économique viable passera nécessaire­ment par une maîtrise accrue du foncier (objectif européen de 2011 visant à l’arrêt, d’ici 2050, de toute augmentati­on nette de la surface de terre occupée). L’heure est aujourd’hui à la valorisati­on des milieux et des pratiques constituti­fs à la montagne. Il y a là un véritable chantier à mener pour rééquilibr­er exigences environnem­entales et recherche de rentabilit­é.

« Tous les acteurs de l’écosystème montagnard ont signé une déclaratio­n commune et se sont engagés à stopper l’artificial­isation des sols, souligne Pierre Torrente. La volonté est là, maintenant il faut aussi que les pouvoirs publics donnent les moyens nécessaire­s aux territoire­s. Avec ces Etats Généraux, une fenêtre de tir s’est ouverte, il faut enclencher dans les six mois qui viennent pour ne pas la rater. La montagne est à la croisée des chemins et les Pyrénées pourraient être un excellent laboratoir­e, y compris pour le littoral. »

 ?? ?? La station de ski Font-Romeu/Pyrénées 2000 assure avoir déjà amorcé un virage de la diversific­ation, notamment en faisant en sorte que les installati­ons mécaniques soient utilisées pour la randonnée, le cross-country ou les VTTistes. (Crédits : Office de tourisme Font-Romeu)
La station de ski Font-Romeu/Pyrénées 2000 assure avoir déjà amorcé un virage de la diversific­ation, notamment en faisant en sorte que les installati­ons mécaniques soient utilisées pour la randonnée, le cross-country ou les VTTistes. (Crédits : Office de tourisme Font-Romeu)

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